26 septembre 2005
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QU'EST-CE QUE LE SANCTUAIRE?
« Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. » (Daniel 8.14) Cette déclaration, la base et la colonne centrale de la foi adventiste, était familière à tous les amis du prochain retour du Christ. Répétée par des milliers de bouches, elle était comme le mot d'ordre de leur foi. Tous étaient convaincus que leurs espérances les plus glorieuses et les plus chères dépendaient des événements prédits dans ce passage dont la période prophétique expirait en l'automne de 1844. Avec tout le monde chrétien, les adventistes croyaient alors que la terre, en totalité ou en partie, constituait le sanctuaire, et que la « purification du sanctuaire » signifiait l'embrasement du globe par le feu au dernier jour, c'est-à-dire au moment du retour du Seigneur, qui, selon cette interprétation, devait se produire en 1844.
Or, le temps fixé avait passé et le Seigneur n'était pas revenu. Mais les croyants savaient que la Parole de Dieu ne peut faillir. Il fallait donc qu'il y eût quelque erreur dans leur interprétation de la prophétie; mais où était cette erreur? Un grand nombre pensèrent avoir résolu le problème en niant que les deux mille trois cents jours se fussent terminés en 1844. Sur quoi basaient-ils leur affirmation? Uniquement sur le fait que Jésus n'était pas revenu au moment où on l'attendait. Ils prétendaient que si les deux mille trois cents jours avaient pris fin en 1844, le Seigneur serait venu pour purifier la terre par le feu, et que, du moment qu'il n'était pas venu, l'aboutissement de la prophétie en question ne coïncidait pas avec cette date.
Accepter cette conclusion, c'était renoncer au calcul adopté pour les périodes prophétiques. On avait constaté que les deux mille trois cents jours partaient de l'automne de l'année 457 avant notre ère, date à laquelle était entré en vigueur le décret d'Artaxerxès ordonnant la restauration et la reconstruction de Jérusalem. En prenant cette date comme point de départ, on se rendit compte que tous les événements jalonnant cette période d'après le texte de Daniel (chap. 9, versets 25-27) s'étaient parfaitement accomplis. Soixante-neuf semaines, soit les quatre cent quatre-vingt-trois premières années de cette période, devaient aboutir « au Christ », à « l'Oint » (ou Messie); or, le baptême et l'onction de Jésus, qui eurent lieu en l'an 27, se produisirent exactement à la date fixée. Au milieu de la soixante-dixième semaine, le Messie devait être « retranché ». Or, Jésus avait été crucifié juste trois ans et demi après son baptême, au printemps de l'an 31 de notre ère. Et comme les soixante-dix semaines (ou quatre cent quatre-vingt-dix ans) étaient exclusivement réservées au peuple juif, à l'expiration de cette période, en l'an 34 de notre ère, Israël ayant définitivement rejeté le Christ en persécutant ses disciples, les apôtres s'étaient tournés vers les Gentils. Les quatre cent quatre-vingt-dix premières années écoulées, il restait encore mille huit cent dix ans de la période des deux mille trois cents. Si l'on ajoute 1810 à l'an 34, on aboutit à l'année 1844. C'est alors, dit l'ange, que « le sanctuaire sera purifié ». Tous les détails de la prophétie s'étaient donc accomplis à point nommé.
Avec ce calcul tout cela était clair et concordant, sauf un seul point : aucun événement répondant à la purification du sanctuaire n'avait marqué l'année 1844. Nier que cette période aboutit à cette date, c'était tout remettre en question et renoncer à des positions établies par d'indéniables accomplissements de la prophétie.
Or, le Dieu qui avait conduit son peuple durant tout le cours du grand mouvement adventiste, celui qui l'avait honoré de sa puissance et de sa gloire, n'allait pas permettre que son oeuvre sombrât dans les ténèbres et le désespoir, taxée d'imposture et de fanatisme. Un grand nombre de croyants abandonnaient leur ancien calcul des périodes prophétiques et reniaient le grand mouvement qui en était issu, mais d'autres n'étaient pas disposés à abjurer des points de foi appuyés sur les faits, les Écritures et le témoignage de l'Esprit de Dieu. Convaincus d'avoir adopté dans leur étude des prophéties des principes d'interprétation parfaitement sains, ils estimaient que leur devoir était de rester fidèles à ce qui était acquis. Adressant à Dieu de ferventes prières, ils se remirent à examiner les bases de leur foi, afin de découvrir leur erreur. N'en trouvant aucune dans le calcul des périodes prophétiques, ils en vinrent à examiner avec plus de soin la question du sanctuaire.
Cette étude les amena d'abord à la conclusion que rien dans les Écritures ne soutenait la croyance populaire selon laquelle la terre serait le sanctuaire. En revanche, ils y trouvèrent un exposé complet de la question du sanctuaire, de sa nature et de ses services. Au fait, le témoignage des auteurs sacrés était si étendu et si clair que l'hésitation était impossible. Dans l'épître aux Hébreux, l'apôtre Paul disait textuellement : « La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre. Un tabernacle fut, en effet, construit. Dans la partie antérieure, appelée le lieu saint, étaient le chandelier, la table et les pains de proposition. Derrière le second voile se trouvait la partie du tabernacle appelée le saint des saints, renfermant l'autel d'or pour les parfums et l'arche de l'alliance, entièrement recouverte d'or. Il y avait dans l'arche un vase d'or contenant la manne, la verge d'Aaron, qui avait fleuri, et les tables de l'alliance. Au-dessus de l'arche étaient les chérubins de la gloire, couvrant de leur ombre le propitiatoire. » (Hébreux 9.1-5)
Le sanctuaire dont parlait l'apôtre, c'était le tabernacle que Moïse construisit sur l'ordre de Dieu pour être la demeure terrestre du Tout-Puissant. « Ils me feront un sanctuaire, et j'habiterai au milieu d'eux. » (Exode 25.8) Les Israélites voyageant alors dans le désert, le tabernacle fut construit de façon à pouvoir être démonté et transporté de lieu en lieu. Néanmoins, cette construction était d'une grande magnificence. Ses parois, faites de planches plaquées d'une forte couche d'or laminé, étaient assemblées et enchâssées dans des socles d'argent. La toiture était formée d'une série de tapis superposés. La couverture extérieure était de peaux, tandis que celle de l'intérieur se composait d'une tapisserie de fin lin sur laquelle étaient brodées des figures de chérubins. Entouré d'une cour ou parvis extérieur, où se trouvait l'autel des holocaustes, le tabernacle -- ou la tente -- consistait en deux pièces appelées respectivement le lieu saint et le lieu très saint (on saint des saints). Ces deux pièces étaient séparées par une magnifique draperie. Un voile d'un tissu semblable, formant portière, fermait l'entrée de la première pièce.
Dans le lieu saint, au midi, se trouvait le chandelier à sept lampes éclairant nuit et jour le sanctuaire; au nord il y avait la « table des pains de proposition », et devant le voile séparant le lieu saint du lieu très saint était l'autel d'or, ou « autel des parfums », duquel une nuée odoriférante montait chaque jour devant Dieu avec les prières d'Israël.
Le lieu très saint renfermait « l'arche de l'alliance », coffret de bois précieux, plaqué d'or, contenant les deux tables de pierre sur lesquelles Dieu avait gravé les dix commandements. Le « propitiatoire », qui en formait le couvercle, était une oeuvre d'art forgée d'une seule pièce d'or massif. À chaque extrémité, il portait un chérubin en or battu. Dans cette pièce, entre les chérubins, se manifestait la présence divine, voilée par une nuée resplendissante.
Après l'établissement des Hébreux en Canaan, le tabernacle fut remplacé par le temple de Salomon, édifice beaucoup plus vaste et permanent, mais conservant les mêmes proportions et les mêmes pièces d'ameublement. C'est sous cette forme que le sanctuaire a subsisté -- sauf pendant la période où il resta en ruine, aux jours de Daniel -- jusqu'à sa destruction par les Romains en l'an 70 de notre ère. Tel était le seul sanctuaire mentionné dans les Écritures comme ayant existé sur la terre. Saint Paul nous informe que c'était le sanctuaire de l'ancienne alliance. Mais la nouvelle alliance n'a-t-elle pas, elle aussi, un sanctuaire?
Revenant à l'épître aux Hébreux, les croyants avides de lumière remarquèrent que l'existence d'un second sanctuaire, celui de la nouvelle alliance, était impliquée dans les paroles de Paul déjà citées : « La première alliance avait aussi des ordonnances relatives au culte, et le sanctuaire terrestre. » Le mot « aussi » rappelait que Paul avait déjà mentionné un autre sanctuaire. On lit, en effet, au chapitre 8 : « Le point capital de ce qui vient d'être dit, c'est que nous avons un tel souverain sacrificateur, qui s'est assis à la droite du trône de la majesté divine dans les cieux, comme ministre du sanctuaire et du véritable tabernacle, qui a été dressé par le Seigneur et non par un homme. » (Hébreux 8.1, 2)
Voici donc le sanctuaire de la nouvelle alliance. Celui de l'ancienne alliance, construit par Moïse, avait été dressé par les hommes; celui-ci est dressé par le Seigneur, et non par un homme. Dans le premier, le service était assuré par des sacrificateurs terrestres; dans le second, c'est Jésus-Christ, notre souverain sacrificateur, qui officie à la droite de Dieu. L'un était sur la terre, l'autre est dans le ciel.
En outre, le tabernacle construit par Moïse avait été fait d'après un modèle. Le Seigneur lui avait dit en effet : « Vous ferez le tabernacle et tous ses ustensiles d'après le modèle que je vais te montrer. » L'ordre est répété en ces termes : « Regarde et fais d'après le modèle qui t'est montré sur la montagne. » (Exode 25.9, 40)
Or, Paul déclare que le premier tabernacle « est une figure pour le temps actuel, où l'on présente des offrandes et des sacrifices qui ne peuvent rendre parfait sous le rapport de la conscience celui qui rend ce culte »; que ses lieux saints sont « les images des choses qui sont dans les cieux »; que les sacrificateurs qui présentaient les dons selon la loi célébraient un culte qui n'était « que l'image et l'ombre des choses célestes », et que le Christ est « entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu ». (Hébreux 9.9, 23; 8.5; 9.24)
Le sanctuaire céleste dans lequel Jésus exerce maintenant son sacerdoce est l'auguste original dont le sanctuaire construit par Moïse était la copie. Dieu avait donné son Esprit aux constructeurs du sanctuaire terrestre, dont le génie artistique était une manifestation de la sagesse divine. Celle-ci éclatait partout : dans les parois du tabernacle, qui paraissaient d'or massif et réfléchissaient en tous sens les sept lumières du chandelier, dans la table des pains de proposition et l'autel des parfums où rutilait l'or poli, dans la riche tapisserie formant le plafond, parsemée de figures de chérubins brodées en bleu, en pourpre et en écarlate. Au-delà du second voile, au-dessus du propitiatoire, la gloire de Dieu se manifestait dans la sainte Shekinah, en présence de laquelle nul, sauf le souverain sacrificateur, ne pouvait pénétrer et vivre.
L'incomparable splendeur du sanctuaire terrestre reflétait aux regards d'Israël les gloires du tabernacle céleste où Jésus-Christ, notre précurseur, réside maintenant en la présence de Dieu. Le palais du Roi des rois, entouré de mille milliers de servants et de dix mille millions d'assistants ( voir Daniel 7.10); ce temple embrasé de la gloire du trône éternel, où d'étincelants gardiens, les séraphins, adorent en se voilant la face, ne trouvait qu'une pâle image de son immensité et de sa gloire dans les constructions les plus luxueuses érigées par la main des hommes. Néanmoins, les rites qui s'y déroulaient révélaient des faits importants touchant le sanctuaire céleste et l'oeuvre qui s'y poursuit pour la rédemption de l'homme.
Les lieux saints du sanctuaire céleste sont figurés par les deux pièces du sanctuaire terrestre. Lorsque saint Jean eut le privilège de contempler en vision « le temple de Dieu qui est dans le ciel », il vit « devant le trône sept lampes ardentes » (Apocalypse 4.5); il y vit aussi un ange « ayant un encensoir d'or », auquel on « donna beaucoup de parfums, afin qu'il les offrit, avec les prières de tous les saints, sur l'autel d'or qui est devant le trône » (Apocalypse 8.3). L'endroit où avait lieu cet office était la première pièce du sanctuaire céleste, puisque le prophète y aperçut les sept lampes ardentes et l'autel d'or, représentés par le chandelier d'or et l'autel des parfums du sanctuaire terrestre. Puis, « le temple de Dieu dans le ciel s'étant ouvert » (Apocalypse 11.19), le révélateur, plongeant les regards au-delà du voile jusque dans le saint des saints, y distingua « l'arche de son alliance », représentée par le coffret sacré fait par Moïse pour contenir les tables de la loi de Dieu.
Au cours de cette étude, on trouva des preuves indiscutables de l'existence d'un sanctuaire dans le ciel. En effet, Moïse avait construit son sanctuaire d'après le modèle qui lui avait été montré; Paul enseigne que ce modèle était le tabernacle véritable qui est dans le ciel, et Jean affirme qu'il l'a contemplé!
C'est dans ce temple, résidence de Dieu, que son « trône est établi pour la justice et le jugement ». Dans ce lieu très saint se trouve sa loi, la grande norme du bien et du mal par laquelle le monde sera jugé. Et c'est devant l'arche où elle est renfermée, recouverte du propitiatoire, que Jésus plaide les mérites de son sang en faveur du pécheur. C'est ainsi que, dans le plan de la rédemption humaine, est représentée l'union de la justice et de la miséricorde. Seule la sagesse infinie pouvait concevoir un tel accord, et seule la puissance infinie pouvait le réaliser. Il remplit le ciel d'étonnement et d'adoration. Les chérubins du sanctuaire terrestre, les yeux respectueusement baissés sur le propitiatoire, représentaient l'intérêt avec lequel les armées célestes contemplent l'oeuvre de la rédemption. Cette oeuvre -- mystère de miséricorde dans lequel « les anges désirent plonger leurs regards » -- révèle comment, tout en restant juste, Dieu peut justifier le pécheur et renouer des relations avec une race déchue; comment Jésus-Christ a pu descendre dans l'abîme de la perdition pour en retirer des multitudes de créatures qu'il couvre du vêtement immaculé de sa justice, pour les réunir aux anges fidèles et les introduire à tout jamais en la présence de Dieu.
L'oeuvre du Sauveur comme intercesseur de l'homme est présentée dans la belle prophétie de Zacharie relative à celui dont le nom est « Germe ». « Lui, il bâtira le palais de l'Éternel, dit le prophète, et lui, il portera la splendeur; et il siégera et dominera sur son trône [celui de son Père]; et il sera sacrificateur sur son trône; et il y aura un conseil de paix entre les deux. » (Zacharie 6.13 vers. de Lausanne)
« Il bâtira le temple de l'Éternel. » Par son sacrifice et sa médiation, Jésus-Christ est à la fois le fondement et le constructeur de l'Église de Dieu. L'apôtre Paul le désigne comme la « pierre angulaire » sur laquelle « tout l'édifice, bien coordonné, s'élève pour être un temple saint dans le Seigneur ». « En lui, ajoute-t-il, vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en esprit. » (Éphésiens 2.20-22)
« Il apportera la splendeur. » C'est au Christ que revient la gloire de la rédemption de l'espèce humaine. Pendant les siècles éternels, les rachetés chanteront : « À celui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, ... à lui soient la gloire et la puissance, aux siècles des siècles! » (Apocalypse 1.5, 6)
« Il siégera et dominera sur son trône; il sera sacrificateur sur son trône. » Il n'est pas encore, actuellement, « sur le trône de sa gloire »; le royaume de gloire n'a pas encore été inauguré. Ce n'est que lorsque son oeuvre sacerdotale sera achevée que « Dieu lui donnera le trône de David, son père », et que « son règne n'aura point de fin ». (Luc 1:32, 33) En sa qualité de sacrificateur, Jésus est maintenant assis avec son Père sur son trône. (Apocalypse 3.21) Celui qui a « porté nos souffrances » et qui s'est « chargé de nos douleurs », celui « qui a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché », afin de pouvoir « secourir ceux qui sont tentés », c'est le même qui est maintenant assis sur le trône de l'Être éternel, de celui qui a la vie en lui-même. « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. » (Ésaïe 53.4; Hébreux 4.15; 2.18; 1 Jean 2.1) « Son intercession se fonde sur son corps meurtri et sa vie immaculée. Ses mains et ses pieds blessés, son côté percé, plaident en faveur de l'homme déchu, dont la rédemption fut acquise à ce prix infini.
« Il y aura un conseil de paix entre les deux. » L'amour du Père, non moins que celui du Fils, est la source du salut de notre race perdue. Avant de les quitter, Jésus dit à ses disciples : « Je ne vous dis pas que je prierai le Père pour vous; car le Père lui-même vous aime. » (Jean 16.26, 27) « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même. » (2 Corinthiens 5.19) Par l'oeuvre sacerdotale de Jésus dans le sanctuaire céleste, « il y aura un conseil de paix entre les deux ». « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. » (Jean 3.16)
Les Écritures définissaient donc clairement le sanctuaire. Le terme « sanctuaire » y désigne en premier lieu le tabernacle construit par Moïse, comme ombre des choses célestes, et, en second lieu, le « véritable tabernacle » sur lequel le terrestre était destiné à nous faire porter les regards. À la mort de Jésus, le service symbolique prit fin. Le « véritable tabernacle », le sanctuaire céleste, est le sanctuaire de la nouvelle alliance. Et comme la prophétie de Daniel 8.14 s'accomplit sous cette alliance, le sanctuaire mentionné dans cette prophétie doit forcément être celui de la nouvelle alliance. À la fin des deux mille trois cents jours, en 1844, il y avait plusieurs siècles que le sanctuaire terrestre avait disparu. Il s'ensuit que la prédiction : « Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié », se rapporte incontestablement au sanctuaire céleste.
La question la plus importante restait à résoudre : Qu'est-ce que la purification du sanctuaire? L'Ancien Testament nous apprend qu'il y avait une purification du sanctuaire terrestre. Mais peut-il y avoir quelque chose à purifier dans le ciel? Au neuvième chapitre de l'épître aux Hébreux, il est clairement question de la purification tant du sanctuaire terrestre que du sanctuaire céleste. « Presque tout, d'après la loi, est purifié avec du sang, et sans effusion de sang il n'y a pas de pardon. Il était donc nécessaire, puisque les images des choses qui sont dans les cieux devaient être purifiées de cette manière [par le sang des animaux], que les choses célestes elles-mêmes le fussent par des sacrifices plus excellents que ceux-là », c'est-à-dire par le sang précieux du Christ. (Hébreux 9.22, 23)
Dans l'ombre comme dans la réalité, c'est par le sang que tout devait être purifié; dans la première, par le sang des animaux; dans la seconde, par le sang de Jésus. La purification devait se faire par le sang, nous dit Paul, parce que « sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon ». Ce pardon, c'est l'enlèvement des péchés. Mais comment expliquer la présence du péché dans le sanctuaire, soit sur la terre soit au ciel? C'est ce que nous apprend le rituel symbolique, « image et ombre des choses célestes ». (Hébreux 8.5)
Les cérémonies du sanctuaire terrestre comportaient deux phases. Chaque jour de l'année, les sacrificateurs officiaient dans le lieu saint, tandis qu'une fois l'an le souverain sacrificateur accomplissait dans le lieu très saint un rite spécial appelé la purification du sanctuaire. Jour après jour, le pécheur repentant amenait son offrande à la porte du sanctuaire et confessait ses péchés en plaçant ses mains sur la tête de la victime. Il transférait ainsi symboliquement sa culpabilité sur la tête de la victime innocente. L'animal était alors égorgé. « Sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon. » « L'âme de la chair est dans le sang. » (Lévitique 17.11) La loi de Dieu violée exigeait la mort du transgresseur. Le sang, image de la vie du pécheur dont la victime portait la culpabilité, était introduit par le sacrificateur dans le lieu saint, et aspergé devant le voile derrière lequel se trouvait la loi transgressée. Par cette cérémonie, le péché était figurativement transféré par le sang dans le sanctuaire. Dans certains cas, le sang n'était pas porté dans le lieu saint; mais alors la chair de la victime expiatoire devait être mangée par les fils d'Aaron, selon cette déclaration de Moïse : « L'Éternel vous l'a donnée, afin que vous portiez l'iniquité de l'assemblée. » (Lévitique 10.17) Les deux cérémonies symbolisaient le transfert des péchés du pénitent au sanctuaire.
Telle est l'oeuvre qui s'accomplissait jour après jour, l'année durant. Les péchés d'Israël étant ainsi portés au sanctuaire, il fallait, par quelque rite spécial, procéder à leur enlèvement. Dieu avait ordonné une purification pour chacune des deux pièces du lieu sacré. « Il fera l'expiation pour le sanctuaire à cause des impuretés des enfants d'Israël et de toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché. Il fera de même pour la tente d'assignation, qui est avec eux au milieu de leurs impuretés. » L'expiation devait aussi servir pour l'autel : « Il le purifiera et le sanctifiera, à cause des impuretés des enfants d'Israël. » (Lévitique 16.16, 19)
Une fois l'an, au grand jour des expiations, le souverain sacrificateur entrait dans le lieu très saint pour purifier le sanctuaire. Les rites de ce jour achevaient le cycle annuel des cérémonies. On amenait à la porte du sanctuaire deux boucs que l'on tirait au sort : « un sort pour l'Éternel, et un sort pour Azazel. » (Lévitique 16.8)
Le bouc sur lequel tombait le sort pour l'Éternel était immolé en offrande pour les péchés du peuple. Le sacrificateur devait en porter le sang au-dedans du voile, et en faire aspersion devant et sur le propitiatoire, ainsi que sur l'autel des parfums qui était devant le voile.
Aaron devait alors poser ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et se conformer aux instructions suivantes : « Et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël, et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l'aide d'un homme qui aura cette charge. Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée. » (Lévitique 16.21, 22) Le bouc émissaire ne rentrait plus dans le camp d'Israël, et l'homme qui l'avait emmené était tenu de laver son corps et ses vêtements avant de rentrer an camp.
Tout ce symbolisme était destiné à inculquer aux Israëlites la sainteté de Dieu et son horreur du péché; il montrait, de plus, qu'il n'est pas possible d'entrer en contact avec le péché sans en être souillé. Tant que durait ce rite de la propitiation, chacun était tenu de s'humilier. Toutes les affaires devaient être interrompues, et la congrégation d'Israël, appelée à faire devant Dieu un sérieux examen de conscience, devait passer la journée dans la contrition, dans la prière et dans le jeûne.
Cette cérémonie nous enseigne des vérités importantes touchant l'expiation. Le sang de l'offrande offerte par le pécheur n'annulait point son péché. Le sacrifice ne faisait que le transférer au sanctuaire. En présentant le sang d'une victime le pécheur reconnaissait les droits de la loi, confessait sa culpabilité et exprimait son désir d'être pardonné par la foi au Rédempteur à venir; mais il n'était pas encore entièrement affranchi de la condamnation de la loi. Le jour des expiations, le souverain sacrificateur recevait de la congrégation une victime, entrait dans le lieu très saint avec le sang de celle-ci et en aspergeait le propitiatoire, directement au-dessus des tables de la loi à laquelle il fallait donner satisfaction. Puis, en sa qualité de médiateur, il se chargeait des péchés du peuple d'Israël, qu'il enlevait du sanctuaire. Plaçant alors les mains sur la tête du bouc émissaire, il confessait tous les péchés d'Israël et les transférait ainsi en image sur le bouc, qui les emportait au désert. Toutes les transgressions du peuple étaient alors considérées comme ayant disparu pour toujours.
Ce qui se faisait en figure dans le sanctuaire terrestre se fait en réalité dans le sanctuaire céleste. À son ascension, Jésus y revêtit ses fonctions de souverain sacrificateur. Saint Paul le dit : « Christ n'est pas entré dans un sanctuaire fait de main d'homme, en imitation du véritable, mais il est entré dans le ciel même, afin de comparaître maintenant pour nous devant la face de Dieu. » (Hébreux 9.24; Voir Appendice a46)
La fonction quotidienne des sacrificateurs « au-delà du voile » séparant le lieu saint du parvis représentait le sacerdoce exercé par Jésus dès son ascension. Il y plaidait devant son Père les mérites de son sang en faveur des pécheurs et lui présentait, avec le précieux parfum de sa justice, les prières des croyants repentants. C'est là que la foi des disciples suivit Jésus quand il fut dérobé à leur vue. C'est là qu'allait leur espérance, « cette espérance qui, comme une ancre de l'âme, sûre et solide, pénètre au-delà du voile, là où Jésus est entré pour nous comme précurseur, ayant été fait souverain sacrificateur pour toujours ». « Étant entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, non par l'intermédiaire du sang des boucs et des veaux, mais par celui de son propre sang, ayant trouvé un rachat éternel. » (Hébreux 6.19, 20; Hébreux 9.12)
Pendant dix-huit siècles, Jésus a exercé son sacerdoce dans la première pièce du sanctuaire; son sang a plaidé en faveur des croyants repentants, assurant leur pardon et leur réconciliation avec le Père. Cependant, leurs péchés subsistaient encore sur les registres du ciel. De même que dans le culte mosaïque l'année se terminait par un acte de propitiation, de même le ministère du Sauveur pour la rédemption des hommes est complété par une oeuvre d'expiation ayant pour but d'éliminer les péchés du sanctuaire céleste. Cette oeuvre commença à la fin des deux mille trois cents jours. À ce moment, selon la prophétie de Daniel, notre souverain sacrificateur entra dans le lieu très saint, où il s'acquitte de la dernière partie de sa mission sacrée : la purification du sanctuaire.
De même qu'anciennement les péchés du peuple étaient placés, par la foi, sur la victime pour le péché, et, par le sang de cette dernière, transférés en image dans le sanctuaire terrestre, ainsi, dans la nouvelle alliance, les péchés de ceux qui se repentent sent placés figurativement par la foi sur le Sauveur, et, littéralement, dans le sanctuaire céleste. Et de même que le sanctuaire terrestre devait être symboliquement purifié par l'enlèvement des péchés qui l'avaient souillé, ainsi il faut que le sanctuaire céleste subisse une purification réelle par l'élimination, par l'effacement des péchés qui y sont inscrits. Mais cela n'est possible que si les registres du ciel ont été préalablement examinés, pour déterminer quels sont les mortels qui, par la foi en Jésus, se sont mis au bénéfice de son expiation. La purification du sanctuaire comporte donc une enquête judiciaire. Or, cette enquête doit précéder la venue du Seigneur, puisqu'il vient « pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre ». (Apocalypse 22.12)
Et voilà comment les adventistes qui marchaient dans la lumière de la parole prophétique comprirent que leur Sauveur, au lieu de descendre du ciel à la fin des deux mille trois cents ans, en 1844, était entré dans le lieu très saint du sanctuaire céleste pour y achever l'oeuvre de propitiation devant préparer sa venue sur la terre.
On vit également que si, d'une part, l'offrande pour le péché figurait le Sauveur comme victime expiatoire, et le souverain sacrificateur comme médiateur, le bouc émissaire, d'autre part, représentait Satan, l'auteur du péché, sur qui les fautes des vrais convertis seront placées. Quand le souverain sacrificateur, en vertu du sang de la victime, enlevait les péchés du sanctuaire, il les plaçait sur le bouc émissaire. De même, quand -- à l'issue de son sacerdoce et en vertu des mérites de son sang -- Jésus éliminera du sanctuaire céleste les péchés de son peuple, il les placera sur Satan, qui en portera la pénalité dernière. Le bouc émissaire emmené dans un lieu désert pour ne plus jamais reparaître dans la congrégation d'Israël signifiait que Satan sera à tout jamais banni de la présence de Dieu et de son peuple, et anéanti lors de la destruction finale du péché et des pécheurs.
Published by Olivier
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La Tragédie des Siècles
25 septembre 2005
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PROPHÉTIES ACCOMPLIES
Lorsque le printemps de 1844 fut passé, ceux qui avaient attendu le retour du Christ pour cette époque furent, durant quelque temps, plongés dans le doute et le désarroi. Le monde les considérait comme terrassés et convaincus de s'être attachés à une illusion; cependant, la Parole de Dieu restait leur source de consolation. Beaucoup d'entre eux continuèrent de sonder les Écritures. Ils soumirent les bases de leur foi à un nouvel examen, et étudièrent les prophéties avec le plus grand soin pour y puiser de nouvelles lumières. Le témoignage biblique semblait réellement confirmer leurs vues. Des signes incontestables indiquaient la proximité du retour du Seigneur. La puissance du Saint-Esprit, qui s'était manifestée tant par la conversion des pécheurs que par un renouveau de vie spirituelle parmi les croyants, avait prouvé que le message était du ciel. Et, bien qu'ils ne fussent pas à même d'expliquer leur désappointement, ils étaient convaincus que Dieu les avait dirigés.
Dans les prophéties qui, croyaient-ils, s'appliquaient au temps de la seconde venue du Christ, se trouvaient des instructions qui convenaient remarquablement à leur état d'incertitude et les encourageaient à attendre patiemment et avec foi que leur situation s'éclaircit.
Parmi ces prophéties se trouvait celle du livre d'Habacuc 2.1-4 : « J'étais à mon poste, et je me tenais sur la tour; je veillais, pour voir ce que l'Éternel me dirait, et ce que je répliquerais après ma plainte. L'Éternel m'adressa la parole, et il dit : Écris la prophétie : grave-la sur des tables, afin qu'on la lise couramment. Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas; si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement... Le juste vivra par sa foi. »
Dès 1842, le conseil donné dans cette prophétie d'écrire la vision prophétique et de la « graver sur des tables afin qu'on puisse la lire couramment », avait suggéré à Charles Fitch la préparation d'un tableau prophétique illustrant les visions de Daniel et de l'Apocalypse. La publication de ce tableau fut considérée comme accomplissant l'ordre donné par Habacuc. Personne, toutefois, ne remarqua alors dans cette même prophétie un délai apparent, un temps d'attente. Après le désappointement, cette déclaration parut très significative : « Car c'est une prophétie dont le temps est déjà fixé, elle marche vers son terme, et elle ne mentira pas : si elle tarde, attends-la, car elle s'accomplira, elle s'accomplira certainement... Le juste vivra par sa foi. »
Le fragment suivant de la prophétie d'Ezéchiel était aussi une source de force et de consolation pour les croyants : La parole de l'Éternel me fut adressée en ces mots : Fils de l'homme, que signifient ces discours moqueurs que vous tenez dans le pays d'Israël : Les jours se prolongent, et toutes les visions restent sans effet? C'est pourquoi dis-leur : Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel :... Les jours approchent, et toutes les visions s'accompliront... Je parlerai; ce que je dirai s'accomplira, et ne sera plus différé... Voici, la maison d'Israël dit : Les visions qu'il a ne sont pas près de s'accomplir; il prophétise pour des temps éloignés. C'est pourquoi dis-leur : Ainsi parle le Seigneur, l'Éternel : Il n'y aura plus de délai dans l'accomplissement de mes paroles; la parole que je prononcerai s'accomplira, dit le Seigneur, l'Éternel. » (Ézéchiel 12.21-25, 27, 28)
Ces paroles furent une source de joie pour les fldèles dans l'attente. Celui qui, au travers des siècles, voit la fin dès le commencement avait prévu leur désappointement, et leur avait envoyé des paroles d'encouragement et d'espérance. À cette heure critique, sans ces portions de l'Écriture qui les exhortaient à attendre patiemment et à ne pas perdre confiance en la Parole de Dieu, leur foi eût sombré.
La parabole des dix vierges illustre aussi la crise que traversait le peuple adventiste. En réponse à cette question des disciples : « Quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? », le Sauveur avait esquissé à grands traits l'histoire du monde et de l'Église depuis sa première venue jusqu'à son retour. Il avait mentionné la destruction de Jérusalem, la grande affliction de l'Église sous les persécutions païennes et papales, l'obscurcissement du soleil et de la lune et la chute des étoiles. Parlant ensuite de l'établissement de son royaume, Jésus leur avait donné une parabole représentant les deux catégories de personnes qui attendraient sa venue. Puis il avait ajouté : « Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges. » Il est ici question de l'Église des derniers jours, de celle qui est mentionnée dans la dernière partie du chapitre précédent. Son histoire est comparée aux incidents d'un mariage oriental.
« Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l'époux. Cinq d'entre elles étaient folles, et cinq sages. Les folles, en prenant leurs lampes, ne prirent point d'huile avec elles; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria : Voici l'époux; allez à sa rencontre! » (Matthieu 25.1-6)
Pour les croyants de 1844, la venue de l'époux représentait le retour de Jésus annoncé par le message du premier ange. Le grand mouvement de réforme opéré par la proclamation de ce retour correspondait aux dix vierges allant à la rencontre de l'époux. Cette parabole représente deux classes de personnes. Toutes les vierges avaient pris leurs lampes -- l'Écriture sainte -- et étaient sorties pour aller à la rencontre de l'époux. Mais tandis que les folles, en prenant leurs lampes, n'avaient pas fait provision d'huile, les sages avaient pris, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. Ces dernières avaient reçu la grâce de Dieu, la puissance régénératrice et lumineuse du Saint-Esprit, qui fait de sa Parole une lampe « à nos pieds et une lumière sur notre sentier ». Elles avaient étudié les Écritures dans la crainte de Dieu pour y découvrir la vérité, et recherché avec ardeur un coeur pur et une vie sainte. Leur expérience religieuse était personnelle, et leur foi en Dieu et en sa Parole était telle que ni les désappointements ni les délais ne pouvaient la renverser.
Les autres vierges, « en prenant leurs lampes, n'avaient point pris d'huile avec elles ». Le message solennel qu'elles venaient d'entendre avait excité leurs craintes, mais elles s'étaient reposées sur la foi de leurs frères. Elles s'étaient contentées de la lumière vacillante de leurs émotions, sans avoir parfaitement compris la vérité, et sans que l'oeuvre réelle de la grâce se fût opérée dans leur coeur. Elles étaient allées au-devant de l'époux dans la joyeuse perspective d'une récompense immédiate, mais nullement préparées à un délai ou à une déception. Quand vint l'épreuve, leur lumière pâlit et leur foi les abandonna.
« Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. » Le retard de l'époux représente la vaine attente du Seigneur au temps fixé, le désappointement qui s'ensuivit et l'apparent délai apporté à l'accomplissement de la prophétie. En ce temps d'incertitude, la foi des croyants superficiels et des demi-convertis ne tarda pas à fléchir; mais ceux dont la foi reposait sur une connaissance personnelle des Écritures avaient pris pied sur un rocher que les vagues du désespoir ne pouvaient ébranler. Il est dit dans la parabole des dix vierges que « toutes s'assoupirent et s'endormirent », les unes dans l'insouciance et l'abandon de leur foi, les autres dans l'attente patiente d'une plus abondante lumière. Ces dernières elles-mêmes semblèrent perdre une partie de leur zèle et de leur ardente piété. Ainsi, lors du grand désappointement de 1844, chaque croyant dut tenir ferme ou tomber pour son propre compte.
Alors, on vit surgir une vague de fanatisme. Plusieurs de ceux qui avaient professé un grand zèle pour le message, cessant de reconnaître la Parole de Dieu comme guide unique et infaillible, devinrent, tout en se disant guidés par l'Esprit, les jouets de leurs sentiments, de leurs impressions et de leur imagination. Ces exaltés s'élevaient violemment contre tous ceux qui se refusaient de les suivre. Leurs extravagances, désapprouvées par la plupart des adventistes, n'en attirèrent pas moins l'opprobre sur la cause de la vérité.
Satan usait de ce moyen pour enrayer et détruire l'oeuvre de Dieu. Les gens avaient été profondément ébranlés par le mouvement adventiste; des milliers de pécheurs s'étaient convertis, et des hommes fidèles continuaient à se consacrer à la proclamation de la vérité. Le prince des ténèbres, qui perdait ses sujets, s'efforçait ainsi de pousser aux extrêmes, par ses séductions, certains croyants. Ses agents, aux aguets, s'emparaient de toute erreur, de toute faute, de toute inconvenance, les exagéraient démesurément aux yeux du monde et ridiculisaient les adventistes et leurs croyances De cette façon, plus étaient nombreux les inconvertis que l'ennemi pouvait attirer à la foi adventiste et faire passer pour les représentants authentiques de celle-ci, plus était grand l'avantage qu'il pouvait en tirer pour sa cause.
En sa qualité d'« accusateur des frères », Satan est toujours actif là où Dieu travaille au salut des âmes. Il pousse certains hommes à mettre en évidence les erreurs et les défauts des enfants de Dieu, tout en passant sur leurs bonnes oeuvres. Dans tout réveil, il s'efforce d'introduire des gens non sanctifiés et mal équilibrés. Dès que ceux-ci ont accepté certains points de la vérité et se sont fait recevoir parmi les croyants, il se sert d'eux pour insinuer des théories propres à égarer les mal avisés. On n'est pas nécessairement un vrai chrétien parce qu'on se trouve dans la société, dans l'assemblée des enfants de Dieu, ou même auprès de la table sainte. Satan se trouve souvent là aux moments les plus solennels, dans la personne d'agents à son service.
Le prince des ténèbres dispute chaque pouce de terrain à ceux qui s'avancent vers la cité céleste. Toute l'histoire de l'Église prouve que jamais réforme n'a progressé sans se heurter à de sérieux obstacles. Il en fut ainsi aux jours de Paul. Partout où l'apôtre fondait des églises, il rencontrait des gens qui, tout en professant la foi, s'efforçaient d'y introduire des hérésies capables d'éclipser l'amour de la vérité. Luther connut des moments de véritable angoisse à cause d'individus prétendant que Dieu parlait directement par leur bouche, et qui plaçaient leurs opinions au-dessus du témoignage des Écritures. Ces gens séduisaient des esprits peu avancés dans la foi et la piété, mais présomptueux et amateurs de nouveautés, qui se joignaient à eux pour renverser ce que Dieu avait édifié. Les frères Wesley et d'autres revivalistes, grands par leur foi et leur activité au service de Dieu, se sont de même vus à chaque pas exposés aux rets de Satan par la faute de personnes trop zélées, mal équilibrées et inconverties, ayant versé dans toutes les formes du fanatisme.
William Miller ne se montra pas tendre envers la tendance au fanatisme. Il déclara, comme Luther, qu'il fallait éprouver tous les esprits par la Parole de Dieu. « Le diable, disait-il, exerce de nos jours un puissant ascendant sur une certaine classe de gens. Comment distinguer l'esprit dont ils sont animés? Le Seigneur répond que c'est à leurs fruits qu'on les reconnaîtra... "Plusieurs faux prophètes ayant paru dans le monde", il nous est ordonné d'éprouver les esprits. Un esprit qui ne nous pousse pas à vivre sagement, sobrement et pieusement dans le temps présent n'est pas celui de Dieu. Je suis de plus en plus convaincu que Satan est pour beaucoup dans ces idées excentriques... Il en est plusieurs parmi nous qui, se disant entièrement sanctifiés, suivent les traditions des hommes et sont apparemment aussi ignorants de la vérité que d'autres qui n'ont pas de telles prétentions. » (Bliss, Memoirs of William Miller, p. 236, 237) « L'esprit d'erreur nous entraîne loin de la vérité, tandis que l'Esprit de Dieu nous conduit dans la vénité. Vous direz peut-être qu'on peut se trouver dans l'erreur tout en se croyant dans la vérité. Que faut-il en conclure? Voici notre réponse : L'Esprit et la Parole sont d'accord. Celui qui, soumis à la Parole de Dieu, se trouve en parfait accord avec elle, prise dans son intégralité, a le droit de se croire dans la vérité. Mais s'il s'aperçoit que l'esprit dont il est animé ne s'accorde pas avec tout ce qui est écrit dans la loi, dans le livre de Dieu, qu'il se garde de tomber dans les pièges du diable. » (The Advent Herald and Signs of the Times Reporter, vol. VIII, no 23, 15 janvier 1845) « Un regard brillant, une joue humide, un sanglot m'ont souvent donné de meilleures preuves de la piété intérieure d'une personne que tout le bruit de la chrétienté. » (Bliss, Memoirs of William Miller, p. 282)
Les adversaires de la Réforme rendaient responsables du fanatisme les hommes mêmes qui travaillaient avec le plus de zèle à le combattre. Les détracteurs du mouvement adventiste eurent une attitude semblable. Non contents de déformer les faits et d'exagérer les erreurs des extrémistes et des fanatiques, ils répandaient des bruits malveillants dénués de toute véracité : Ces gens étaient poussés par les préjugés et par la haine. La proclamation de l'imminence du retour du Christ troublait leur paix. Ils craignaient que ce message ne fût vrai, tout en espérant qu'il n'en fût rien. Tel était le secret de leur guerre contre les adventistes et leurs croyances.
Le fait que quelques fanatiques s'étaient introduits dans les rangs des adventistes n'était pas une raison plus plausible de prendre parti contre ce mouvement que la présence de fanatiques et de séducteurs dans l'Église aux jours de Paul on de Luther ne fut un motif de condamner l'oeuvre de l'apôtre et celle du réformateur. Que le peuple de Dieu se réveille et entreprenne une oeuvre sérieuse de conversion et de réforme, qu'il sonde les Écritures pour y trouver la vérité telle qu'elle est en Jésus, qu'il se consacre entièrement à Dieu, et l'on ne tardera pas à voir Satan, toujours sur le qui-vive, manifester sa puissance par toute espèce de séductions et appeler à son aide tous les anges déchus de son empire.
Le fanatisme et la division ne furent pas engendrés par la proclamation de la seconde venue du Christ. Ces manifestations apparurent dans le courant de l'été de 1844, alors que les adventistes étaient dans le doute et la perplexité quant à leur position. La proclamation du message du premier ange et du « cri de minuit avait eu pour effet direct de combattre le fanatisme et la dissension. La concorde régnait parmi ceux qui participaient à cette oeuvre solennelle. Ils avaient le coeur débordant d'amour les uns pour les autres, ainsi que pour celui qu'ils espéraient voir sous peu. Leur foi et leur bienheureuse espérance les élevaient au-dessus de toute influence humaine et leur servaient de bouclier contre les assauts de Satan.
« Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. Au milieu de la nuit, on cria : Voici l'époux, allez à sa rencontre! Alors toutes ces vierges se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. » Dans le courant de l'été de 1844, ce message fut proclamé dans les termes mêmes de l'Écriture : « Voici l'époux! Voici l'époux! » Ce moment marquait le milieu de la période comprise entre la date où l'on avait d'abord pensé que les deux mille trois cents jours prendraient fin et l'automne de la même année où l'on avait découvert ensuite qu'ils aboutissaient.
Ce mouvement fut déterminé par la découverte du fait que le décret d'Artaxerxès ordonnant la restauration de Jérusalem, décret qui fixe le point de départ de la période des deux mille trois cents ans, était entré en vigueur en l'automne de l'année 457 avant Jésus-Christ, et non au commencement, comme on l'avait cru d'abord. En prenant l'automne de l'année 457 pour point de départ des deux mille trois cents ans, cette période se terminait en l'automne de 1844. (Voir le diagramme des périodes prophétiques, dans le chapitre intitulé : Un réformateur américain, et l'Appendice.)
Des arguments tirés des symboles de l'Ancien Testament montraient aussi que c'était en automne que devait avoir lieu l'événement figure par la « purification du sanctuaire ». La chose devint évidente quand on prit garde à la façon dont ces symboles s'étaient accomplis lors de la première venue de Jésus.
L'immolation de l'agneau pascal préfigurait la mort du Sauveur; saint Paul le dit : « Christ, notre Pâque, a été immolé. » (1 Corinthiens 5.7) La gerbe des prémices, agitée devant l'Éternel au temps de la Pâque, était un type de la résurrection de Jésus. En effet, en parlant de la résurrection du Seigneur et de tous les élus, Paul écrit : « Tous revivront en Christ... Christ comme prémices; puis, ceux qui appartiennent à Christ lors de son avènement. » Comme la gerbe agitée représentait les premières céréales cueillies avant la moisson, Jésus est les prémices de l'immortelle moisson des rachetés qui sera introduite dans Ies greniers célestes an grand jour de la résurrection.
Ces types s'accomplirent non seulement quant à l'événement, mais aussi quant au temps. Au quatorzième jour du premier mois juif, qui était la date immuable où, depuis quinze longs siècles, l'agneau pascal était immolé, Jésus -- après avoir participé à la Pâque avec ses disciples -- institua le symbole qu'il destinait à commémorer sa mort en sa qualité d'« agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». En cette même nuit, Jésus était saisi par des mains brutales et conduit au supplice de la croix. Enfin, en sa qualité d'antitype de la première gerbe, comme « prémices de ceux qui sont morts », notre Seigneur fut ressuscité le troisième jour. C'était une représentation de tous les justes qui ressusciteront lorsqne le « corps de leur humiliation » sera rendu semblable « au corps de sa gloire ». (Philippiens 3.21)
Les types se rapportant à la seconde venue du Christ doivent de même s'accomplir conformément au symbolisme lévitique. Sous le régime mosaïque, la purification du sanctuaire au grand jour des propitiations tombait sur le dixième jour du septième mois juif. (Lévitique 16.29-34) Ce jour-là, le souverain sacrificateur -- après avoir fait propitiation pour tout Israël et éliminé ainsi tous les péchés accumulés dans le sanctuaire -- sortait du lieu très saint pour bénir le peuple. On en conclut que Jésus-Christ, notre sonverain sacrificateur suprême, apparaîtrait pour purifier notre terre par la destruction du péché et des pécheurs, et apporterait à son peuple la couronne de l'immortalité. Le dixième jour du septième mois, grand jour des propitiations et de la purification du sanctuaire, qui, en 1844, tombait sur le 22 octobre, fut considéré comme étant la date du retour du Christ. Cela était conforme aux preuves établissant que les deux mille trois cents jours aboutissaient en automne, et la conclusion semblait évidente.
Dans la parabole des dix vierges, le temps d'attente et de somnolence est suivi de la venue de l'époux. Cela concordait avec les arguments qui précèdent, tirés à la fois de la prophétie et de la symbolique mosaïque. Tout cela parut aux fidèles d'une solidité inébranlable et des milliers de voix s'unirent pour faire entendre « le cri de minuit ».
Le mouvement se répandit dans le pays comme un raz de marée et se propagea de ville en ville et de village en village jusque dans les localités les plus reculées. Devant ce réveil et cette proclamation, le fanatisme disparut comme la gelée blanche sous les chauds rayons du soleil. Les doutes et les incertitudes des croyants se dissipèrent; l'espérance et le courage ranimèrent tous les coeurs. L'oeuvre était exempte des excentricités engendrées par l'agitation humaine non contrôlée par l'Esprit et la Parole de Dieu. Ce mouvement était pareil aux temps d'humiliation et de retour à Dieu qui, chez l'ancien Israël, accompagnaient parfois l'intervention des prophètes. Il portait les caractéristiques des vrais réveils de tous les siècles : peu d'exaltation, mais beaucoup de sincérité dans la confession des péchés et dans le renoncement au monde. On persévérait dans la prière et on se consacrait entièrement à Dieu. Se préparer pour la venue du Seigneur, tel était le grand souci de chacun.
Miller décrivait ainsi ce réveil : « On ne voit pas de grandes manifestations de joie : il semble qu'on les réserve pour le jour où le ciel et la terre s'uniront dans une allégresse inénarrable et glorieuse. On n'entend point d'acclamations : cela aussi est réservé pour le moment où retentira la voix de l'archange. Les chanteurs sont silencieux : ils attendent le moment de se joindre aux choeurs angéliques... Il n'y a pas de divergences de vues : tous ne sont qu'un coeur et qu'une âme. » (Bliss, Memoirs of William Miller, p. 270, 271)
Un autre témoin oculaire rendait ce témoignage : « L'attente du Christ produisait partout un sérieux retour sur soi-même et une profonde humiliation devant le Dieu des cieux. Elle bannissait les choses du monde, remplaçait les controverses et les animosités par la confession réciproque des offenses. D'humbles et ferventes prières, arrosées de larmes, imploraient de Dieu l'assurance de son pardon. L'abdication et la reddition du moi devant Dieu dépassaient tout ce que nous avions jamais vu. Selon la prédication de Joël relative au jour de l'Éternel, on "déchirait son coeur et non ses vêtements", on "retournait à l'Éternel avec jeûnes, larmes et lamentations". Conformément à la promesse de Dieu à Zacharie, un "esprit de grâce et de supplication était répandu" sur ses enfants; ils "tournaient les regards vers celui qu'ils avaient percé", "le deuil était grand dans le pays... et ceux qui attendaient le Seigneur humiliaient leur âme" devant lui. » (Bliss, dans le Advent Shield and Review, vol. I, p. 271 (janv. 1845)
De tous les grands mouvements religieux qni se sont succédé depuis les jours des apôtres, aucun n'a été moins entaché par les imperfections humaines et les pièges de Satan que celui de l'automne de 1844. (Ces lignes s'écrivaient en 1884) Aujourd'hui encore, après bien des années, tous ceux qui participèrent à ce mouvement et qui sont restés dans les mêmes convictions, ressentent l'influence bénie de ce puissant réveil et témoignent qu'il fut l'oeuvre de Dieu.
An cri de : « Voici l'époux, allez à sa rencontre! » les vierges « se réveillèrent, et préparèrent leurs lampes ». On s'était mis à étudier la Parole de Dieu avec un intérêt et une ferveur inconnus jusqu'alors. Des anges du ciel avaient été envoyés auprès des fidèles abattus pour relever leur courage et les préparer à recevoir le message. Cette oeuvre ne s'appuyait pas sur la sagesse ou l'érudition de l'homme, mais sur la puissance de Dieu. Les hommes qui, les premiers, entendirent l'appel et obéirent n'étaient pas les mieux doués, mais les plus humbles et les plus pieux. Versant des larmes de joie, des fermiers avaient délaissé leur moisson dans les champs, et des artisans avaient quitté leurs ontils pour aller porter l'avertissement. Les chefs spirituels furent parmi les derniers à adhérer à ce mouvement. Les églises, en général, fermèrent leurs portes à ce message, et furent abandonnées par un grand nombre de ceux qui le reçurent. Par la volonté de Dieu, cette proclamation se joignait à celle du second message et redoublait sa puissance.
Le message : « Voici l'époux! » ne devait pas, bien qu'il fut basé sur des preuves bibliques formelles, se diffuser au moyen de controverses mais grâce à sa puissance irrésistible qui remuait les âmes. Les douteurs et les ergoteurs se taisaient. Loins de l'entrée triomphale à Jérusalem, les gens venus de toutes les parties du pays pour la fête de Pâque s'étaient portés en foule vers le mont des Oliviers à la rencontre du cortège qui escortait Jésus. Emportés par l'enthousiasme général, ils avaient joint leurs voix au cri : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! » (Matthieu 21.9 Il en fut de même des incroyants qui se pressaient dans les réunions adventistes, soit par curiosité, soit par dérision : tous étaient subjugués par la puissance de ce message : « Voici l'époux! »
À ce moment-là, on vit se manifester la foi que Dieu exauce, la foi qui compte sur la rémunération. Comme des ondées sur une terre altérée, l'Esprit de grâce descendit sur ceux qui cherchaient Dieu avec ferveur. Sachant qu'ils se trouveraient bientôt face à face avec leur Rédempteur, ils éprouvaient une joie solennelle et inexprimable. La puissance du Saint-Esprit, richement répandue sur les âmes fidèles, remuait, attendrissait, fondait les coeurs endurcis. Le temps où ils s'attendaient à recevoir leur Sauveur les trouva circonspects et graves. Chaque matin, leur premier souci était de s'assurer qu'ils étaient en paix avec Dieu. Ils priaient beaucoup les uns avec les autres et les uns pour les autres, se réunissant fréquemment dans des lieux retirés pour entrer en communion avec Dieu. Des champs et des bosquets, montaient vers le ciel des louanges et des supplications. L'approbation du Seigneur leur était plus précieuse que la nourriture corporelle. Si quelque nuage venait obscurcir leur âme, ils n'avaient ni trève ni repos qu'il ne fût dissipé. Le témoignage intime du pardon divin les faisait aspirer à contempler celui qu'ils adoraient.
Mais une nouvelle déception attendait les fidèles. Le temps fixé passa et, bien qu'ils l'eussent attendu avec une confiance inébranlable, le Sauveur n'était pas venu. Ils éprouvèrent alors une douleur semblable à celle que ressentit Marie lorsqu'elle vit que le tombeau du Seigneur était vide, et qu'elle s'écria en sanglotant : « Ils ont enlevé mon Seigneur, et je ne sais où ils l'ont mis! » (Jean 20.13)
La foule des incrédules, en proie à une terreur secrète à la pensée que le message pût être vrai, avait observé une certaine réserve, et ce sentiment ne disparut pas aussitôt après la date fatidique. Ils n'osèrent pas, tout d'abord, devant ces gens plongés dans la tristesse, se prévaloir de leur triomphe. Mais, ne voyant paraître aucun signe de la colère de Dieu, ils s'enhardirent et donnèrent libre cours aux moqueries et aux sarcasmes. Beaucoup de ceux qui avaient prétendu croire au retour du Christ renoncèrent à leur foi. Quelques-uns, qui avaient affiché une grande assurance, étaient tellement blessés dans leur amour-propre qu'ils auraient voulu se retirer du monde. Comme Jonas, ils murmuraient contre Dieu, la mort leur paraissant préférable à la vie. Ceux qui avaient fait reposer leur foi sur les opinions des autres et non sur la Parole de Dieu étaient maintenant prêts à changer de croyance. Les moqueurs attirèrent les faibles et les lâches dans leurs rangs, et tous s'unirent pour affirmer que, désormais, il n'y avait plus de raisons de craindre ou d'attendre quoi que ce fût. Le temps avait passé, le Seigneur n'était pas revenu et le monde pouvait rester tel quel encore des milliers d'années!
Les croyants sincères avaient tout abandonné pour leur Sauveur. Jouissant de sa présence comme jamais auparavant, ils étaient convaincus d'avoir donné au monde l'avertissement suprême. S'attendant à être bientôt reçus auprès de leur divin Maître et des anges, ils s'étaient presque entièrement retirés de la société de ceux qui avaient refusé le message. Ils avaient fait monter vers le ciel cette prière ardente : « Viens, Seigneur Jésus! » Et il n'était pas venu! Reprendre le harnais des tracas et des soucis de la vie, et, surtout, affronter les lazzis et les railleries d'un monde profane, c'était pour leur foi et leur patience une épreuve effrayante.
Pourtant, cette déception n'était pas aussi grande que l'avait été celle des disciples lorsque le Sauveur était entré triomphalement dans Jérusalem. Croyant leur Maître sur le point de prendre possession du trône de David et de délivrer Israël de ses oppresseurs, débordants de joie, ils avaient rivalisé de zèle pour honorer leur Roi. Plusieurs avaient fait de leurs vêtements ou de branches de palmiers un tapis sur son chemin. Dans leur enthousiasme, ils avaient poussé cette joyeuse acclamation : « Hosanna au Fils de David! » Quand les pharisiens, troublés et irrités par ces joyeuses manifestations, avaient invité Jésus à reprendre ses disciples, il leur avait répondu : « S'ils se taisent, les pierres crieront. » (Luc 19.40) Cette scène prédite devait s'accomplir, et la joie des disciples, bien qu'ils allassent au-devant de la plus cruelle désillusion, réalisa le dessein de Dieu. En effet, quelques jours après cette scène, ils voyaient l'effondrement de leurs espérances devant leur Sauveur agonisant sur la croix, puis couché dans la tombe. Ils ne discernèrent l'accomplissement des prophéties que lorsqu'ils eurent constaté la victoire de Jésus sur le sépulcre. (Actes 17.3)
Cinq siècles auparavant, pan le prophète Zacharie, Dieu avait dit : « Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un âne, le petit d'une ânesse. » (Zacharie 9.9) Si les disciples avaient su que Jésus allait au-devant de la mort, jamais ils n'auraient pu accomplir cette prophétie.
En donnant leur message au monde, Miller et ses collaborateurs avaient, de même, accompli une prédiction qu'ils n'avaient jamais pu réaliser s'ils avaient compris les prophéties annonçant leur désappointement et la prédication d'un message ultérieur destiné à toutes les nations avant le retour du Seigneur. Les messages du premier et du second ange furent proclamés au temps marqué; ils remplirent le but que Dieu leur avait assigné.
Le monde, qui avait observé les événements, comptait bien que, si la date passait sans que le Seigneur vînt, tout l'édifice de l'adventisme s'écroulerait. Ceux de ses adhérents qui ne purent supporter le ridicule abandonnèrent la foi. Les autres demeurèrent fermes. Les fruits qui avaient caractérisé le mouvement : l'humilité, l'examen de conscience, le renoncement au monde et la transformation de nombreuses vies prouvaient à ces croyants qu'il venait de Dieu, dont la puissance avait indubitablement rendu témoignage à leur prédication. D'autre part, ils ne découvraient aucune erreur dans le calcul des périodes prophétiques, et leurs adversaires les plus redoutables n'avaient pas réussi à démolir leur système d'interprétation. Ils ne pouvaient donc consentir, sans preuves scripturaires, à renoncer aux conclusions auxquelles ils étaient arrivés par la prière et une étude approfondie des Écritures, conclusions qui avaient défié l'éloquence, la critique la plus sagace et l'opposition la plus acharnée des prédicateurs populaires et des sages selon le monde. Ils restaient donc insensibles aux quolibets et aux ricanements des gens de haut et de bas étage.
Il est vrai qu'il y avait eu méprise quant à l'événement attendu; mais ce fait lui-même ne pouvait pas ébranler leur foi en la Parole de Dieu. Quand le prophète Jonas avait proclamé dans les rues de Ninive que dans quarante jours la ville serait détruite, le Seigneur agréa l'humiliation des Ninivites et prolongea leur temps de grâce; le message de Jonas n'en était pas moins de Dieu, et c'était conformément à sa volonté que Ninive avait été mise à l'épreuve. Les adventistes comprirent que, de la même façon, Dieu les avait chargés d'annoncer la proximité du jugement. « Ce message, dirent-ils, a éprouvé les coeurs de tous ceux qui l'ont entendu; d'une part, il a suscité l'amour de l'avènement du Christ, et, d'autre part, il a éveillé contre cette venue une haine plus ou moins visible, mais connue de Dieu. Il a tiré une ligne de démarcation... permettant à ceux qui prennent la peine de sonder leur coeur de savoir de quel côté ils se seraient trouvés si le Seigneur était venu : s'ils se fussent écriés : "Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve", ou s'ils eussent demandé "aux montagnes et aux rochers" de tomber sur eux et de les cacher "devant la face de celui qui est assis sur le trône, et devant la colère de l'agneau". De cette façon, croyons-nous, Dieu a éprouvé la foi de son peuple afin de démontrer si, devant une crise, ce peuple abandonnerait le poste où il l'avait placé, ou si, tournant le dos au monde, il s'appuierait avec une confiance inébranlable sur la Parole de Dieu. » (The Advent Herald and Signs of the Times Reporter, vol. VIII, no 14)
Les sentiments de ceux qui conservaient l'assurance que Dieu les avait dirigés dans les circonstances qu'ils venaient de traverser sont ainsi exprimés par William Miller : « Si je devais recommencer ma vie, écrivait cet homme de Dieu, avec les preuves que j'avais alors en main, je devrais, pour rester honnête devant le Seigneur et devant les hommes, refaire ce que j'ai fait... Je considère mes vêtements comme nets du sang de mes semblables. J'ai le sentiment d'avoir fait tout ce qui dépendait de moi pour n'être en rien responsable de leur condamnation... Quoique deux fois désappointé dans mes espérances, je ne suis ni abattu ni découragé... Mon espérance dans le retour du Seigneur est aussi forte que jamais. Je n'ai fait qne ce que j'ai considéré comme étant mon devoir, après des années d'études approfondies. Si je me suis trompé, c'est en voulant manifester de la charité, de l'amour à mes semblables et en cherchant à accomplir mon devoir envers Dieu... Une chose est bien certaine : ce que j'ai prêché, je l'ai cru, et Dieu a été avec moi; sa puissance a été manifesté, et beaucoup de bien en est résulté... Autant qu'il soit possible d'en juger par les apparences, des milliers de personnes ont été amenées, par la prédication de la date [du retour du Christ] à étudier les Écritures et se sont réconciliées avec Dieu par la foi et par l'aspersion du sang de Jésus . » (Bliss, Memoirs of William Miller, p. 256, 255, 277, 280, 281) « Je n'ai jamais brigué les sourires des grands, ni tremblé devant la colère du monde. Je n'achèterai pas maintenant leur faveur ni ne provoquerai inutilement leur haine. Je ne leur demanderai jamais de m'épargner la vie, ni ne refuserai, j'espère, de la sacrifier si Dieu le jugeait à propos. » (James White, Life of William Miller, p. 315)
Dien ne délaissa pas son peuple; son Esprit continua de reposer sur ceux qui ne rejetèrent pas inconsidérément la lumière qu'ils avaient reçue et ne se tournèrent pas contre le mouvement adventiste. On trouva dans l'épître aux Hébreux des paroles d'encouragement et d'avertissement à l'adresse des enfants de Dieu éprouvés et dans l'attente à cette heure de crise : « N'abandonnez donc pas votre assurance, à laquelle est attachée une grande rémunération. Car vous avez besoin de persévérance, afin qu'après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir viendra, et il ne tardera pas. Et mon juste vivra par la foi; mais, s'il se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. Nous, nous ne sommes pas de ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour sauver leur âme. » (Hébreux 10:35-39)
Cette exhortation est adressée à l'Église des derniers jours, car il est dit : « Encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir viendra, et il ne tardera point. » En outre, on y remarque l'annonce voilée d'un retard apparent. Ces conseils s'appliquaient particulièrement bien à la situation des adventistes à ce moment-là. Les gens visés dans ce passage étaient en danger de faire naufrage quant à la foi. Ils avaient accompli la volonté de Dieu en suivant les directions de son Esprit et de sa Parole; toutefois, ne comprenant pas son dessein dans ce qui leur était arrivé, et ne voyant pas leur chemin, ils étaient tentés de douter que Dieu les eût conduits. Alors, cette parole prenait pour eux tout son sens : « Mon juste vivra par la foi. »
Pendant que la lumière éclatante du « cri de minuit » avait éclairé leur sentier, que les sceaux de la prophétie avaient été rompus et que les signes de l'imminence du retour du Christ s'accomplissaient sous leurs yeux en rapide succession, ils avaient, pour ainsi dire, marché par la vue. Mais maintenant, écrasés sous le poids de leurs espérances déçues, ils ne pouvaient subsister que par la foi en Dieu et en sa Parole. Un monde moqneur leur disait : « On vous a trompés. Abandonnez votre foi, et reconnaissez que le message adventiste est de Satan. » Mais la Parole de Dieu répondait: « Si quelqu'un se retire, mon âme ne prend pas plaisir en lui. » Renoncer maintenant à leur foi et renier la puissance du Saint-Esprit qui avait accompagné le message, c'eût été courir à la perdition. Ils étaient encouragés à demeurer fermes par ces paroles de Paul : « N'abandonnez donc pas votre assurance... car vous avez besoin de persévérance... encore un peu, un peu de temps : celui qui doit venir, viendra, et il ne tardera pas. » Leur seule sécurité était de serrer précieusement la lumière que Dieu leur avait déjà donnée, de retenir fermement ses promesses, de persévérer dans l'étude de sa Parole et d'attendre patiemment de nouvelles lumières.
Published by Olivier
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La Tragédie des Siècles
25 septembre 2005
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UN AVERTISSEMENT REJETÉ
En prêchaut la doctrine du retour du Seigneur, William Miller et ses collaborateurs n'avaient eu d'autre objet que de réveiller le monde et de l'aider à se préparer en vue du jugement. Leur seul but, en rappelant la véritable espérance de l'Église à ceux qui professaient la piété, avait été de les amener à une vie chrétienne plus réelle et de convaincre les inconvertis du devoir de se repentir et de se donner à Dieu sans retard. « Ils ne songèrent pas à recruter des adhérents à une secte ou à un parti religieux. Ils travaillèrent parmi tous les partis et toutes les sectes sans s'ingérer dans leur organisation ou leur discipline. »
« Dans tous mes travaux, dit Miller, je n'ai jamais songé à établir une confession indépendante des églises existantes, ou à favoriser l'une au détriment de l'autre. Je désirais faire du bien à toutes. Je supposais que tous les chrétiens se réjouiraient à la perspective du retour du Christ et, croyant que ceux qui ne partageraient pas mes vues ne témoigneraient aucune inimitié à ceux qui les adopteraient, je n'avais jamais envisagé la nécessité de réunions séparées. Mon unique but était de convertir des âmes à Dieu, d'avertir le monde d'un jugement imminent, et d'amener mes semblables à se préparer en vue de leur rencontre avec le Sauveur. La majorité de ceux qui se sont convertis grâce à mes travaux est entrée dans diverses églises. » (Bliss, Memoirs of William Miller, p. 328)
Comme l'oeuvre de Miller tendait à édifier les églises, elle fut un moment envisagée avec faveur. Mais les pasteurs et les conducteurs religieux se prononcèrent contre la doctrine adventiste et, pour que cette question cesse d'être agitée, ils ne se contentèrent pas de manifester leur opposition du haut de la chaire, mais ils contestèrent à leurs ouailles le droit d'aller entendre des prédications et même de parler de leurs convictions dans les réunions d'édification. Les croyants se trouvèrent ainsi dans une situation des plus embarrassantes. Ils ne tenaient pas à se séparer de leurs églises qu'ils aimaient; mais quand ils virent qu'on imposait le silence au témoignage de la Parole de Dieu et qu'on leur déniait le droit d'étudier la prophétie, ils jugèrent que leur fidélité envers Dieu leur interdisait de se soumettre. Ne pouvant plus considérer comme Église du Christ, comme « colonne et appui de la vérité » une assemblée qui supprimait le libre témoignage de la Parole de Dieu, ils s'estimèrent autorisés à se séparer de leurs anciens frères. En conséquence, dans le courant de l'été de 1844, cinquante mille personnes environ se retirèrent des diverses confessions des États-Unis.
À partir de ce moment, on observa un changement radical dans la plupart de ces églises. Depuis quelques années, on avait remarqué en elles une tendance graduelle mais constante vers la mondanité, et, parallèlement, un déclin de la vie spirituelle; mais, en cette même année, un affaissement soudain et bien caractérisé se manifesta dans la plupart de ces congrégations. Ce fait, apparemment inexplicable, fut dûment constaté et commenté, tant dans la presse que du haut de la chaire.
Lors d'une réunion du synode de Philadelphie, Charles Barnes, auteur d'un commentaire fort estimé et pasteur de l'une des principales églises de la ville, déclara que, pendant un ministère de vingt années, il n'avait jamais, jusqu'à la dernière assemblée, célébré la sainte Cène sans recevoir dans l'église un certain nombre de nouveaux membres. « Maintenant, dit-il, il n'y a pas de réveils, pas de conversions, pas de croissance en grâce apparente chez les membres, et personne ne vient me trouver pour s'entretenir avec moi de l'état de son âme. À la prospérité matérielle, aux progrès du commerce et de l'industrie, correspond un accroissement de la mondanité. Et il en est ainsi dans toutes les églises. » (Congregational Journal, 23 mai 1844)
Au mois de février de la même année, le professeur Finney, du college Oberlin, disait : « Nous avons pu constater qu'en règle générale les églises protestantes de notre pays sont ou indifférentes ou hostiles à presque toutes les réformes morales du siècle. Il y a des exceptions, mais elles n'infirment pas la règle générale. Nous nous trouvons en présence d'un autre fait : l'absence presque universelle de tout réveil dans les églises. Presque partout, l'on constate un marasme spirituel terriblement prononcé; la presse religieuse de tout le pays en fait foi... D'une façon générale, les membres de nos églises deviennent les esclaves de la mode : ils participent aux parties de plaisir, aux danses et aux festivités des inconvertis... Mais ne nous étendons pas sur ce pénible sujet. Qu'il nous suffise de dire, et cela devient de plus en plus évident et écrasant, que les églises en général dégénèrent d'une façon lamentable. Elles se sont fort éloignées du Sauveur, et il s'est retiré d'elles. »
Un correspondant du Religious Telescope écrivait : « Jamais on n'avait encore assisté à un tel déclin religieux. Vraiment, l'Église devrait se réveiller et rechercher les causes de cette situation qui, aux yeux de tous ceux qui aiment Sion, est une véritable calamité. Quand on réfléchit à la rareté des conversions réelles et à l'impertinence inouïe des pécheurs, on s'écrie presque involontairement : "Le Seigneur ne serait-il plus miséricordieux? on bien la porte de la grâce serait-elle fermée?" »
La cause de cet état de choses se trouvait forcément dans l'Église elle-même. Les ténèbres spirituelles qui enveloppent les nations, les églises et les individus ne proviennent pas de ce que Dieu retire arbitrairement les secours de sa grâce, mais de l'attitude des hommes à l'égard de la lumière. Un exemple frappant de ce fait est renfermé dans l'histoire de la nation juive au temps de Jésus. Par son attachement au monde et par son oubli de Dieu et de sa Parole, l'ancien Israël était tombé dans l'obscurité morale et la sensualité. Aussi alla-t-il, dans son orgueil et son incrédulité, jusqu'à rejeter son Rédempteur. Même alors, Dieu n'enleva pas au peuple juif la possibilité de connaître les bienfaits du salut et d'y participer. Mais ceux qui avaient rejeté la vérité avaient perdu tout désir de posséder ce don céleste. Ils avaient « changé les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres »; et combien grandes étaient ces ténèbres!
Il plaît à Satan de voir les hommes abandonner la piété vivante et ne retenir que les formes de la religion. Après avoir rejeté l'Évangile, les Juifs conservèrent jalousement leurs anciens rites; tout en reconnaissant que la présence de Dieu ne se manifestait plus au milieu d'eux, ils restèrent farouchement cantonnés dans leur exclusivisme national. La prophétie de Daniel indiquait de façon si précise le temps de la venue du Messie et prédisait si clairement sa mort, qu'ils en défendaient l'étude, et que les rabbins finirent même par prononcer l'anathème contre ceux qui s'y adonnaient. Dans son aveuglement et son impénitence, le peuple d'Israël est resté, pendant dix-huit siècles, indifférent aux offres gracieuses du salut et aux bienfaits de l'Évangile : exemple effrayant et solennel des dangers que court celui qui rejette la lumière du ciel.
Les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets. Quiconque résiste à ses convictions parce qu'elles contrarient ses inclinations finit par perdre la faculté de distinguer la vérité de l'erreur. L'entendement s'obscurcit, la conscience se cautérise, le coeur s'endurcit, et l'âme se sépare de Diem. Là où la vérité divine est méprisée ou négligée, l'Église est plongée dans les ténèbres. La foi et l'amour font place à la mésentente et aux dissensions; les croyants concentrent leur attention et leur énergie sur les choses du monde, et les pécheurs s'endurcissent dans leur impénitence.
Le message de l'ange de l'Apocalypse annonçant « l'heure du jugement » et invitant le monde à « craindre Dieu et a lui donner gloire », était destiné à réveiller le peuple de Dieu et à le séparer des influences corruptrices du monde. Si les églises avaient accepté cet avertissement, elles auraient banni de leur sein les péchés qui les séparaient du ciel. Si elles avaient reçu ce message en toute sincérité, si elles s'étaient humiliées devant Dieu et préparées à subsister devant sa face, l'Esprit et la puissance d'en haut se seraient manifestés au milieu d'elles. Elles seraient revenues à l'unité, à la foi et à l'amour du temps des apôtres, alors que les croyants n'étaient « qu'un coeur et qu'une âme », qu'« ils annonçaient la parole de Dieu avec assurance », et que « le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Église ceux qui étaient sauvés » (Actes 4.32, 31; 2.47).
Si le peuple de Dieu recevait la lumière telle qu'elle brille dans les Écritures, il réaliserait l'unité entrevue dans la prière de Jésus, et que l'apôtre appelle « l'unité de l'esprit par le lien de la paix ». « Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême. » (Éphésiens 4.3-5)
Tels furent les résultats auxquels arrivèrent ceux qui acceptèrent le message adventiste. Issus de différentes confessions, ils renversèrent leurs barrières confessionnelles et pulvérisèrent leurs credo contradictoires. L'espérance, non conforme aux enseignements de la Bible, d'un millénium temporel fut abandonnée, les idées erronées sur le retour du Christ furent corrigées, l'orgueil et la conformité avec le monde disparurent, les torts furent réparés, les coeurs s'unirent dans la plus douce communion, l'amour et la joie régnèrent sans partage. Ces heureux effets accomplis pour un petit nombre, la doctrine du retour du Christ les eût répandus sur tous les chrétiens si tous l'avaient accueillie.
Malheureusement, les églises, en général, n'acceptèrent pas ce message d'avertissement. Leurs pasteurs qui, en leur qualité de « sentinelles de la maison d'Israël », auraient dû être les premiers à discerner les signes du retour de Jésus, n'avaient aperçu la vérité ni dans le témoignage des prophètes ni dans les signes des temps. Des espérances et des ambitions mondaines remplissant leurs coeurs, leur amour pour Dieu et leur foi en sa Parole se refroidirent et, quand la doctrine du retour du Christ leur fut présentée, elle ne rencontra que préjugés et incrédulité. On avançait contre ce message le fait qu'il était prêché presque exclusivement par des laïques. Comme les Juifs autrefois, on répondait au témoignage clair et précis de la Parole de Dieu par la question : « Y a-t-il un seul des chefs et des pharisiens qui ait cru en lui? » D'autres, voyant combien il était difficile de réfuter les arguments tirés des périodes prophétiques, déconseillaient l'étude des prophéties sous prétexte qu'étant scellées, elles ne pouvaient être comprises. Des foules, qui avaient en leurs pasteurs une confiance aveugle, refusèrent de prendre garde à l'avertissement; d'autres, bien que convaincus de la vérité, n'osaient pas la confesser, de peur « d'être chassés de la synagogue ». Le message envoyé par Dieu pour éprouver et purifier l'Église révéla combien était grand le nombre de ceux qui avaient placé leurs affections sur le monde et non sur Jésus-Christ. Les liens qui les retenaient à la terre étaient plus puissants que ceux qui les attiraient vers le ciel. Ils optèrent en faveur de la sagesse humaine et se détournèrent du message scrutateur de la vérité.
En rejetant l'avertissement du premier ange, ils repoussèrent le moyen que le ciel avait préparé en vue de leur restauration. Ayant méprisé le messager miséricordieux capable de corriger les maux qui les séparaient de Dieu, ils recherchèrent avec plus d'ardeur que jamais la faveur du monde. Telle était la cause de la terrible condition de mondanité, de tiédeur et de mort spirituelle qmi régnait dans les églises en 1844.
Le premier ange du quatorzième chapitre de l'Apocalypse est suivi d'un second, qui proclame : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande, qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité! » (Apocalypse 14.8) Le terme « Babylone » dérive du mot « Babel » qui signifie confusion. Il est employé dans l'Apocalypse pour désigner les différentes formes d'une religion fausse ou apostate. Au dix-septième chapitre, Babylone est représentée sous le symbole d'une femme, image que les Écritures emploient pour désigner une église : une femme chaste, quand il s'agit d'une église pure; une femme corrompue, quand il s'agit d'une église apostate.
Dans le saint Livre, les relations sacrées et permanentes qui existent entre Jésus-Christ et son Église sont symbolisées par les liens du mariage. Le Seigneur s'est uni à son peuple par une alliance solennelle. Il lui promet d'être son Dieu, et son peuple, de son côté, s'engage à n'appartenir qu'à lui seul. Dieu lui dit : « Je serai ton fiancé pour toujours; je serai ton fiancé par la justice, la droiture, la grâce et la miséricorde » (Osée 2.21); « car je suis votre maître » (Jérémie 3.14). Et l'apôtre Paul se sert de la même figure dans le Nouveau Testament, quand il dit : « Je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure. » (2 Corinthiens 11.2)
Quand l'Église détourne ses affections de Jésus pour les reporter sur les choses du monde, son infidélité est comparée à la violation du voeu conjugal. Israël s'éloignant du Seigneur est représenté sous cette image, et le merveilleux amour de Dieu, méconnu, est ainsi dépeint : « Je te jurai fidélité, je fis alliance avec toi, dit le Seigneur, l'Éternel, et tu fus à moi. » « Tu étais d'une beauté accomplie, digne de la royauté. Et ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté; car elle était parfaite, grâce à l'éclat dont je t'avais ornée... Mais tu t'es confiée dans ta beauté, et tu t'es prostituée, à la faveur de ton nom. » « Comme une femme est infidèle à celui qui l'aime, ainsi vous m'avez été infidèles, gens de la maison d'Israël. » (Ézéchiel 16.8, 13-15, 32; Jérémie 3.20 vers. Synodale)
Le Nouveau Testament se sert d'un langage analogue à l'égard des soi-disant chrétiens qui apprécient plus hautement la faveur du monde que celle de Dieu, « Adultères que vous êtes! dit l'apôtre Jacques, ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. » (Jacques 4.14)
La femme du dix-septième chapitre de l'Apocalypse (appelée Babylone) est décrite comme « vêtue de pourpre et d'écarlate, et parée d'or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d'or, remplie d'abominations et des impuretés de sa prostitution. Sur son front était écrit un nom, un mystère : Babylone la grande, la mère des impudiques. » Le prophète poursuit : « Je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. » Il est dit, de plus, que Babylone « est la grande ville qui a la royauté sun les rois de la terre ». (Apocalypse 17.4-6, 18) La puissance qui, durant tant de siècles, a exercé un règne despotique sur tous les monarques de la chrétienté, c'est Rome. La pourpre et l'écarlate, l'or, les pierres précieuses et les perles dont cette femme est parée rappellent d'une manière frappante la magnificence et la pompe plus que royales de la cour de Rome. En outre, aucun pouvoir humain n'a été « ivre du sang des saints » comme l'église qui a si cruellement persécuté les disciples de Jésus-Christ. Babylone est aussi accusée de relations illicites avec « les rois de la terre ». En s'éloignant de Dieu et en s'alliant avec les païens, l'église juive était devenue une prostituée. Or, en recherchant l'appui des pouvoirs de la terre, Rome s'est rendue coupable du même péché, et encourt la même inculpation.
Babylone est appelée « la mère des impudiques ». Ses filles représentent évidemment les églises qui s'attachent à ses doctrines et à ses traditions, et qui, comme elle, sacrifient la vérité et l'approbation de Dieu pour contracter une alliance illicite avec le monde. Le message annonçant la chute de Babylone concerne des organisations religieuses qui, autrefois pures, se sont corrompues. Étant donné que ce message suit la proclamation de « l'heure du jugement » et se rapporte aux derniers jours, il ne peut désigner l'église catholique seule, « tombée » il y a des siècles. En outre, au dix-huitième chapitre, le « peuple de Dieu » est invité à sortir de Babylone. D'après ce passage, nombre d'enfants de Dieu se trouvent encore dans Babylone. Quels corps religieux recèlent, actuellement, la plus forte proportion de disciples de Jésus? Ce sont, sans aucun doute, les diverses églises professant la foi protestante. Au moment de leur naissance, ces églises ont pris noblement position pour Dieu et pour la vérité, et la bénédiction de Dieu a reposé sur elles. Les non-croyants eux-mêmes ont dû reconnaître les bienfaits qui découlent de l'acceptation des principes de l'Évangile. Pour employer les termes du prophète, « ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté; car elle était parfaite, grâce à l'éclat dont je t'avais ornée, dit le Seigneur, l'Éternel ». Mais ces églises sont tombées par le péché même qui avait été la cause de la ruine d'Israël : le désir de suivre l'exemple et de gagner l'amitié des impies. « Tu t'es confiée dans ta beauté, et tu t'es prostituée, à la faveur de ton nom. » (Ézéchiel 16.14-15)
Un grand nombre d'églises protestantes suivent l'exemple de Rome dans son commerce impur avec les rois de la terre; les églises nationales, en s'alliant avec les gouvernements civils; puis d'autres églises, en recherchant la faveur du monde. Le terme « Babylone » (confusion) convient bien à ces corps religieux qui, professant tous puiser leurs doctrines dans les Écritures, sont fractionnés en sectes innombrables aux croyances et aux théories contradictoires.
Outre leur union illégitime avec le monde, les églises sorties de Rome lui ressemblent à d'autres égards encore. Un ouvrage catholique affirme que, « si l'Église de Rome fut jamais coupable d'idolâtrie à l'égard des saints, sa fille, l'Église anglicane, qui a dix églises consacrées à Marie pour une consacrée à Jésus-Christ, participe à la même culpabilité ». (Dr Challoner, The Catholic Christian Instructed, préface, p. 21, 22)
Dais son Traité sur le Millénium, le docteur Hopkins écrit : « Il n'y a pas de raison de prétendre que l'esprit et les rites antichrétiens sont le monopole de l'Église de Rome. Les églises protestantes ont conservé dans leur sein bien des choses provenant de l'Antichnist, et elles sont loin d'être réformées de... toute corruption et de toute méchanceté. » (Samuel Hopkins, Works, vpl. II, p. 328)
Au sujet de la séparation de l'Église presbytérienne d'avec Rome, le docteur Guthrie s'exprime ainsi : « Il y a trois cents ans, notre église sortait du giron de Rome portant sur ses étendards une Bible ouverte et cette devise : Sondez les Écritures. Puis il pose cette question significative : « Est-elle sortie pure de Babylone? » (John Guthrie, The Gospel in Ezechiel, p. 237)
« L'Église anglicane, dit Spurgeon, semble être entièrement dévorée par le puseyisme; mais la dissidence paraît être tout aussi entamée par l'incrédulité philosophique. Ceux dont nous attendions de meilleures choses se détournent l'un après l'autre des bases de la foi. Je crois que le coeur de l'Angleterre est rongé par une damnable incrédulité qui ose encore monter en chaire et se dire chrétienne. » (Voir Appendice a44)
Quelle fut l'origine de la grande apostasie? Comment l'Église s'est-elle éloignée, aux premiers siècles, de la simplicité de l'Évangile? C'est en adoptant les pratiques païennes afin de faciliter la conversion des païens. L'apôtre Paul écrivait, au premier siècle : « Le mystère de l'iniquité agit déjà. » (2 Thessaloniciens 2.7) Pendant la vie des apôtres, l'Église resta relativement pure. Mais « vers la fin du second siècle, la plupart des églises se transformèrent; la simplicité première disparut, et, insensiblement, à mesure que les anciens disciples descendaient dans la tombe, leurs enfants, en compagnie des nouveaux convertis... entrèrent en scène et donnèrent une forme nouvelle à la cause ». (Robert Robinson, Ecclesiastical Reseatches, chap. VI, par. 17) Pour obtenir des conversions, on abaissa le niveau de la foi chrétienne; « le paganisme inonda l'Église et y introduisit ses coutumes, ses pratiques et ses idoles ». (Gavazzi's Lectures, p. 278) Assure de la faveur et de l'appui des princes, le christianisme fut nominalement accepté par les foules, dont un grand nombre d'individus, apparemment chrétiens, « restaient réellement païens, et continuaient d'adorer leurs idoles en secret ». (Gavazzi's Lectures, p. 278)
Le même processus ne s'est-il pas répété dans presque toutes les Églises soi-disant protestantes? À mesure que disparurent les hommes qui les avaient fondées dans le véritable esprit de la Réforme, leurs descendants donnèrent une forme nouvelle à la cause. Fanatiquement attachés au credo de leurs pères mais refusant d'accepter toute vérité nouvelle, les enfants des réformateurs se sont écartés de l'exemple d'humilité, de renoncement et de simplicité qu'ils avaient reçu.
Cet amour du monde, qui est une « inimitié contre Dieu », est excessivement répandu parmi les soi-disant disciples du Christ. Dans toute la chrétienté, les églises populaires se sont beaucoup éloignées de l'humilité, du renoncement, de la simplicité et de la piété enseignés par la Bible. Voici ce qu'a écrit Jean Wesley au sujet de l'usage légitime de l'argent : « Ne perdez aucune parcelle de ce précieux don pour satisfaire la convoitise des yeux par des vêtements superflus et coûteux, ou par des ornements inutiles. N'en gaspillez rien pour décorer votre maison d'objets d'art, pour la garnir de meubles superflus ou coûteux ou pour l'embeliir de tableaux et de dorures... Ne le dépensez pas pour satisfaire l'orgueil de la vie et attirer l'admiration ou la louange des hommes... Tant que "tu te vêtiras de pourpre et de fin lin, et que chaque jour tu mèneras joyeuse et brillante vie", beaucoup de gens, sans doute, applaudiront à la finesse de ton goût, à ta générosité et à ton hospitalité. Mais n'achète pas si cher leurs applaudissements. Contente-toi plutôt de l'honneur qui vient de Dieu. » (Wesley's Works, sermon 50, « The Use of Money ») De nos jours, hélas! bien des églises dédaignent ces exhortations.
L'appartenance à l'Église est un facteur de considération. Dans certains pays, les dirigeants, les diplomates, les avocats, les docteurs, les négociants s'y font recevoir pour s'assurer le respect et la confiance de la société et soigner leurs propres intérêts, cherchant à dissimuler toutes leurs indélicatesses sous le manteau du christianisme. Les différentes confessions religieuses, fortes de la richesse et de l'influence de ces mondains baptisés, s'en servent en vue d'accroître la faveur dont elles jouissent auprès du public. De superbes églises, enrichies de la façon la plus extravagante, s'érigent sur les avenues les plus fréquentées. Les fidèles sont somptueusement vêtus. Des honoraires élevés sont offerts à des pasteurs de talent capables d'attirer et de captiver de grands auditoires. On exige d'eux des sermons chatouillant agréablement les oreilles et ne dénonçant pas le péché. C'est ainsi que les noms de pécheurs de distinction encombrent les registres de l'Église, et que les péchés à la mode sont cachés sous l'apparence de la piété.
Parlant de l'attitude actuelle des soi-disant chrétiens à l'égard du monde, un grand quotidien écrivait : « Insensiblement, l'Église a cédé devant l'esprit du siècle et a adapté ses formes de culte aux besoins modernes... L'Église utilise actuellement tout ce qui peut rendre la religion attrayante. » L'Independent, de New York, disait du méthodisme tel qu'il est maintenant : « La ligne de démarcation entre les gens pieux et les impies se perd dans une espèce de pénombre, et dans les deux camps des hommes zélés s'emploient activement à oblitérer toute différence entre leurs façons d'agir et de s'amuser... La popularité de la religion tend à augmenter sensiblement le nombre de ceux qui veulent s'en assurer les avantages, sans en remplir honnêtement les devoirs. »
Howard Crosby s'exprimait en ces termes : « Il est alarmant de constater que l'Église de Jésus-Christ répond si peu aux intentions de son Maître. De même que les Juifs, par leur familiarité avec les idolâtres, s'étaient autrefois éloignés de Dieu... l'Église de Jésus, par une intimité illicite avec un monde incrédule, perd graduellement la vie divine et s'abandonne aux coutumes pernicieuses d'une société sceptique et irréligieuse. » (The Healthy Christian : An Appeal to the Chruch, p. 141, 142)
Emportée par la marée montante de la mondanité, par l'amour du plaisir, l'Église perd la notion du renoncement et du sacrifice pour le nom de Jésus. « Plusieurs des hommes et des femmes qui jouent actuellement un rôle dans nos églises out appris, dans leur enfance, à consentir des sacrifices pour subvenir à l'oeuvre de Dieu. » Mais « maintenant, quand l'Église a besoin d'argent, songe-t-on à solliciter des dons? Oh non! On organise une vente, une soirée récréative, une loterie, un banquet, n'importe quoi, pourvu que cela soit amusant! »
Dans son message annuel du 9 janvier 1873, le gouverneur Washburn, du Wisconsin, faisait la déclaration suivante : « Une loi serait nécessaire pour fermer les écoles où se forment les amateurs du jeu. On les voit partout. Il arrive même que l'Église -- sans doute inconsciemment -- contribue à l'oeuvre du diable. Je parle des concerts, des soirées, des tombolas, quelquefois organisés au profit d'oeuvres charitables, mais souvent aussi à des fins moins utiles, consistant uniquement à obtenir de l'argent sans rien donner en contrepartie. Rien n'est si démoralisant, ni si alléchant, en particulier pour la jeunesse, que de trouver le moyen d'obtenir de l'argent ou d'autres biens sans avoir à travailler. Puisque des gens respectables collaborent à des entreprises où la chance joue le rôle principal, et tranquillisent leur conscience par la pensée que l'argent ainsi obtenu est destiné à un bon but, il ne faut pas s'étonner que notre jeunesse prenne si facilement des habitudes dont les jeux de hasard sont presque infailliblement la cause. »
La mondanité envahit toutes les églises. Dans un sermon prêché à Londres, Robert Atkins traçait ce sombre tableau du déclin spirituel en Angleterre : « Le nombre des hommes réellement droits diminue, mais personne ne prend la chose à coeur. Dans toutes les églises, ceux qui professent la religion aiment le monde et s'y conforment, recherchent leurs aises et veulent être considérés. Appelés à souffrir avec Jésus-Christ, le mépris suffit à les faire reculer. Apostasie, apostasie, apostasie, voilà le mot gravé sur le fronton de toutes les églises. Si elles le savaient, si elles en avaient le sentiment, il y aurait de l'espoir; mais hélas! elles s'écrient : "Nous sommes riches, nous nous sommes enrichies, nous n'avons besoin de rien." (Second Advent Library, Tract no. 39) »
Le grand péché imputé à Babylone, c'est d'avoir « fait boire à toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité ». Cette coupe enivrante qu'elle offre au monde représente les fausses doctrines héritées par elle en courtisant les grands de la terre. L'amour du monde a dénaturé sa foi, et l'église déchue exerce à son tour sur ce dernier une influence néfaste en enseignant des doctrines directement opposées aux déclarations les plus explicites des saintes Écritures.
Rome avait soustrait la Bible au peuple et lui avait offert en échange ses enseignements. L'oeuvre de la Réforme consista à restituer la Parole de Dieu à l'humanité; mais n'est-il pas trop vrai que les églises de nos jours enseignent à leurs membres à faire reposer leur foi sur leur credo plutôt que sur les saintes Écritures? Le pasteur Charles Beecher disait des églises protestantes : « Elles reculent devant toute parole sévère contre la confession de foi avec la même frayeur que les saints Pères l'eussent fait devant toute condamnation à l'endroit de la vénération des saints et des martyrs qu'ils étaient en train de cultiver chez leurs contemporains... Les églises évangéliques se sont lié les mains au point qu'il n'est plus possible de devenir prédicateur sans se soumettre à quelque livre autre que la Parole de Dieu... Ce que je dis là n'est pas une fiction, mais un fait : la puissance du credo est maintenant en train d'écarter les Écritures tout aussi réellement, quoique de façen plus subtile, que Rome ne l'a fait dans le passé. » (Sermon on « The Bible, a Sufficient Creed », delivered at Fort Wayne, Ind. Feb. 22, 1846)
Quand des interprètes fidèles expliquent la Parole de Dieu, de savants exégètes prétendent que la saine doctrine est une hérésie, et détournent les gens de la recherche de la vérité. Si le monde n'était pas désespérément ivre du vin de Babylone, des foules se convertiraient sous l'influence des vérités claires et précises de la Bible. Mais la foi religieuse paraît si confuse et si contradictoire, que beaucetup se demandent ce qu'il faut croire. L'impénitence du monde est imputable à l'Église.
Le message du second ange, d'abord prêché dans le courant de l'été de 1844, s'appliquait alors plus directement aux églises des États-Unis, où l'avertissement relatif au jugement avait été plus généralement prêché et rejeté, et où le déclin avait été le plus rapide. Pourtant, la proclamation de ce message ne s'acheva pas en 1844. Les églises firent alors, il est vrai, une chute morale due à la réjection de la lumière du message adventiste. Mais cette chute ne fut pas totale. En persistant à fermer l'oreille aux vérités destinées à notre temps, elles sont tombées de plus en plus bas. Toutefois, on ne peut pas dire encore : « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande... qui a abreuvé toutes les nations du vin de la fureur de son impudicité. » Elle n'a pas encore abreuvé toutes les nations. L'esprit de conformité au monde et d'indifférence envers les vérités claires et précises destinées à notre époque gagne du terrain dans les églises protestantes de toute la chrétienté, et ces églises sont comprises dans la terrible et solennelle dénonciation du second ange. Mais l'apostasie n'est pas encore parvenue à son comble.
La Bible déclare qu'avant la venue du Christ, Satan opérera « avec toutes sortes de miracles, de signes et de prodiges mensongers, et avec toutes les séductions de l'iniquité », et que ceux qui « n'ont pas reçu l'amour de la vérité pour être sauvés » recevront « une puissance d'égarement, pour qu'ils croient au mensonge » (2 Thessaloniciens 2.9-11). Ce n'est que lorsque cet état de choses sera atteint, et que l'union de l'Église avec le monde sera consommée dans toute la chrétienté, que la chute de Babylone sera complète. Ce changement est progressif, et l'accomplissement total du message du second ange est donc encore dans l'avenir.
Malgré les ténèbres spirituelles et l'éloignement de Dieu qui règnent dans les églises constituant Babylone, la majorité des vrais disciples de Jésus se trouve encore dans leur sein. Bien des personnes n'y ont pas encore eu connaissance des vérités spéciales pour notre temps. Nombreux sont ceux qui soupirent après plus de lumière, et qui cherchent en vain l'image du Christ dans leurs églises respectives. À mesure que ces églises s'éloignent de la vérité et s'allient plus intimement avec le monde, la différence entre les deux classes devient plus évidente. Une séparation aura lieu. Le temps vient où ceux qui aiment vraiment Dieu ne pourront plus rester en communion avec ceux qui « aiment le plaisir plus que Dieu » (2 Timothée 3.4-5).
Le dix-huitième chapitre de l'Apocalypse se rapporte au temps où, par suite de la réjection du triple avertissement du quatorzième chapitre (6-12), l'Église sera dams la condition prédite par le second ange, et où le peuple de Dieu resté dans Babylone sera exhorté à en sortir. Ce message est le dernier qui sera jamais donné au monde, et il accomplira sa mission. Quand « ceux qui n'ont pas cru à la vérité, mais qui ont pris plaisir à l'injustice » (2 Thessaloniciens 2.12), seront abandonnés à une puissance d'égarement et croiront « au mensonge », la lumière de la vérité brillera sur ceux qui seront prêts à la recevoir. À ce moment-là, tous les enfants de Dieu demeurés dans Babylone obéirent à l'appel : « Sortez du milieu d'elle, mon peuple. » (Apocalypse 18.4)
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La Tragédie des Siècles
25 septembre 2005
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UN GRAND RÉVEIL RELIGIEUX
La prophétie du quatorzième chapitre de l'Apocalypse annonce un grand réveil religieux consécutif à la proclamation du prochain retour du Christ. Il y est question d'« un ange qui volait par le milieu du ciel, ayant un Évangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il disait d'une voix forte : Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son Jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux » (Apocalypse 14.6,7).
Le fait que cette proclamation est confiée à un ange est significatif. Dans sa sagesse, Dieu s'est plu à illustrer symboliquement la noblesse, la puissance et la gloire de ce message par la pureté, la gloire et la puissance d'un messager céleste. Le vol de l'ange « par le milieu du ciel », la « voix forte » avec laquelle l'avertissement est proclamé « à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple », témoignent de la rapidité et de l'universalité de ce mouvement.
Quant au message lui-même, il nous renseigne sur l'époque de ce réveil : il fait partie de l'« Évangile éternel », et annonce l'inauguration du jugement. Si le message du salut a été prêché dans tous les siècles, ce message-ci renferme une portion de l'Évangile qui ne pouvait être prêchée que dans les derniers jours, la seule époque où l'on pourrait dire : « l'heure de son jugement est venue ». Les prophéties nous présentent une succession d'événements qui aboutissent à l'inauguration du jugement. C'est surtout le cas du livre de Daniel. Mais ce prophète reçoit l'ordre de tenir « close et scellée » jusqu'au « temps de la fin » la partie de sa prophétie relative aux derniers jours. C'est à cette époque-là seulement que l'on pourra proclamer un message se rapportant au jour du jugement et basé sur l'accomplissement de la prophétie. En effet, le prophète nous dit qu'au temps de la fin, « plusieurs le liront (son livre), et que la connaissance augmentera » (Daniel 12.4).
L'apôtre Paul avertissait l'Église de son temps que le retour du Christ n'était pas imminent. Il faut, disait-il, « que l'apostasie soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme du péché » (2 Thessaloniciens 2.3). On ne devait donc attendre le second avènement de Jésus qu'après la grande apostasie et le règne de « l'homme du péché ». Les expressions « homme du péché », « adversaire », « mystère d'iniquité », « fils de la perdition » désignent la papauté, qui devait, selon la prophétie, exercer sa suprématie pendant mille deux cent soixante ans. Cette période expirant en 1798, la venue du Christ ne pouvait avoir lieu avant cette date.
Un message de ce genre n'a jamais été annoncé dans les siècles passés. Paul, nous l'avons vu, ne l'a pas prêché; il plaçait le retour du Christ dans un lointain avenir. Les réformateurs ne l'ont pas proclamé non plus. Martin Luther voyait le jour du jugement à quelque trois siècles de son temps. Mais, depuis 1798, le livre de Daniel a été descellé, la connaissance de la prophétie a augmenté, et le message solennel de la proximité du jugement a été proclamé.
Comme la Réforme du seizième siècle, le mouvement adventiste a éclaté simultanément dans différentes parties de la chrétienté. En Europe et en Amérique, des hommes de foi et de prière se sont sentis poussés à étudier les prophéties. Dans divers pays, des groupes isolés de chrétiens sont parvenus, par la seule étude de la Parole de Dieu, à la conclusion que le retour du Christ est à la porte et que la fin de toutes choses est proche.
En 1821, trois ans après que Miller fut arrivé à la conclusion que les prophéties aboutissaient au temps du jugement, le missionnaire Joseph Wolff commença à proclamer la proximité du retour du Christ. Il était né en Allemagne, de parents juifs. Son père était rabbin. Esprit vif et curieux, il écoutait, tout jeune encore, avec la plus grande attention, les conversations qui avaient lieu chez son père, où des Juifs pieux se réunissaient chaque jour pour s'entretenir de l'avenir de leur peuple, de la gloire du Messie à venir et de la restauration d'Israël. Entendant un jour parler de Jésus de Nazareth, le jeune garçon demanda qui était cet homme. « Un Juif de génie, lui fut-il répondu; mais comme il se disait être le Messie, le sanhédrin l'a condamné à mort. » -- Pourquoi Jérusalem est-elle détruite, et pourquoi sommes-nous en captivité? poursuivit l'enfant. -- Hélas! fit le père, c'est parce que nos pères ont tué les prophètes. Dans l'esprit du jeune Wolff, cette réponse fit aussitôt surgir la question : « Jésus n'était-il pas lui aussi un prophète, et n'a-t-il pas été mis à mort alors qu'il était innocent? » (Travels and Adventures of Rev. Joseph Wolff, vol. I, p. 6.) Ce sentiment fut si profond que Joseph, à qui son père avait défendu d'entrer dans un lieu de culte chrétien, s'attardait souvent sous les fenêtres d'une église pour écouter la prédication.
À l'âge de sept ans, comme il parlait avec fierté, devant un chrétien âgé, du triomphe d'Israël lors de la venue du Messie, le vieillard lui répondit avec bienveillance : « Mon cher enfant, je vais te dire qui est le vrai Messie : c'est Jésus de Nazareth, ... que tes ancêtres ont crucifié comme ils avaient mis à mort les anciens prophètes. Rentre à la maison, lis le cinquante-troisième chapitre d'Ésaïe, et tu seras convaincu que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. » (Travels and Adventures of Rev. Joseph Wolff, vol. I, p. 7.) Vivement impressionné par ces paroles, Joseph rentra chez lui, lut le chapitre indiqué et fut ébahi de voir avec quelle perfection la prophétie s'était accomplie en Jésus de Nazareth. « Le chrétien n'aurait-il pas raison? » se dit l'enfant. Ayant demandé à son père une explication de ce chapitre, il se heurta à un silence glacial et n'osa plus jamais entamer ce sujet avec lui. En revanche, son désir de s'instruire sur la religion chrétienne n'en devenait que plus intense.
Les connaissances qu'il cherchait lui étant sévèrement refusées dans la société juive, le jeune Wolff, âgé de onze ans seulement, quitta la maison paternelle, décidé à s'instruire et à choisir lui-même sa religion et sa vocation. Trouvant un emploi provisoire chez un parent, il en fut bientôt chassé comme apostat et se vit, seul et sans argent, obligé d'aller travailler chez des étrangers. Il alla de lieu en lieu, tout en étudiant, et subvenait à ses besoins en enseignant l'hébreu. Sous l'influence d'un maître catholique, il accepta la foi romaine et eut l'intention de devenir missionnaire parmi son peuple. À cet effet, il se rendit, quelques années plus tard, au Collège de la Propagande de la Foi, à Rome, où il fut d'abord traité avec de grands égards par les dignitaires de l'Église. Mais son esprit indépendant et son franc-parler le firent accuser d'hérésie; et comme il attaquait ouvertement les abus de l'Église en insistant sur zxc la nécessité d'une réforme, on l'éloigna de Rome, tout en le surveillant. Enfin, déclaré incorrigible, il reçut la liberté d'aller où bon lui semblerait. Parti pour l'Angleterre, il y embrassa la foi protestante et fut reçu dans l'Église anglicane. Au bout de deux ans d'études, en 1821, il s'engageait dans l'oeuvre à laquelle il consacra sa vie.
Tout en acceptant la grande vérité d'une première venue du Messie en qualité d'« homme de douleur et habitué à la souffrance », Wolff se rendit compte que les prophéties annoncent avec une égale clarté sa seconde venue en puissance et en gloire. Et tout en s'efforçant de présenter à ses anciens coreligionnaires Jésus de Nazareth, l'agneau de Dieu immolé pour expier les péchés de l'humanité, il leur parlait de sa seconde venue comme Libérateur et Roi.
« Jésus de Nazareth, le vrai Messie, disait-il, celui dont les mains et les pieds furent percés, celui qui fut mené comme un agneau à la boucherie, qui "fut un homme de douleur et habitué à la souffrance", ce même Jésus reviendra une seconde fois, avec la trompette de l'archange, sur les nuées du ciel. » (Wolff, Researches and Missionary Labors, p. 62.) « Et il se tiendra sur la montagne des Oliviers, et la domination autrefois conférée à Adam sur toute la création et perdue par lui (Gen. 1.26; 3.17), lui sera donnée. Il sera Roi de toute la terre. Les soupirs et les gémissements de la création cesseront, et on n'y entendra plus que des chants de louanges et d'actions de grâces... Lorsque Jésus viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges... les croyants décédés ressusciteront d'abord. (1 Thes. 4.16; 1 Cor. 15.23) C'est ce que nous appelons, nous chrétiens, la première résurrection. Alors la création animale changera de nature (Es. 11.6-9), et sera soumise à Jésus. (Ps. 8) Une paix universelle régnera. » (Journal of the Rev. Joseph Wolff, p. 378, 379) « Contemplant une fois encore la terre, le Seigneur dira : Elle est très bonne. » (Journal of the Rev. Joseph Wolff, p. 394)
Wolff croyait à l'imminence du retour du Seigneur. Son interprétation des périodes prophétiques l'avait amené à assigner à ce retour une date voisine de celle fixée par Miller. À ceux qui lui disaient : Jésus affirme que « pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait », il est donc impossible de rien savoir à ce sujet, Wolff répondait : « Jésus a-t-il dit que ce jour et cette heure ne seraient jamais connus? Ne nous a-t-il pas donné des signes des temps pour nous faire connaître, tout au moins, l'approche de cette venue, de même que l'on connaît l'approche de l'été quand les arbres se couvrent de feuilles? (Mat. 24 32) Ne connaîtrons-nous jamais cette époque, alors qu'il nous exhorte non seulement à lire, mais à comprendre le prophète Daniel? Or, dans ce même prophète, il est écrit que certaines paroles sont closes et scellées jusqu'au temps de la fin; que "plusieurs... les liront, et que la connaissance (concernant l'époque) augmentera". (Dan. 12.4) En outre, Jésus ne veut pas dire qu'on ne connaîtra pas l'approche de cette époque, mais seulement le jour et l'heure exacts, et il ajoute que nous en saurons assez pour nous y préparer, comme autrefois Noé prépara son arche en vue du déluge. » (Wolff, Researches and Missionary Labors, p. 404, 405)
Durant les vingt-quatre années qui s'étendent de 1821 à 1845, Wolff fit de longs voyages en Afrique, où il visita l'Égypte et l'Abyssinie, et en Asie, où il parcourut la Palestine, la Syrie, la Perse, la Boukharie et les Indes. Il visita l'île Sainte-Hélène, puis il partit pour les États-Unis. Débarqué à New York, en août 1837, il prêcha dans cette ville, ainsi qu'à Philadelphie et à Baltimore, et arriva enfin à Washington. Ici, écrit-il, « dans une des séances du Congrès, sur la motion de l'ex-président John Quincy Adams, la salle du Congrès me fut concédée à l'unanimité pour une conférence que je fis un samedi. Je fus honoré de la présence de tous les membres du Congrès, de l'évêque anglican de la Virginie, des membres du clergé et de bon nombre de citoyens de Washington. Le même honneur me fut accordé par les gouvernements du New Jersey et de la Pennsylvanie, devant lesquels je fis des conférences sur mes recherches en Asie et sur le règne du Christ. » (Journal of the Rev. Joseph Wolff, p. 398, 399)
Au cours de ses longs voyages, sans jamais recourir à la protection d'aucune puissance européenne, Wolff avait parcouru les contrées les plus barbares, endurant toutes sortes de souffrances et exposé aux plus grands périls. Il fut battu, détroussé par des voleurs, vendu comme esclave et trois fois condamné à mort. Il faillit parfois mourir de faim et de soif... Un jour, dépouillé de tout, il fut réduit à parcourir des centaines de kilomètres à pied dans les montagnes, fouetté par la neige, le visage et les pieds nus engourdis au contact dii sol gelé.
Quand on lui conseillait de ne pas voyager sans armes parmi des tribus sauvages et hostiles, il déclarait que ses armes étaient « la prière, le zèle pour Jésus-Christ et la confiance en son secours ». « Revêtu de l'amour de Dieu et du prochain, disait-il, je tiens en main l'épée de la Parole de Dieu. » (Journal of the Rev. Joseph Wolff, p. 398, 399) « Il avait toujours sur lui un exemplaire des saintes Écritures en anglais et un en hébreu.
À propos de l'un de ses derniers voyages, il écrit : « J'avais toujours la Bible ouverte, persuadé que ma puissance résidait dans ce livre et que cette puissance me soutiendrait. » (W. H. D. Adams, In perils oft, p. 192)
Wolff persévéra ainsi dans ses travaux jusqu'à ce que le message du jugement eût retenti dans une grande partie du monde. Il distribua la Parole de Dieu parmi les Juifs, les Turcs, les Parsis, les Hindous et nombre d'autres peuples, proclamant partout l'approche du règne du Messie.
Dans ses voyages en Boukharie, il trouva la doctrine du prochain retour du Seigneur au sein d'une peuplade isolée. « Les Arabes du Yémen, dit-il, possèdent un livre intitulé : "Seera", qui annonce la seconde venue et le règne glorieux de Jésus-Christ, et ils s'attendent à de grands événements pour 1840... Dans le Yémen, j'ai passé six jours au milieu des enfants de Réchab. Ils ne boivent pas de vin, ne sèment pas, ne plantent pas de vignes, et ils vivent sous des tentes, en souvenir du bon vieux Jonadab, fils de Réchab. J'y ai vu aussi des enfants d'Israël de la tribu de Dan... qui attendent, comme les fils de Réchab, la prochaine venue du Messie sur les nuées du ciel. » (Journal of the Rev. Joseph Wolff, p. 377, 389)
Un autre missionnaire trouva les mêmes croyances parmi les Tartares. Un prêtre, qui lui demandait quand le Christ reviendrait, parut grandement surpris quand ce missionnaire lui dit qu'il n'en savait rien; une telle ignorance lui parut inconcevable de la part d'un homme qui professait enseigner les Écritures, et il lui déclara, en se basant sur les prophéties, que, pour lui, Jésus-Christ reviendrait vers 1844.
Le message du retour de Jésus commença à être proclamé en Angleterre dès 1826. Le mouvement n'y eut pas la même ampleur ni la même précision qu'en Amérique; on n'y enseignait pas aussi généralement la date exacte de l'événement; toutefois, la grande vérité de la prochaine venue du Christ en puissance et en gloire y pénétra d'une façon générale, et cela non pas seulement parmi les dissidents et les non-conformistes. Un auteur anglais, du nom de Mourant Brock, nous informe que dans ce pays sept cents pasteurs de l'Église anglicane annonçaient « l'Évangile du royaume ». La conviction que la venue du Christ aurait lieu en 1844 y fut également propagée. Des publications venues des États-Unis s'y répandirent largement, et on y réimprima livres et journaux. En 1842, Robert Winter, Anglais de naissance, qui avait reçu en Amérique la foi adventiste, rentra dans son pays natal pour y proclamer le retour du Christ. Plusieurs se joignirent à lui, de sorte que le message du jugement fut entendu dans diverses parties du pays.
En Amérique du Sud, un jésuite espagnol, du nom de Lacunza, ayant eu accès aux Écritures, y trouva la vérité du prochain retour du Christ. Poussé à proclamer l'avertissement et désireux toutefois d'échapper à la censure de Rome, il se donna pour un Juif converti et publia ses croyances sous le pseudonyme de « Rabbi Ben Ezra ». Lacunza vivait au XVIIIème siècle; mais c'est seulement vers 1825 que son livre, parvenu à Londres, fut traduit en langue anglaise. Sa publication contribua à augmenter l'intérêt que la doctrine du retour du Christ avait éveillé en Angleterre.
En Allemagne, ce message fut prêché au XVIIIème siècle par Bengel, pasteur luthérien, savant critique et commentateur des Écritures. En achevant ses études, Bengel s'était « consacré à la théologie, vers laquelle l'attirait la gravité naturelle de son caractère, accentuée encore par sa première éducation. Comme beaucoup de jeunes gens sérieux, après et avant lui, il fut assailli par le doute. Dans ses écrits, il mentionne avec tact ces flèches qui avaient transpercé son pauvre coeur et rendu sa jeunesse amère. » (Encyclopaedia Britanica (9ème éd.), art. Bengel) devenu membre du Consistoire du Wurtemberg, il se fit l'avocat de la liberté religieuse. « Tout en soutenant les droits et les prérogatives de l'Église luthérienne, il revendiquait la liberté pour ceux qui, moralement, se sentaient tenus de quitter cette église. » Les heureux effets de cette attitude se font encore sentir dans sa province natale.
Comme Bengel préparait un sermon sur le chapitre vingt et un de l'Apocalypse pour un dimanche de l'Avent, son attention se porta sur la seconde venue du Christ. Il comprit, comme jamais auparavant, les prophéties de l'Apocalypse. Subjugué par l'importance et la gloire des scènes de la fin, il se vit contraint d'abandonner ce sujet pendant quelque temps. Un jour, en chaire, cette question se présenta de nouveau à lui avec tine telle clarté et une telle puissance que dès ce moment il se consacra à l'étude des prophéties, mais surtout à celles de l'Apocalypse. Il y découvrit bientôt qu'elles annonçaient la proximité de la venue du Christ. Il en fixa la date qui était, à quelques années près, celle que Miller devait fixer par la suite.
Les écrits de Bengel se répandirent dans toute la chrétienté. Ses vues sur la prophétie furent plus généralement accueillies dans le Wurtemberg. Après sa mort, le mouvement se poursuivit en Allemagne et dans les pays voisins. Bientôt, quelques croyants se rendirent en Russie, où ils formèrent des colonies dans lesquelles la foi au prochain retour du Christ s'est conservée jusqu'à ce jour.
La lumière brilla aussi en France et en Suisse. À Genève, où Farel et Calvin avaient implanté la Réforme, le message du second avènement fut annoncé par Gaussen, pasteur et professeur de théologie. Au cours de ses études, il s'était trouvé en contact avec le rationalisme qui dominait en Europe au XVIIIème siècle et au commencement du XIXème. Quand il entra dans le ministère, non seulement il ignorait la foi véritable, mais il était enclin au scepticisme. La lecture de l'histoire universelle de Rollin, faite dans sa jeunesse, avait cependant attiré son attention sur le second chapitre du livre de Daniel. Frappé du merveilleux accomplissement de la prophétie par l'histoire, il y vit un témoignage en faveur de l'inspiration des Écritures, qui fut pour lui comme une ancre au milieu des périls des années subséquentes. Les enseignements du rationalisme ne lui donnant pas satisfaction, il étudia avec ardeur la Parole de Dieu qui l'amena à une foi positive. (Voir Appendice a40)
Son étude de la prophétie l'amena à la certitude de la proximité du retour du Seigneur. Convaincu de la solennité et de l'importance de cette grande vérité, il voulut la présenter en public. Mais la croyance populaire, selon laquelle les prophéties de Daniel sont mystérieuses et incompréhensibles, mettait obstacle à la réalisation de son dessein. Il se décida -- comme Farel l'avait fait avant lui pour évangéliser Genève -- à commencer par les enfants, pour atteindre ensuite les parents. Exposant plus tard le but de son entreprise, il écrivait :
« Je désire qu'on l'ait compris : ce n'est pas à cause de sa moindre importance, c'est au contraire en raison de sa haute valeur, que j'ai voulu présenter cet enseignement sous cette forme familière, et que je l'adresse à des enfants. -- Je voulais être écouté, et j'ai craint de ne l'être pas si je m'adressais d'abord aux grands. Ce sujet, bien que rempli de lumière, est réputé trop abstrus; bien qu'utile à tous, trop curieux; bien qu'abondant en nos Écritures, trop enveloppé d'incertitudes! ... Je vais donc aux plus jeunes : les aînés viendront autour. Je me fais devant eux un auditoire d'enfants; mais si le groupe grossit, si l'on voit qu'il écoute, qu'il jouit, qu'il s'intéresse, qu'il comprend, qu'il explique même, alors je suis sûr d'avoir bientôt un second cercle, et qu'à leur tour les grands reconnaîtront qu'il vaut la peine de s'asseoir et d'étudier. Quand cela sera fait, la cause sera gagnée. » (L. Gaussen, Daniel le prophète, vol. II, Avertissement, p. XI, XII)
Gaussen réussit. S'étant adressé aux enfants, il vit venir à lui des personnes plus âgées. Les galeries de son église ne tardèrent pas à se remplir d'auditeurs attentifs. Dans le nombre se trouvaient des savants, des hommes influents et des étrangers de passage à Genève. Ainsi, le message se répandit au loin.
Encouragé par ce premier succès, et afin de faciliter l'étude de la prophétie dans les églises de langue française, Gaussen publia ses leçons. « Publier des instructions données à des enfants sur Daniel le prophète, dit-il, c'est dire aux adultes, qui trop souvent négligent de tels livres sous le vain prétexte de leur obscurité : Comment seraient-ils obscurs, puisque vos enfants les comprennent? ... J'avais profondément à coeur de rendre populaire dans nos troupeaux, s'il m'était possible, la connaissance des prophéties. ... Il n'est pas d'étude, en effet, qui me semble mieux répondre aux besoins du moment. ... C'est par là qu'il faut armer l'Église pour ses tribulations prochaines et l'exercer à l'attente de Jésus-Christ. » (L. Gaussen, ouv. cité, vol. II, p. XXI.)
Ses ouvrages sur la prophétie (Voir Appendice a41)
soulevèrent aussi un grand intérêt. Du haut de sa chaire de théologie, par la presse et comme catéchiste, Gaussen continua, pendant des années, à exercer une grande influence, et il amena beaucoup de personnes à étudier les prophéties relatives aux derniers temps.
En Scandinavie, le message du retour du Seigneur provoqua un vif intérêt. Bien des pécheurs, secouant leur torpeur, furent amenés à confesser leurs péchés et à en chercher le pardon au nom de Jésus-Christ. Mais le clergé de l'Église établie, hostile au mouvement, réussit à faire incarcérer plusieurs de ses propagateurs. À plusieurs reprises, là où les hérauts du message furent réduits au silence, Dieu jugea bon de le faire proclamer de façon miraculeuse par de petits enfants. N'étant pas majeurs, ils purent parler sans être inquiétés par la loi.
Le mouvement se dessina surtout parmi les ouvriers, dans les humbles habitations desquels on se réunissait pour entendre l'avertissement. Les enfants-prédicateurs appartenaient eux-mêmes, pour la plupart, à des familles pauvres. Certains d'entre eux n'avaient pas plus de six à huit ans; et bien que leur vie témoignât de leur amour pour le Sauveur, ils n'étaient pas plus doués que les autres enfants de leur âge. Mais dès qu'ils parlaient en public, il était évident qu'un pouvoir supérieur s'emparait d'eux. Le ton de leur voix et leur attitude changeaient subitement, et ils faisaient entendre l'avertissement du jugement avec solennité et puissance. Dans les termes mêmes de l'Écriture, ils répétaient : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue. » En censurant le péché, ils condamnaient aussi bien la mondanité et la tiédeur spirituelle que l'immoralité et le vice, et ils pressaient leurs auditeurs de fuir la colère à venir.
On les écoutait en tremblant. Le Saint-Esprit parlait aux coeurs. Plusieurs en vinrent à sonder les Écritures avec un nouvel intérêt; les intempérants et les libertins se réformaient, les cupides abandonnaient leurs pratiques malhonnêtes. Il se fit une oeuvre si puissante que même des pasteurs de l'Église établie durent y reconnaître la main de Dieu.
Dieu ne voulait pas que la proclamation du retour du Christ dans les pays scandinaves fût retardée. Quand Jésus s'était approché de Jérusalem escorté d'une foule qui agitait des palmes et l'acclamait comme Fils de David, les pharisiens, jaloux, lui avaient ordonné de les faire taire. Jésus leur avait répondu que tout cela était un accomplissement de la prophétie, et que si le peuple se taisait, les pierres mêmes crieraient. Intimidée par les menaces des sacrificateurs et des principaux, la foule qui franchissait les portes de Jérusalem se tut. Mais, dans les parvis du temple, les enfants, reprenant leurs acclamations, se mirent à crier, en agitant leurs palmes : « Hosanna au Fils de David! » Irrités, les pharisiens dirent à Jésus : « Entends-tu ce qu'ils disent? Oui, leur répondit Jésus. N'avez-vous jamais lu ces paroles : Tu as tiré des louanges de la bouche des enfants et de ceux qui sont à la mamelle? » (Matthieu 21.8-16) De même que Dieu fit proclamer la messianité de Jésus par des enfants, de même il se servit d'enfants pour annoncer l'avertissement de la seconde venue du Messie. Il fallait que la Parole de Dieu s'accomplit, et que la proclamation du retour du Sauveur fût entendue de toute nation, de toute tribu, de toute langue et de tout peuple.
William Miller et ses collaborateurs furent chargés de faire entendre le message aux États-Unis, où la prophétie de l'ange de l'Apocalypse (ch. 14.6) eut son accomplissement le plus complet. Ce pays devint le centre d'un grand mouvement. Les écrits de Miller et de ses associés furent envoyés jusque dans les pays les plus lointains. L'heureuse nouvelle du prochain retour du Christ atteignit les missionnaires dans toutes les parties du monde. Le cri de l'Évangile éternel retentit partout : « Craignez Dieu et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue! »
L'explication des prophéties qui semblaient faire coïncider le retour du Christ avec l'année 1844 produisit une profonde impression aux États-Unis. Ce message passait d'un État à l'autre, soulevant partout un vif intérêt. Bien des gens, convaincus de l'exactitude des arguments tirés de la prophétie, sacrifiaient volontiers leurs idées préconçues et embrassaient la vérité. Des pasteurs, abandonnant leurs vues sectaires et leurs sentiments personnels, renonçaient à leur traitement et à leur église pour seconder ceux qui proclamaient la venue de Jésus. Et comme le nombre des pasteurs qui acceptaient ce message était relativement restreint, ce denier fut surtout confié à des laïques. Des fermiers quittaient leurs champs, des artisans leurs outils, des négociants leurs marchandises et des hommes de carrières libérales leur profession. Mais le nombre de ces ouvriers restait bien insuffisant. La condition d'une Église refroidie et d'un monde plongé dans les ténèbres pesait lourdement sur le coeur des véritables sentinelles; aussi enduraient-elles la fatigue et les privations pour appeler les hommes à la conversion et au salut. En dépit de l'opposition de Satan, l'oeuvre du Seigneur progressait rapidement et des milliers d'âmes acceptaient la bonne nouvelle du retour du Christ.
Partout, mondains et membres d'église étaient instamment exhortés à fuir la colère à venir. Comme Jean-Baptiste, le précurseur, les prédicateurs « mettaient la cognée à la racine des arbres » et invitaient chacun à « produire du fruit digne de la repentance ». Leurs appels solennels offraient un contraste frappant avec les paroles de paix et de sûreté qui retentissaient du haut des chaires populaires. Aussi, partout où il était prêché, leur message remuait les coeurs. Le témoignage simple, direct et convaincant des Écritures, accompagné de la puissance du Saint-Esprit, était irrésistible. Des chrétiens de nom, sortant de leur fausse sécurité, confessaient leur tiédeur, leur mondanité, leur incrédulité, leur orgueil et leur égoïsme. Ils demandaient avec larmes : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé? » Un grand nombre se donnaient à Dieu, changeaient de vie et vouaient désormais aux choses célestes des affections qu'ils avaient auparavant réservées à celles de la terre. Animés de l'Esprit de Dieu et le coeur ému, ils joignaient leurs voix à cette proclamation : « Craignez Dieu, et donnez-lui gloire; car l'heure de son jugement est venue. »
Ceux qui avaient causé quelque tort à leur prochain avaient hâte de le réparer. Tous ceux qui avaient trouvé la paix souhaitaient la faire connaître à d'autres. Les parents demandaient à Dieu la conversion de leurs enfants. L'orgueil et les discordes au sein des familles étaient remplacés par des confessions sincères, et les convertis travaillaient au salut de ceux qui leur étaient chers. Des prières ferventes montaient vers le ciel. Partout on trouvait des âmes angoissées qui plaidaient avec Dieu. Plusieurs passaient des nuits entières en prière pour obtenir l'assurance du pardon de leurs péchés ou la conversion de leurs proches ou de leurs voisins. Le nombre des croyants augmentait chaque jour.
Riches et pauvres, grands et petits accouraient aux réunions adventistes et se montraient avides, pour des raisons diverses, d'entendre annoncer le retour du Christ. Dieu tenait en échec l'esprit d'opposition. Parfois les instruments dont il se servait étaient faibles, mais son Esprit rendait la vérité puissante. Dans ces assemblées, où des foules recueillies écoutaient au milieu d'un silence impressionnant les preuves du retour prochain du Christ, la présence des anges se faisait sentir. Le ciel et la terre semblaient se rapprocher, et la puissance de Dieu reposait sur tous, jeunes et vieux. Les gens rentraient chez eux les louanges de Dieu sur les lèvres, faisant vibrer de leurs chants le silence de la nuit. Aucun témoin de ces scènes ne pourra jamais les oublier.
La proclamation d'une date précise pour le retour du Christ déchaîna dans toutes les classes de la société une violente opposition à laquelle prirent part tant le pasteur du haut de sa chaire que le plus vil des pécheurs. Alors s'accomplit cette prophétie : « Dans les derniers jours, il viendra des moqueurs avec leurs railleries, marchant selon leurs propres convoitises, et disant : Où est la promesse de son avènement? Car, depuis que les pères sont morts, tout demeure comme dès le commencement de la création. » (2 Pierre 3.3,4) Plusieurs, qui professaient aimer le Sauveur, déclaraient ne rien avoir contre la doctrine du retour du Christ et ne s'opposer qu'à la fixation d'une date précise. Mais Dieu lisait dans leurs coeurs : ils ne voulaient pas entendre parler du jour où Dieu jugera le monde, selon la justice. Ils étaient des serviteurs infidèles dont les oeuvres ne supportaient pas le regard scrutateur du Dieu qui voit tout, et ils redoutaient de comparaître devant lui. Non seulement ils refusaient d'entendre la Parole de Dieu, mais ils tournaient en dérision ceux qui attendaient leur Sauveur. Satan et ses suppôts exultaient au spectacle de prétendus disciples de Jésus si peu désireux de sa venue.
« Quant à ce jour-là et à l'heure, nul ne le sait », disaient les adversaires de la foi adventiste. Mais le passage entier se lit comme suit : « Quand à ce jour-la et à l'heure, nul ne le sait, pas même les anges des cieux, mais mon Père seul. » (Matthieu 24.36) Ceux qui attendaient le retour du Christ en donnaient une explication claire, d'accord avec le contexte, et montraient que leurs adversaires tordaient les Écritures. Cette parole avait été prononcée par Jésus lors de son mémorable entretien avec ses disciples sur le mont des Oliviers, après qu'il eut quitté le temple pour la dernière fois. Les disciples lui avaient posé la question : « Quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? » Jésus leur donna des signes, puis il ajouta : « Quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte. » (Matthieu 24.3,33) Il ne faut pas annuler une déclaration du Seigneur par une autre. Bien que personne ne connaisse ni le jour, ni l'heure de la venue du Christ, notre devoir est d'en connaître la proximité. Jésus ajoute que l'ignorance volontaire au sujet de l'imminence de son retour sera aussi fatale que le fut l'ignorance des antédiluviens quant au temps du déluge. Et il établit un contraste entre le serviteur fidèle et le serviteur infidèle, entre la fin de celui qui dit en son coeur : « Mon maître tarde à venir » et le sort du serviteur que le Seigneur trouvera veillant et parlant de sa venue. « Veillez donc », dit-il. « Heureux ce serviteur, que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi! » (Matthieu 24.42-51) « Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi. » (Apocalypse 3.3)
L'apôtre Paul nous parle d'une catégorie de personnes que le jour du Seigneur prendra au dépourvu. « Le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit. Quand les hommes diront : Paix et sûreté! alors une ruine soudaine les surprendra, comme les douleurs de l'enfantement surprennent la femme enceinte, et ils n'échapperont point. » Mais il dit à ceux qui auront pris garde à l'avertissement du Seigneur : « Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres. » (1 Thessaloniciens 5.2-5)
Les Écritures n'autorisent personne à ignorer la proximité du retour du Christ. Mais ceux qui cherchaient un prétexte pour rejeter la vérité fermaient l'oreille à ces explications, et les moqueurs, parmi lesquels de soi-disant ministres de Jésus-Christ, continuaient à répéter : « On ne peut savoir ni le jour ni l'heure. » Dès que les gens commençaient à sortir de leur engourdissement spirituel et à s'enquérir de la voie du salut, les conducteurs religieux se plaçaient entre eux et la vérité, s'efforçant de calmer leurs craintes en tordant la Parole de Dieu. Des sentinelles infidèles unissaient leurs efforts à ceux du grand séducteur en criant : Paix, paix! contrairement à l'avertissement divin. À l'exemple des pharisiens, plusieurs refusaient d'entrer dans le royaume des cieux et en fermaient l'accès aux autres. Dieu leur redemandera le sang de ces âmes.
Les membres les plus humbles et les plus pieux des églises étaient généralement les premiers à accepter le message. Ils se donnaient la peine d'étudier l'Écriture sainte et ne pouvaient manquer, malgré l'influence du clergé, de voir le caractère erroné des enseignements populaires touchant la prophétie.
La persécution sévissant au sein des églises, plusieurs âmes timides consentirent à taire leurs convictions; mais d'autres croyants furent persuadés que, s'ils cachaient la vérité, ils ne seraient pas fidèles au dépôt que Dieu leur avait confié. Ceux-là furent exclus de leurs églises uniquement pour avoir exprimé leur foi au prochain retour du Christ. Ils trouvèrent de précieux encouragements dans ces paroles du prophète : « Voici ce que disent vos frères, qui vous haïssent et vous repoussent à cause de mon nom : Que l'Éternel montre sa gloire, et que nous voyions votre joie! Mais ils seront confondus. » (Ésaïe 66.5)
Surveillant avec le plus profond intérêt les conséquences de l'avertissement, les anges de Dieu se détournèrent avec tristesse des églises qui décidaient de rejeter le message. Mais nombreuses étaient les personnes qui n'avaient pas été éprouvées par la doctrine du retour du Christ, ou auxquelles une épouse, un mari, des parents ou des enfants avaient fait croire que c'était un péché de prêter seulement l'oreille aux hérésies enseignées par les adventistes. Des anges reçurent l'ordre de veiller avec soin sur ces âmes, car une lumière nouvelle venant du trône de Dieu allait briller sur leur sentier.
Les fidèles qui avaient reçu le message attendaient la venue du Sauveur avec une ardeur inexprimable. Dans un calme paisible et solennel, ils jouissaient de la communion avec Dieu, gage d'un radieux avenir. Ceux qui ont goûté cette espérance et cette assurance n'oublieront jamais la douceur infinie de ces heures d'attente. Quelques semaines avant le temps fixé, ils abandonnèrent en grande partie leurs occupations temporelles. Ils scrutaient les pensées et les émotions de leur coeur avec le même soin que s'ils avaient été sur leur lit de mort. Aucun d'eux, contrairement à ce dont on les accusa, ne songeait à se confectionner des « robes d'ascension ». (Voir Appendice a42) En revanche, tous éprouvaient le besoin d'une préparation intérieure pour aller à la rencontre du Sauveur. Leurs « robes blanches », c'étaient la pureté de leur âme et leur vie libérée du péché par le sang expiatoire de Jésus-Christ. Plût à Dieu que ceux qui, aujourd'hui, professent être le peuple de Dieu aient toujours les mêmes dispositions à l'introspection, la même ferveur, la même foi! S'ils s'humiliaient ainsi devant le Seigneur et faisaient monter leurs supplications devant le propitiatoire, ils jouiraient d'une vie intérieure infiniment plus féconde et plus riche. La prière, la vraie conviction du péché et la foi vivante sont trop rares; voilà pourquoi beaucoup se trouvent privés de la grâce abondante que le Sauveur tient en réserve pour eux.
Dieu avait voulu éprouver son peuple. Sa main avait couvert une erreur dans le calcul des périodes prophétiques. Elle ne fut pas plus remanquée par les adventistes que par leurs savants adversaires. Ces derniers disaient : « Votre calcul des périodes prophétiques est exact; un grand événement doit se produire; mais ce n'est pas ce que Miller annonce : c'est la conversion du monde, et non pas le retour du Christ. » (Voir Appendice a43)
La date passa, et Jésus-Christ ne vint pas apporter la délivrance aux fidèles qui, débordants de foi et d'amour, l'attendaient. Le désappointement fut amer, mais les desseins de Dieu s'accomplissaient : les sentiments de ceux qui n'avaient pas eu de mobile plus noble que la crainte avaient été révélés. Leur profession de foi n'avait changé ni leur coeur ni le cours de leur vie. Quand ils virent que l'événement attendu n'arrivait pas, ils déclarèrent qu'ils n'éprouvaient pas la moindre déception : ils n'avaient jamais cru au retour du Christ, et ils furent parmi les premiers à tourner en dérision la douleur des vrais croyants.
Mais Jésus et le ciel tout entier enveloppaient ceux-ci de leur amour et de leur sympathie. Si le voile qui sépare le monde visible du monde invisible avait été soulevé, on aurait vu les anges de Dieu se pencher sur ces âmes résolues pour les entourer et les protéger des traits enflammés de Satan.
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La Tragédie des Siècles
25 septembre 2005
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LUMIÈRES ET TÉNÈBRES
Une grande analogie caractérise les réformes qui, de siècle en siècle, jalonnent les progrès de l'oeuvre de Dieu. Étant donné que les voies divines sont immuables et que les mouvements importants du temps présent trouvent leur parallèle dans l'histoire, les péripéties de la vie de l'Église aux siècles passés nous offrent de précieux enseignements.
La Bible laisse clairement entendre que les hommes choisis par Dieu pour diriger les grands mouvements destinés à poursuivre son oeuvre de salut sur la terre sont tout spécialement placés sous la direction de son Esprit. Ces hommes ne sont que des instruments dont Dieu se sert en vue de la réalisation de ses desseins de miséricorde. Chacun d'eux a son role à jouer; chacun reçoit la mesure de lumière adaptée aux besoins de son temps et suffisante pour accomplir la tâche qui lui est confiée. Mais aucun de ces hommes, si honoré du ciel qu'il ait été, n'est parvenu à une parfaite intelligence du grand plan de la rédemption, ni même à une juste appréciation du dessein de Dieu pour son époque. L'homme ne peut comprendre parfaitement ce que Dieu se propose d'accomplir par le mandat qu'il lui confie, ni voir toute la portée du message dont il est le héraut.
« Prétends-tu sonder les pensées de Dieu, demande Job, parvenir à la connaissance parfaite du Tout-Puissant? » « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l'Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. » « Car je suis Dieu, et il n'y en a point d'autre, je suis Dieu et nul n'est semblable à moi. J'annonce dès le commencement ce qui doit arriver, et longtemps d'avance ce qui n'est pas encore accompli. (Job 11.7 Ésaïe 55.8,9 Ésaïe 46.9,10)
Les prophètes eux-mêmes, pourtant spécialement éclairés par le Saint-Esprit, ne voyaient pas toute la portée de leurs oracles. La signification de ceux-ci se dégagea peu à peu au cours des siècles, et cela seulement à mesure que les enfants de Dieu avaient besoin des enseignements qu'ils contenaient.
Ainsi, touchant le salut mis en évidence par l'Évangile, l'apôtre Pierre pouvait écrire : « Les prophètes... ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses, que vous ont annoncées maintenant ceux qui ont prêché l'Évangile. (1 Pierre 1.10-12)
Bien qu'il ne leur fût pas donné de comprendre pleinement les choses qui leur étaient révélées, les prophètes s'efforçaient néanmoins de saisir toutes les lumières que Dieu jugeait bon de leur communiquer, faisant « des recherches et des investigations » pour découvrir « l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit ». Quel magnifique enseignement se cache ici pour le peuple de Dieu vivant sous la dispensation évangélique et au bénéfice duquel ces prophéties furent données! « Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses. » Les voyez-vous, ces serviteurs de Dieu, scrutant diligemment des révélations destinées aux générations à venir? Comparez leur saint zèle avec l'indifférence que notre époque favorisée manifeste à l'égard du don céleste! Quelle censure à l'adresse des chrétiens insouciants et mondains qui se contentent de dire que les prophéties sont incompréhensibles!
Bien que l'esprit limité de l'homme soit insuffisant pour entrer dans les conseils de l'Infini ou pour en comprendre pleinement les desseins, il n'en est pas moins vrai que c'est souvent en raison de quelque erreur ou de quelque négligence de notre part que nous saisissons si imparfaitement les messages du ciel. Il arrive fréquemment que l'intelligence des gens, même des serviteurs de Dieu soit tellement obscurcie par les usages, les opinions courantes et les enseignements populaires, qu'ils ne perçoivent que partiellement les vérités révélées. Tel fut le cas des disciples de Jésus, alors même qu'il était personnellement avec eux. Imbus des conceptions courantes sur le Messie, ils attendaient un prince temporel qui porterait Israël à la tête de l'univers! De là leur incapacité de comprendre le Sauveur quand il leur parlait de ses souffrances et de sa mort.
Le message que Jésus lui-même leur avait confié : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous, et croyez à la bonne nouvelle » (Marc 1.15)
, était basé sur le livre de Daniel. Selon cette prophétie (Dan., ch. 9), le Messie, « l'oint », devait paraître à l'expiration des soixante-neuf semaines. Pleins d'espérance et de joie à la perspective du prochain établissement, à Jérusalem, d'un glorieux royaume messianique embrassant toute la terre, ils s'acquittèrent de la mission dont le Seigneur les avait chargés. Mais, aveuglés par l'erreur qu'ils caressaient depuis leur enfance, ils ne s'apercevaient pas que le texte de Daniel (9.25) annonçait, un verset suivant du même chapitre, que le Messie devait être « retranché ». Aussi, au moment où ils croyaient leur Maître sur le point de monter sur le trône de David, quelle ne fut pas leur déception de le voir arrêté comme un malfaiteur, battu de verges, tourné en dérision, condamné et suspendu sur la croix du Calvaire! De quelles angoisses et de quel désespoir leur coeur ne fut-il pas déchiré pendant les jours qu'il passa dans le sommeil de la tombe!
Et pourtant, Jésus était venu dans le monde à son heure et de la façon prédite. Chaque détail de son ministère avait marqué un accomplissement de la prophétie. Il avait annoncé le message du salut, et cela « avec puissance ». Ses auditeurs avaient été convaincus qu'il venait du ciel. Tant la Parole que l'Esprit de Dieu avaient attesté la divinité de sa mission.
Restés attachés à leur Maître bien-aimé par les liens d'un indéfectible amour, les disciples furent pourtant envahis par l'incertitude et le doute. Dans leur détresse, ils ne se rappelèrent pas les paroles du Maître relatives à ses souffrances et à sa mort. Si Jésus de Nazareth avait été le vrai Messie, seraient-ils maintenant acculés à ce douloureux échec? Cette question les torturait durant les pénibles heures du sabbat qui sépara la mort du Sauveur de sa résurrection.
Enveloppés par une obscurité impénétrable, les disciples ne furent cependant pas abandonnés au désespoir. Un prophète avait écrit : « Si je suis assis dans les ténèbres, l'Éternel sera ma lumière... Il me conduira à la lumière, et je contemplerai sa justice. » Même les ténèbres ne sont pas obscures pour toi, la nuit brille comme le jour, et les ténèbres comme la lumière. » Et Dieu avait dit : « La lumière se lève dans les ténèbres pour les hommes droits. » « Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu'ils ne connaissent pas, je les conduirai par des sentiers qu'ils ignorent; je changerai devant eux les ténèbres en lumière, et les endroits tortueux en plaine: voilà ce que je ferai, et je ne les abandonnerai point. » (Michée 7.8,9; Psaumes 139.12; 112.4; Ésaïe 42.16)
La proclamation faite par les apôtres au nom du Sauveur était exacte dans tous ses détails, et les événements annoncés étaient alors en voie d'accomplissement. « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche », tel avait été leur message. Le « temps » -- c'étaient les soixante-neuf semaines de Daniel 9 -- devait aboutir au « Messie », à « l'Oint », au « Conducteur ». Jésus avait été « oint » de l'Esprit lors de son baptême dans le Jourdain par Jean-Baptiste, et le royaume de Dieu, dont les apôtres avaient annoncé la proximité, fut établi par la mort du Sauveur. Mais ce royaume n'était pas, comme on le leur avait enseigné, une monarchie terrestre. Il ne s'agissait pas du rovaume, éternel qui sera fondé quand « le règne, la domination et la grandeur de tous les royaumes qui sont sous les cieux, seront donnés au peuple des saints du Très-Haut », de ce règne où « tous les dominateurs le serviront et lui obéiront » (Daniel 7.27) Dans les Écritures, l'expression « royaume de Dieu sert à désigner à la fois le royaume de grâce et le royaume de gloire. Le royaume de grâce est mentionné par saint Paul dans l'épître aux Hébreux. Après avoir appelé l'attention sur un Sauveur capable de « compatir à nos faiblesses », l'apôtre dit : « Approchons-nous donc avec assurance du trône de la grâce, afin d'obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour être secourus dans nos besoins. » (Hébreux 4.16) Or, un trône supposant nécessairement un royaume, le trône de la grâce représente le royaume de la grâce. Dans plusieurs de ses paraboles, le Sauveur se sert de l'expression « royaume des cieux » pour désigner l'oeuvre de la grâce divine dans les coeurs.
De même, le trône de la gloire représente le royaume de la gloire, et c'est à ce royaume que le Sauveur fait allusion quand il dit : « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. (Matthieu 25.31,32) Ce royaume est encore à venir, et ne sera établi qu'à la seconde venue de Jésus-Christ.
Le royaume de la grâce date de la chute de l'homme, époque où Dieu traça le plan de la rédemption d'une race coupable. Ce royaume a existé dès lors dans les desseins et en vertu des promesses de Dieu. Mais ce royaume dont on devenait sujet par la foi n'a été définitivement confirmé qu'à la mort du Sauveur. En effet, même après être entré dans son ministère terrestre, Jesus aurait pu, lassé de l'ingratitude et de l'obstination des hommes, reculer devant la croix du Calvaire. En Gethsémané, où la coupe amère trembla dans sa main, il aurait pu encore essuyer la sueur de sang ruisselant sur son front et laisser notre monde révolté périr dans ses iniquités. C'en eût été fait, alors, de la rédemption de l'humanité. C'est quand le Sauveur eut donné sa vie, lorsqu'il s'écria, en expirant : « Tout est accompli », que le pari de la rédemption fut définitivement assuré. La promesse du salut faite au couple désobéissant de l'Éden fut ratifiée, et le royaume de grâce, qui jusqu'alors n'existait qu'en vertu de la promesse de Dieu, était fondé.
Ainsi la mort du Sauveur, que les disciples envisageaient comme la ruine définitive de toutes leurs espérances, confirma au contraire celles-ci pour l'éternité. Si elle fut pour eux un cruel désappointement, elle prouva de façon péremptoire l'exactitude de leur croyance. L'événement qui les avait plongés dans le désespoir était celui-là même qui ouvrait à tous les fils d'Adam la porte de l'espérance, celui dont dépendaient la vie future et le bonheur éternel des fidèles de tous les siècles.
Les desseins issus d'une miséricorde infinie s'accomplissaient ainsi en dépit de la désillusion des disciples. Leurs coeurs avaient été gagnés par la grâce divine et par la puissance des enseignements de celui dont il pouvait être dit : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme »; néanmoins, à l'or pur de leur attachement pour Jésus se mêlait le vil alliage de visées mondaines et d'ambitions égoïstes. Dans la chambre haute où ils prenaient leur dernière Pâque, à l'heure solennelle où les ombres de Gethsémané s'étendaient déjà sur leur Maître, les disciples s'étaient querellés pour savoir « lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand » (Luc 22.24). Ils songeaient à un trône et à une couronne terrestres, alors que se préparaient l'agonie de Gethsémané et la croix du Calvaire.
Leur orgueil et leur soif de gloire terrestre, entretenant dans leurs coeurs les erreurs du temps, les avaient exposés à méconnaître les paroles du Sauveur sur la véritable nature de son royaume, et à oublier la prédiction de ses souffrances et de sa mort. Et ces erreurs avaient abouti à l'épreuve dure, mais nécessaire, qui les ramena dans la bonne voie. Quoique les disciples se fussent mépris sur le sens de leur message et eussent vu leur attente frustrée, ils avaient cependant prêché l'avertissement divin et le Seigneur allait honorer leur foi et récompenser leur obéissance. Aussi est-ce à eux que fut confiée la tâche de proclamer au monde entier la bonne nouvelle d'un Sauveur ressuscité. C'était pour les préparer à cette oeuvre que le Sauveur avait permis cette amère leçon.
Après sa résurrection, Jésus apparut sous l'aspect d'un étranger à deux de ses disciples sur le chemin d'Emmaüs. « Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait. » (Luc 24.27) Émus et émerveillés, ces deux disciples sentirent leur foi se ranimer avant même que Jésus se fût fait reconnaître d'eux. L'intention du Maître était d'éclairer leur entendement et d'asseoir leur foi sur « la parole des prophètes » qui est certaine. Il désirait que la vérité s'enracinât dans leur esprit, et cela moins en vertu de son témoignage personnel que grâce aux preuves incontestables fournies par les symboles et les ombres de la loi cérémonielle, comme aussi par les prophètes de l'Ancien Testament. Pour proclamer au monde la connaissance du Messie, il fallait que les disciples possédassent une foi intelligente. Or, comme sources de leur enseignement, Jésus leur cita « Moïse et les prophètes ». Tel fut le témoignage rendu par le Sauveur ressuscité à l'importance des Écritures de l'Ancien Testament.
Aussi, quel changement dans le coeur des disciples lorsqu'ils revirent le visage aimé de leur Maître! (Luc 24.32) Ils reconnurent en lui, plus distinctement qu'auparavant, « celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et dont les prophètes ont parlé ». L'incertitude, l'angoisse, le désespoir firent place à une parfaite assurance, à une foi sans nuage. Quoi d'étonnant si, après son ascension, ils étaient « constamment dans le temple, louant et bénissant Dieu »? Les gens qui ne connaissaient que la mort ignominieuse du Nazaréen s'attendaient à lire sur le visage de ses disciples l'expression de la douleur, de la confusion, de la défaite; ils y virent, au contraire, briller une joie triomphante.
Mais, aussi, par quelle préparation n'avaient-ils point passé! Ils avaient subi l'épreuve la plus douloureuse qu'il fût possible d'imaginer et avaient vu la Parole de Dieu s'accomplir glorieusement alors qu'à vues humaines tout semblait perdu. Dès lors, rien ne put ébranler leur foi, ni tempérer l'ardeur de leur amour. Dans les afflictions les plus amères, ils jouirent « d'un puissant encouragement » : leur espérance sera comme « une ancre de l'âme, sûre et solide » (Hébreux 6.18). Témoins de la sagesse et de la puissance de Dieu ils étaient assurés « que ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni les choses présentes ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur ni la profondeur, ni aucune autre créature » ne pouvaient les « séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ » leur Seigneur. « Dans toutes ces choses, s'écriaient-ils, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Romains 8.37-39). La Parole du Seigneur demeure éternellement. » (1 Pierre 1.25) « Qui nous condamnera? Christ est mort; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous! » (Romains 3.34)
« Mon peuple ne sera plus jamais dans la confusion, dit l'Éternel. » (Joël 2.26) « Le soir arrivent les pleurs, et le matin l'allégresse. » (Psaumes 30.6) Le jour de la résurrection, quand les disciples revirent leur Sauveur et écoutèrent ses paroles avec des transports de joie; quand ils contemplèrent cette tête, ces mains et ces pieds meurtris pour eux; quand, plus tard, Jésus les conduisit jusqu'à Béthanie et que, les mains levées sur eux dans un geste de bénédiction, il leur dit : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création » (Marc 16.15), « et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde » (Matthieu 28.20); quand, dix jours plus tard, le Consolateur descendit sur eux, les revêtant de la puissance d'en haut et leur donnant la sensation ineffable de la présence de Jésus, alors, pour rien au monde, ils n'auraient consenti à échanger le ministère de l'Évangile et la « couronne de justice » qui leur était réservée, contre le trône terrestre qu'ils avaient convoité dans les premiers temps de leur apostolat. « Celui qui peut faire... infiniment au-delà de tout ce que nous demandons et pensons », leur avait accordé, avec « la communion de ses souffrances », la communion de sa joie, celle de « conduire à la gloire beaucoup de fils », c'est-à-dire un « poids éternel de gloire », avec lequel les afflictions de l'heure présente ne peuvent soutenir aucune comparaison.
L'épreuve des disciples qui prêchèrent « l'Évangile du royaume » lors de la première venue du Seigneur, a eu sa contrepartie dans l'histoire des prédicateurs de sa seconde venue. Les apôtres avaient dit : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche. » De même, Miller et ses collaborateurs annonçaient que la dernière et la plus longue période prophétique des Écritures tirait à sa fin, que le jour du jugement était imminent et que le royaume éternel allait être établi. La prédication des premiers disciples touchant l'accomplissement des temps était basée sur les soixante-dix semaines de Daniel 9. Il en était de même du message de Miller et de ses associés, qui annonçait la fin de la période des deux mille trois cents jours de Daniel ( 8.14), dont les soixante-dix semaines faisaient partie. Chacun de ces deux messages était basé sur l'accomplissement d'une portion de la même grande période prophétique.
Comme les premiers disciples, Miller et ses collaborateurs ne comprirent pas exactement la portée du message qu'ils proclamaient. Des erreurs ayant cours depuis longtemps dans l'Éghise les empêchaient d'arriver à une interprétation correcte d'un point important de la prophétie. C'est pourquoi, bien qu'ils fissent entendre au monde le message que Dieu leur avait confié, ils subirent une déception.
En expliquant ces paroles de Daniel 8.14 : « Deux mille trois cents soirs et matins, puis le sanctuaire sera purifié », Miller, adoptant l'idée généralement admise que le sanctuaire était la terre, crut qu'il s'agissait de la purification de notre globe par le feu au jour de Dieu, et il en conclut que la fin des deux mille trois cents années coïncidait avec la seconde venue du Christ. Son erreur provenait de ce qu'il avait adopté une croyance populaire touchant le sanctuaire.
Dans le système mosaïque, qui était une ombre, un symbole du sacrifice et du sacerdoce de Jésus-Christ, la purification du sanctuaire était la dernière cérémonie accomplie par le souverain sacrificateur dans la série des services annuels. C'était l'oeuvre finale de l'expiation : l'enlèvement des péchés d'Israël. Elle préfigurait le dernier acte du ministère de notre souverain sacrificateur dans les cieux, alors qu'il enlèvera ou effacera les péchés de son peuple enregistrés dans les livres du ciel. Ce service, qui comporte l'instruction d'un jugement, précède immédiatement la venue du Christ sur les nuées du ciel, en puissance et en gloire. À ce moment, en effet, tous les cas auront fait l'objet d'une décision. Jésus dit : « Ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre. » (Apocalypse 22.12) Cette instruction du jugement, précédant immédiatement le retour du Christ, est appelée la « purification du sanctuaire » (Daniel 8.14); elle est annoncée dans le premier message d'Apocalypse 14 « Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue. »
Les hérauts du retour du Christ proclamèrent ce message au temps voulu. Mais il leur advint ce qui était arrivé aux apôtres lorsqu'ils disaient, en se basant sur Daniel 9 : « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu est proche », sans remarquer que le même passage annonçait la mort du Messie. Miller et ses collaborateurs prêchèrent un message base sur Daniel 8.14 et Apocalypse 14.7, sans s'apercevoir qu'on trouve, au même endroit, d'autres messages devant être proclamés avant le retour du Seigneur. De même que les disciples s'étaient mépris sur la nature du royaume qui devait s'établir à la fin des soixante-dix semaines, les adventistes se méprirent sur la nature de l'événement qui devait marquer l'expiration des deux mille trois cents jours. Dans l'un comme dans l'autre cas, la vérité fut voilée par une erreur populaire, mais la volonté de Dieu fut accomplie et son message proclamé. Dans les deux cas aussi, une compréhension imparfaite de leur message exposa les disciples à une méprise.
Mais Dieu poursuivait ses bienveillants desseins. Le grand jour étant à la porte, il permit que le monde fût éprouvé par l'annonce du retour du Christ à une date précise pour donner aux chrétiens l'occasion de prendre conscience de leur état spirituel. Le message avait pour but de les purifier en leur permettant de constater si leurs affections étaient placées sur le monde ou sur Jésus et les biens célestes. Ils professaient aimer le Sauveur : le moment était venu de le lui prouver. Étaient-ils prêts à renoncer à des espérances et à des ambitions mondaines pour accueillir leur Seigneur avec joie? Le message mettait l'Église en mesure de se rendre compte de son état spirituel. Dans sa miséricorde, Dieu le lui envoyait pour l'amener à le rechercher par la repentance et l'humiliation.
Ainsi, Dieu se proposait de faire concourir au bien de ses enfants le désappointement qui allait résulter d'un manque de compréhension de son message. Il devait être une pierre de touche pour ceux qui avaient déclaré recevoir l'avertissement divin. Allaient-ils brusquement abandonner leur profession de foi et renoncer à leur confiance en la Parole de Dieu, ou bien se mettraient-ils pieusement et humblement à l'étude pour voir quel détail de la prophétie ils n'avaient pas compris? Combien d'entre eux avaient cédé à la crainte, au sentiment ou à l'entraînement? Combien étaient indécis et seulement à moitié convaincus? Beaucoup de gens affirmaient aimer l'avènement du Seigneur. Les moqueries et le mépris du monde, l'erreur et la déception allaient-ils les faire renoncer à leur foi? Rejetteraient-ils des vérités évidentes de la Bible parce qu'ils n'avaient pas immédiatement compris les voies de Dieu à leur égard?
Cette épreuve devait révéler la force de caractère de ceux qui, animés par une foi sincère, avaient obéi à ce qu'ils croyaient être les enseignements de l'Esprit et de la Parole de Dieu. Seule une telle leçon pouvait leur montrer le danger que l'on court en acceptant les théories et les interprétations des hommes, au lieu de laisser les Écritures s'expliquer elles-mêmes. Les angoisses et les souffrances consécutives à leur erreur constituaient le correctif dont les vrais croyants avaient besoin. Elles allaient les amener à une étude plus attentive de la parole prophétique et leur montrer la nécessité d'examiner avec plus de soin les bases de leur foi et de repousser toute doctrine qui ne repose pas sur la Parole de vérité, quels que soient le nombre et la qualité de ses adhérents.
Pour ces croyants, comme pour les premiers disciples, ce qui paraissait mystérieux au moment de l'épreuve deviendrait évident par la suite. En voyant « la fin que le Seigneur » allait leur « accorder », ils apprendraient qu'en dépit des épreuves qu'ils s'étaient attirées par leur erreur, ses desseins ne s'étaient pas moins accomplis. Une heureuse expérience leur montrerait que le Sauveur est miséricordieux et compatissant et que « tous les sentiers de l'Éternel ne sont que bonté et fidélité pour ceux qui gardent son alliance et ses commandements ».
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Mais pourquoi les Églises montrèrent-elles une telle aversion pour la doctrine et la prédication du retour du Christ? Cet événement, cause de désolation et de malheur pour les méchants, est pour les justes une source d'espérance et de joie. Cette grande vérité a, de tout temps, fait la consolation des élus de Dieu; pourquoi, comme le Sauveur, était-elle devenue une « pierre d'achoppement, un rocher de scandale » pour ceux qui prétendaient constituer son Église? Le Seigneur lui-même n'avait-il pas fait à ses disciples cette promesse : Quand « je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi »? (Jean 14.3) N'était-ce pas un Sauveur compatissant, celui qui, prévoyant la solitude et la douleur de ses disciples, avait envoyé des anges pour les consoler par l'assurance de son retour personnel? Quand, au jour de l'ascension, les disciples avaient jeté un dernier regard éperdu sur celui qu'ils aimaient, n'avaient-ils pas entendu ces paroles : « Hommes Galiléens, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel? Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. » (Actes 1.11) Ce message de l'ange n'avait-il pas ranimé l'espérance des disciples et ceux-ci n'étaient-ils pas « retournés à Jérusalem avec une grande joie », « louant et bénissant continuellement Dieu dans le temple »? (Luc 24.52, 53)
La proclamation de la venue de Jésus devrait être aujourd'hui, comme elle le fut pour les bergers de la plaine de Bethléhem, un « sujet de grande joie ». Ceux qui aiment réellement le Sauveur ne peuvent s'empêcher d'acclamer le message divin annonçant le retour de celui en qui sont concentrées leurs espérances de vie éternelle; de celui qui revient, non plus pour être injurié, méprisé et rejeté, comme la première fois, mais en puissance et en gloire, pour racheter Son peuple. Seuls ceux qui ne l'aiment pas ne désirent pas Sa venue. L'animosité manifestée par les Églises à l'ouïe du message céleste était la preuve la plus évidente qu'elles s'étaient éloignées de Dieu.
Ceux qui acceptaient le message du retour du Christ voyaient la nécessité de s'humilier devant Dieu et de se convertir. Un grand nombre d'entre eux, qui avaient longtemps hésité entre le Christ et le monde, comprenaient que le temps était maintenant venu de prendre position. « Les choses éternelles devenaient pour eux une réalité vivante. Le ciel s'était rapproché, et ils se voyaient coupables devant Dieu. » (Bliss, ouv. cité, p. 146.) Les chrétiens sentaient naître en eux une vie spirituelle nouvelle. Ils avaient conscience de la brièveté du temps et de la nécessité d'en avertir promptement leurs semblables. L'éternité semblait s'ouvrir devant eux et leurs préoccupations terrestres s'estompaient. Ce qui se rapportait à leur bonheur ou à leur malheur éternel éclipsait à leurs yeux les choses temporelles. L'Esprit d'en haut reposant sur eux donnait une puissance particulière aux appels qu'ils dressaient à leurs frères et aux pécheurs pour les engager à se préparer en vue du jour de Dieu. Le témoignage silencieux de leur vie quotidienne était une censure constante à l'adresse des chrétiens formalistes. Ces derniers, ne désirant pas être troublés dans la poursuite des plaisirs, des richesses et des honneurs mondains, s'opposaient à la foi adventiste et à ceux qui la proclamaient.
Les arguments tirés des périodes prophétiques étant irréfutables, les contradicteurs en déconseillaient l'étude sous prétexte que les prophéties étaient scellées. Les protestants marchaient ainsi sur les brisées de Rome. Alors que l'église romaine prive le peuple des saintes Écritures, (Voir Appendice a39) les églises protestantes prétendaient qu'une portion considérable des écrits sacrés -- celle qui met en lumière les vérités relatives à notre temps -- était inintelligible.
Pasteurs et fidèles alléguaient que les livres de Daniel et de l'Apocalypse étaient mystérieux et impénétrables. Ils oubliaient que Jésus, invitant ses disciples à étudier le livre de Daniel pour s'instruire des événements relatifs à leur temps, leur adressait cette exhortation : « Que celui qui lit fasse attention! » (Matthieu 24.15) Quant à l'affirmation que l'Apocalypse est un mystère insondable, elle est contredite par le titre même du livre : « Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt... Heureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites! Car le temps est proche. » (Apocalyse 1.1, 3)
« Révélation » est la traduction du mot « Apocalypse ».
« Heureux celui qui lit! » dit le prophète. Cette bénédiction n'est donc pas pour les personnes qui se refusent à lire. Il ajoute : « Et ceux qui entendent ». Elle n'est pas non plus pour les personnes qui ne veulent pas entendre parler des prophéties. Le prophète dit encore : « Et qui gardent les choses qui y sont écrites ». Or, aucun de ceux qui ne veulent pas prendre garde aux avertissements et aux exhortations de l'Apocalypse ne peut se réclamer de la bénédiction promise. Tous ceux qui tournent ces sujets en dérision et se moquent des symboles inspirés des livres prophétiques; tous ceux qui refusent de changer de vie et de se préparer pour la venue du Fils de l'homme, renoncent au bonheur attaché à ces études.
En présence des affirmations qui précèdent, comment des hommes osent-ils prétendre que l'Apocalypse est un mystère au-dessus de la portée de l'intelligence humaine? C'est un mystère, oui, mais un mystère dévoilé; c'est un livre ouvert. L'étude de l'Apocalypse attire l'attention sur les prophéties de Daniel. Dans ces deux livres, Dieu donne à ses enfants des renseignements très importants touchant les événements qui doivent se produire à la fin de l'histoire du monde.
L'Apocalypse de saint Jean est la révélation de scènes d'un intérêt palpitant pour l'Église. Dans ce livre, l'apôtre décrit les dangers, les luttes et la délivrance finale du peuple de Dieu. Il y enregistre les messages ultimes qui doivent mûrir la moisson de la terre. Il y contemple tour à tour les fidèles, gerbes destinées aux greniers célestes, et les ennemis de Jésus-Christ, javelles réservées, au feu de la destruction. Des révélations d'une grande importance concernant tout spécialement l'Église de la fin lui ont été confiées, afin que ceux qui se détourneraient de l'erreur pour accepter la vérité fussent mis en garde contre les périls et les conflits qui les attendent. Nul n'en est réduit à ignorer ce qui doit arriver sur la terre.
Pourquoi cette partie importante des Écrits sacrés est-elle si peu connue? D'où vient cette répugnance générale à entreprendre l'étude de ses enseignements? C'est le fruit d'un effort calculé du prince des ténèbres pour cacher aux hommes ceux qui dévoilent ses pièges. Voilà pourquoi Jésus, auteur de cette Révélation, prévoyant la guerre qui serait faite à l'étude de l'Apocalypse, a prononcé une bénédiction sur « ceux qui la lisent, sur ceux qui l'entendent et sur ceux qui gardent les choses qui y sont écrites ».
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UN RÉFORMATEUR AMÉRICAIN
Pour lancer la proclamation du retour de Jésus-Christ, Dieu choisit un simple cultivateur, au coeur droit et loyal, qui en était venu à douter de l'autorité des Écritures, mais qui désirait sincèrement connaître la vérité. Né à Low Hampton, dans l'État de New York, en 1782, William Miller, comme bien d'autres réformateurs, avait passé sa jeunesse à l'école de la pauvreté où il avait puisé des leçons d'énergie et de renoncement. Les traits caractéristiques de sa famille, fortement marqués chez lui, étaient l'amour de l'indépendance et de la liberté, l'endurance et un ardent patriotisme. Son père avait été capitaine dans l'armée de la Révolution, et c'est aux sacrifices et aux souffrances qu'il avait consentis au cours de cette période orageuse, qu'il faut attribuer la pauvreté de la jeunesse de William.
En plus d'une constitution robuste, le jeune Miller posséda dès son enfance une intelligence sensiblement au-dessus de la moyenne. Sa soif de connaissance, son amour de l'étude, son esprit investigateur et son jugement pondéré, qui allèrent sans cesse en augmentant, suppléèrent largement à son manque d'études universitaires. D'une moralité irréprochable, il était estimé pour sa probité, son industrie et sa générosité. À force d'énergie et d'application, tout en conservant ses habitudes studieuses, il acquit de bonne heure une certaine aisance. Et comme il avait occupé avec honneur divers postes civils et militaires, l'accès à la fortune et aux dignités paraissaient lui être promis.
De sa mère, profondément pieuse, il reçut dans son jeune âge une empreinte qui devait s'atténuer lorsqu'il entra, plus tard, en relation avec des déistes, pour la plupart respectables, humains et généreux. Ceux-ci, élevés dans des institutions chrétiennes, et redevables à la Parole de Dieu du respect et de la confiance dont ils jouissaient, en étaient cependant venus à combattre la Bible. En leur compagnie, Miller avait fini par adopter leurs opinions. L'interprétation populaire des saintes Écritures présentait des difficultés qui lui paraissaient insurmontables. D'autre part, ses nouvelles croyances, qui faisaient table rase de l'Évangile, ne lui offraient rien de meilleur et ne lui donnaient aucune assurance de bonheur au-delà de la tombe. Aussi était-il loin d'en être satisfait et l'avenir lui paraissait-il enveloppé de sombres nuages. Miller était resté douze ans dans ces sentiments, quand, arrivé à l'âge de trente-quatre ans, il fut convaincu de péché par le Saint-Esprit. Voici comment il raconta plus tard les luttes morales qu'il affronta alors :
« La perspective de l'anéantissement avait pour moi quelque chose de lugubre et de glacial, tandis que celle d'un jugement futur équivalait à la perdition certaine de tous les hommes. Le ciel était d'airain au-dessus de ma tête, la terre de fer sous mes pas. Qu'était-ce que l'éternité? Pourquoi la mort régnait-elle? Plus je raisonnais, plus je voyais s'éloigner les solutions. Plus je réfléchissais, plus mes idées étaient confuses. Je tentai de n'y plus penser, mais je n'en étais pas capable. Aussi étais-je vraiment malheureux, mais sans savoir pourquoi. Je murmurais, mais sans savoir contre qui. Je discernais le mal, mais je ne savais ni où ni comment trouver le bien. J'étais désolé et désespéré. »
Miller demeura quelques mois dans cet état. « Soudain, dit-il, la pensée d'un Sauveur se présenta vivement à mon esprit. Il me sembla comprendre qu'il existait un Être assez bon et compatissant pour faire lui-même l'expiation de nos transgressions et porter la peine de nos péchés. Je sentis aussitôt combien un tel Être serait aimable, et il me parut que je pourrais sans hésitation me jeter dans ses bras et me confier en sa miséricorde. Constatant d'ailleurs qu'en dehors des saintes Écritures je ne trouverais aucune preuve ni de l'existence de ce Sauveur, ni de la vie à venir, j'en commençai l'étude.
» Voyant que les Écritures nous révèlent exactement le Sauveur dont j'avais besoin, je me demandai, avec un certain embarras, comment un livre non inspiré pouvait présenter des principes si bien adaptés aux besoins de l'homme déchu, et je fus obligé d'admettre que la Bible devait être inspirée de Dieu. Ce livre devint mes délices et Jésus, mon unique et meilleur ami, mon Sauveur, celui 'qui se distingue entre dix mille' Les saintes Écritures, qui auparavant me paraissaient obscures et contradictoires, furent désormais 'une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier'. Je trouvai le repos. Le Seigneur m'apparut comme un rocher au milieu de l'océan de la vie. Désormais, la Bible constitua ma principale étude, et je m'y consacrai avec délices. Convaincu qu'on ne m'avait jamais fait contempler la moitié de sa beauté et de sa gloire, je me demandais avec étonnement comment j'avais pu la rejeter. J'y trouvai la satisfaction de toutes les aspirations de mon coeur et un remède à toutes les maladies de mon âme. Perdant le goût de toute autre lecture, je m'appliquai désormais à rechercher en Dieu la sagesse dont mon coeur avait besoin. » (S. Bliss, memoirs of william Miller, p. 65-67) Miller fit une profession publique de sa foi en une religion qu'il avait méprisée. Ses amis incrédules ne se firent pas faute de lui servir tous les arguments qu'il avait lui-même souvent avancés contre l'autorité des saintes Écritures. Ne se trouvant pas alors en état de les réfuter, il se dit que si ce Livre est une révélation divine, il doit s'expliquer lui-même et être adapté à l'intelligence de l'homme. En conséquence, il prit la résolution de l'étudier par lui-même et de s'assurer si ces contradictions étaient réelles ou seulement apparentes.
S'efforçant d'abandonner toute idée préconçue et se passant de commentaires, il se mit à comparer les textes entre eux à l'aide des références marginales et d'une « concordance ». Commençant par la Genèse, il poursuivit méthodiquement cette étude, verset après verset, ne quittant un passage qu'après en avoir clairement saisi le sens. Quand un point lui paraissait obscur, il le comparait avec tous les passages pouvant avoir quelque rapport avec le sujet, mais en laissant à chaque mot son sens propre. Dès que son interprétation concordait avec tous les autres passages, il considérait la difficulté comme résolue. C'est ainsi qu'en présence d'un texte difficile à comprendre, il en trouvait l'intelligence dans un autre. À mesure qu'il avançait dans son étude, en demandant à Dieu avec ferveur de lui accorder Sa lumière, il constatait la véracité de cette parole du psalmiste : « La révélation de tes paroles éclaire; elle donne de l'intelligence aux simples. » (Psaumes 119.130)
L'intérêt de Miller s'accrut encore quand il aborda l'étude des livres de Daniel et de l'Apocalypse. En leur appliquant les mêmes principes d'interprétation qu'aux autres livres de l'Écriture, il ne tarda pas à découvrir, à sa grande joie, que les symboles prophétiques étaient intelligibles. Il vit que les prophéties s'accomplissaient littéralement et que toutes les figures, métaphores, paraboles et similitudes, si elles n'étaient pas expliquées dans le contexte, trouvaient ailleurs leur définition en termes propres. « Je pus me convaincre, remarque-t-il, que la Bible est un système de vérités si clairement révélées et si simplement exposées que l'homme craignant Dieu, fût-il un ignorant, ne peut s'y tromper. » (S.Bliss, ouv. cité, p. 70.) Alors qu'il suivait l'une après l'autre, à travers l'histoire, les grandes chaînes prophétiques, leurs accomplissements, se découvrant à ses yeux, venaient récompenser ses efforts. Les anges de Dieu dirigeaient son esprit et lui donnaient l'intelligence des Écritures.
En étudiant les prophéties dont l'accomplissement est encore futur, Miller ne tarda pas à être persuadé que l'idée populaire qui place avant la fin du monde un règne spirituel de Jésus-Christ connu sous le nom de « Millénium », n'est pas sanctionnée par l'Écriture. Cette doctrine d'une ère de mille ans de justice et de paix précédant le retour du Seigneur rejette naturellement bien loin dans l'avenir les terreurs du grand jour de Dieu. Mais, bien qu'elle soit séduisante, elle est en opposition avec les enseignements de Jésus-Christ et de ses apôtres, qui ont déclaré que le bon grain et l'ivraie doivent croître ensemble jusqu'à la moisson, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde, que « les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes »; que, « dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles », et que le royaume des ténèbres durera jusqu'à l'avènement du Seigneur, pour être alors « consumé par le souffle de sa bouche et détruit par l'éclat de son avènement ». (Matthieu 13.30, 38-41; 2 Timothée 3.13, 1; 2 Thessaloniciens 2.8)
L'Église apostolique n'a pas connu la doctrine de la conversion du monde et d'un règne spirituel du Christ avant son retour en gloire. Ce dogme n'a été adopté par les chrétiens que vers le commencement du XVIIIe siècle. Ses fruits, comme ceux de toutes les erreurs, ont été funestes. Reléguant le retour du Seigneur dans un avenir lointain, il a empêché beaucoup de croyants de prendre au sérieux les signes avant-coureurs de ce retour. Il tend à créer un sentiment de sécurité illusoire et conduit un grand nombre de gens à négliger la préparation exigée.
Miller vit que les Écritures enseignent formellement le retour personnel et visible de Jésus-Christ. Saint Paul écrit : « Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel. » Et le Sauveur déclare que « les tribus de la terre... verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. » « Car, comme l'éclair part de l'orient et se montre jusqu'en occident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme. » Il sera accompagné des armées célestes : « Le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges. » « Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus. » (1 Thessaloniciens 4.16; Matthieu 24.30, 27, 31; 25.31)
Alors les justes décédés ressusciteront et les justes vivants seront changés. « Nous ne mourrons pas tous, dit l'apôtre, mais tous nous serons changés, en un instant, en un clin d'oeil, à la dernière trompette. La trompette sonnera, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. » Dans son épître aux Thessaloniciens, après avoir décrit la venue du Seigneur, il ajoute : « Les morts en Christ ressusciteront premièrement. Ensuite, nous les vivants, qui serons restés, nous serons tous ensemble enlevés avec eux sur des nuées, à la rencontre, du Seigneur dans les airs, et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur. » (1 Corinthiens 15.51-53; 1 Thessaloniciens 4.16, 17)
Ce n'est qu'à la venue personnelle de Jésus que ses disciples recevront le royaume, comme le prouvent ces paroles du Sauveur : « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. Il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs; et il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. »
Dans les passages cités, Miller apprit qu'à la venue du Fils de l'homme, les morts ressusciteront incorruptibles, et que les vivants seront changés. En effet, comme le dit Paul : « La chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, ni la corruption hériter l'incorruptibilité. » (Mathieu 25.31-34; 1 Corinthiens 15.50) Il s'ensuit que nous n'y pouvons entrer dans notre état actuel. Voilà pourquoi, à Sa venue, Jésus confère l'immortalité à Ses élus et les met en possession d'un royaume qu'ils n'ont eu, jusqu'alors, qu'en espérance.
Ces passages et d'autres encore convainquirent Miller que des événements généralement placés avant la venue du Sauveur, tels qu'un règne universel de paix et l'établissement du règne de Dieu sur la terre, sont postérieurs à cette venue. D'ailleurs, tous les signes des temps et l'état du monde correspondaient à la description prophétique des derniers jours. Il résultait donc de la seule étude des Écritures à laquelle se livrait Miller, que le temps assigné à notre terre dans son état actuel touchait à sa fin.
« Une autre preuve qui fut pour moi d'un grand poids, écrivait-il, c'est la chronologie des Écritures.... Je découvris que des événements prédits et accomplis se sont souvent produits dans un temps déterminé. Ainsi, les cent vingt ans du déluge (Gen. 6.3); les sept jours qui devaient le précéder, de même que les quarante jours de pluie (Gen. 7.4); les quatre cents ans du séjour de la postérité d'Abraham en Égypte (Gen. 15.13); les trois jours de l'échanson et du panetier de Pharaon (Gen. 40.12-20); les sept années du songe de Pharaon (Gen. 41.28-54); les quarante années d'Israël au désert (Nom. 14.34); les trois années et demie de famine (1 Rois 17.1);... Les soixante-dix ans de captivité à Babylone (Jér. 25.11); les sept temps de Nébucadnetsar (Dan. 4.13-16) et les soixante-dix semaines accordées aux Juifs (Dan. 9.24-27). Tous les événements inclus dans ces diverses périodes se sont accomplis conformément à la prédiction. » (Bliss, ouv. cité, p. 74, 75.)
Aussi, lorsqu'en étudiant les Écritures Miller trouva des périodes dont il était convaincu qu'elles aboutissaient au retour du Seigneur, il ne put s'empêcher de les considérer comme marquant les « temps annoncés d'avance par la bouche de tous ses prophètes ». « Les choses cachées sont à l'Éterne1, notre Dieu; les choses révélées sont à nous et à nos enfants à perpétuité », avait dit Moïse. Et, par la plume d'Amos, le Seigneur déclare qu'il « ne fait rien sans avoir révélé son secret à ses serviteurs les prophètes ». (Actes 3.18; Deutéronome 29.29; Amos 3.7) Ceux qui étudient la Bible peuvent donc s'attendre à y trouver clairement signalé l'événement le plus important de l'histoire humaine.
« Pleinement convaincu comme je l'étais, écrit Miller, que toutes les Écritures inspirées de Dieu sont utiles; qu'elles ne sont pas le produit de la volonté de l'homme, mais que « c'est poussés par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu »; (2 Thessaloniciens 3.16; 2 Pierre 1.21) que, d'autre part, elles ont été écrites « pour notre instruction, afin que, par la patience, et par la consolation que donnent les Écritures, nous possédions l'espérance », (Romains 15.4) je ne pouvais m'empêcher d'accorder aux nombres et aux périodes prophétiques de la Bible la même attention qu'aux autres portions des livres saints. » (Bliss, ouv. cité, p. 75.)
La prophétie qui lui parut révéler le plus nettement le temps de la venue du Seigneur était celle du prophète Daniel (chapitre 8; verset 14) : « Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. » Prenant, suivant sa règle, les Écritures comme leur propre interprète, Miller apprit que, dans la prophétie symbolique, un jour représente une année, (Nombres 14.34; Ézéchiel 4.6), et qu'ainsi la période des deux mille trois cents jours prophétiques s'étendait bien au-delà de la fin de la dispensation judaïque et ne pouvait s'appliquer au sanctuaire de cette dispensation. Adoptant l'idée généralement reçue que notre terre était le sanctuaire de la dispensation chrétienne, Miller en conclut que la purification du sanctuaire prédite par Daniel n'était autre que l'embrasement de notre globe à l'apparition du Seigneur. Ensuite, il réfléchit que s'il lui était possible de déterminer le point de départ de la période des deux mille trois cents jours, rien ne serait plus aisé que de trouver la date du retour du Seigneur. Ainsi serait révélée l'heure du grand dénouement, celle où la société actuelle, « avec son orgueil et sa puissance, sa pompe et sa vanité, sa méchanceté et son oppression, prendra fin », l'heure où la terre sera enfin affranchie « de la malédiction sous le poids de laquelle elle gémit; où la mort sera détruite; où les serviteurs de Dieu recevront leur récompense, aussi bien que les prophètes et les saints et ceux qui craignent le nom de Dieu, et où seront détruits ceux qui détruisent la terre. » (Bliss, ouv. cité, p. 76.)
Poursuivant l'étude de cette prophétie avec un redoublement de ferveur, y consacrant non seulement ses journées, mais encore des nuits entières, il constata d'abord que le point de départ des deux mille trois cents soirs et matins ne se trouvait pas dans le huitième chapitre de Daniel. Bien que l'ange Gabriel eût reçu ordre d'expliquer la vision à Daniel, il ne s'était que partiellement acquitté de sa mission; devant le tableau des terribles persécutions qui attendaient l'Église, le prophète avait senti ses forces le trahir et n'avait pu en supporter davantage; l'ange l'avait donc quitté pour un temps. « Je fus plusieurs jours languissant et malade, raconte Daniel. J'étais étonné de la vision, et personne n'en eut connaissance. »
Cependant, l'ordre de Dieu à son messager subsistant : « Explique-lui la vision », l'ange, pour s'en acquitter, était retourné auprès de Daniel et l'avait abordé ainsi : « Je suis venu maintenant pour ouvrir ton intelligence... Sois attentif à la parole, et comprends la vision! » (Daniel 9.22-27 , vers. de l'abbé Crampon.) Et tout en reprenant son exposé, Gabriel avait spécialement insisté sur le point de la vision resté inexpliqué, soit la chronologie de la période des deux mille trois cents jours, en ces termes :
« Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte... Sache donc et comprends : Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un oint, un chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines; elle sera rétablie, places et enceintes, dans la détresse des temps. Et après soixante-deux semaines, un oint sera retranché, et personne pour lui... Il [ce chef] fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine; et, au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l'oblation. » (Daniel 9.22-27, vers. de l'abbé Crampon.)
L'ange avait été dépêché auprès de Daniel afin de lui faire comprendre la portion de la vision restée inintelligible au prophète : celle relative à la période prophétique (chap. 8.14) : « Deux mille trois cents soirs et matins; puis le sanctuaire sera purifié. » Aussi, après avoir dit à Daniel : « Sois attentif à la parole, et comprends la vision », les premiers mots de l'ange furent : « Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple et sur ta ville sainte. » Le verbe traduit ici par « déterminées » signifie littéralement « retranchées ». Or, soixante-dix semaines représentent quatre cent quatre-vingt-dix années. L'ange déclare donc que Cette période été « retranchée » et mise à part pour le peuple juif.
Mais « retranchée » de quoi? La période des deux mille trois cents soirs et matins étant seule mentionnée dans la vision, les soixante-dix semaines ne peuvent être « retranchées » que de celle-là; il s'ensuit que cette période de soixante-dix semaines fait partie des deux mille trois cents jours, et que les deux périodes ont le même point de départ. Or, l'ange annonce que « les soixante-dix semaines commenceront avec a la parole ordonnant de rétablir et de rebâtir Jérusalem ». Un seul point restait obscur. S'il était possible de déterminer la date de ce décret, se disait Miller, nous aurions donc trouvé le point de départ des deux mille trois cents soirs et matins.
Or, ce décret et cette date se lisent au septième chapitre d'Esdras, versets 12 à 26. Le décret fut promulgué par Artaxerxès, roi de Perse, en 457 avant notre ère. On lit également dans le même livre (6.14) que la maison de l'Éternel se construisit « d'après l'ordre du Dieu d'Israël, et d'après l'ordre de Cyrus, de Darius, et d'Artaxerxès ». En rédigeant, en confirmant et en complétant le décret, ces trois rois l'amenèrent à la perfection, requise par la prophétie pour lui permettre de marquer le commencement des deux mille trois cents ans. En prenant l'année 457 comme date de la promulgation du décret en question, on constata que tout ce qui devait marquer les soixante-dix semaines s'était réalisé. Le texte disait :
« Depuis la sortie d'une parole ordonnant de rebâtir Jérusalem jusqu'à un Oint, un Chef, il y a sept semaines, et soixante-deux semaines, soit soixante-neuf semaines prophétiques ou quatre cent quatre-vingt-trois ans. C'est en l'automne de l'année 457 que le décret d'Artaxerxès entra en vigueur. En ajoutant à cette date quatre cent quatre-vingt-trois ans, on arrive à l'automne de l'année 27 de notre ère, (Voir Appendice a36) et diagramme des périodes prophétiques.) où la prophétie fut accomplie. C'est en effet en l'automne de cette année 27 que Jésus reçut le baptême des mains de Jean-Baptiste et fut oint du Saint-Esprit. L'apôtre Pierre y fait allusion en disant : « Dieu a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth. » ( Actes 10.38 ) Et Jésus de même : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres. » Après son baptême, Jésus se rendit en Galilée, « prêchant l'Évangile de Dieu » et disant : « Le temps est accompli. » (Luc 4.18; Marc 1.14, 15; Mathieu 10.5, 6)
Le texte de Daniel continue : « Il fera une alliance ferme avec un grand nombre pendant une semaine. » La « semaine » ici mentionnée est la dernière des soixante-dix; elle constitue les sept dernières années de la période accordée aux Juifs. Pendant ce temps, soit de l'an 27 à l'an 34 de notre ère, Jésus, personnellement, puis par ses disciples, adressa tout spécialement aux Juifs l'invitation de prendre part au festin évangélique. Lorsqu'il envoya ses disciples porter l'Évangile, il leur donna cette recommandation : « N'allez pas vers les païens, et n'entrez pas dans les villes des Samaritains; allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël. » (Luc 4.18; Marc 1.14, 15; Mathieu 10.5,6)
« Et au milieu de la semaine, dit encore la prophétie, il fera cesser le sacrifice et l'oblation. » En l'an 31, trois années et demie après son baptême, Jésus fut crucifié. La tragédie du Calvaire mettait fin au système des sacrifices qui, durant quatre mille ans, avaient attiré l'attention sur l'agneau de Dieu. Le type avait trouvé son antitype. À partir des ce moment, tous les sacrifices et toutes les oblations du système mosaïque devaient cesser.
Les soixante-dix semaines, ou quatre cent quatre-vingt-dix ans, assignées aux Juifs ayant expiré en l'an 34 de notre ère, on constata qu'à ce moment précis, par la décision du sanhédrin, par le martyre d'Étienne et la persécution des chrétiens, la nation juive avait officiellement rejeté l'Évangile. Dès lors, le message du salut cessa d'être confiné aux Israélites et fut porté aux nations. Chassés par la persécution, les disciples « allaient de lieu, en lieu, annonçant la bonne nouvelle de la Parole ». Philippe, étant descendu en Samarie, « y prêcha le Christ ». Conduit par l'Esprit de Dieu, Pierre présenta l'Évangile au centenier de Césarée, le pieux Corneille; et l'ardent Paul, gagné à la foi chrétienne, fut appelé à porter la Bonne Nouvelle « au loin vers les nations ». (Actes 8.4, 5; 22.21)
Ainsi, tous les détails de la prophétie s'étaient remarquablement accomplis, établissant d'une façon incontestable que les soixante-dix semaines commençaient en 457 avant J.-C., et aboutissaient en 34 de notre ère. Désormais il était facile de trouver la date de l'expiration des deux mille trois cents jours. Les quatre cent quatre-vingt-dix jours qui constituent les soixante-dix semaines étant retranchés des deux mille trois cents, il restait mille huit cent dix jours. Or, en les faisant partir de l'année 34, ces mille huit cent dix années aboutissaient en 1844. Il s'ensuivait que les deux mille trois cents jours (années) de Daniel 8.14 se terminaient en 1844. Et, à l'expiration de cette grande période prophétique selon le témoignage de l'ange, « le sanctuaire devait être purifié ». Ainsi, l'année de la purification du sanctuaire -- que la plupart, des exégètes confondaient avec le retour du Seigneur -- était définitivement établie.
Miller et ses collaborateurs crurent d'abord que les deux mille trois cents jours se termineraient au printemps de l'année 1844, alors que, la prophétie indiquait l'automne de la même année. (Voir diagramme des périodes prophétiques, et Appendice a37) L'erreur commise sur ce point jeta dans le désappointement et la perplexité ceux qui avaient compté sur le retour du Seigneur à la première date. Mais cela laissait intact l'argument établissant que les deux mille trois cents soirs et matins se terminaient en 1844, et que le grand événement représenté par la purification du sanctuaire devait avoir lieu en cette année là.
En entreprenant l'étude des Écritures pour établir qu'elles étaient une révélation divine, Miller ne pensait pas aboutir à de pareilles conclusions. Il eut même de la peine à croire au résultat de ses recherches. Mais le témoignage des Écritures était trop clair, trop évident pour être rejeté.
Il se consacrait à l'étude de la Bible depuis deux ans quand il arriva, en 1818, à la conclusion solennelle que, dans le délai de vingt-cinq ans, le Christ reviendrait pour la rédemption de son peuple. « Je ne saurais dire, écrivait-il plus tard, la joie infinie qui remplit mon coeur à cette pensée et à la perspective inimaginable et glorieuse de participer à la joie des rachetés. Les Écritures étaient désormais, pour moi, un livre nouveau, un vrai festin de l'esprit. Tout ce qui m'avait paru obscur, mystérieux ou imprécis dans ses enseignements s'était dissipé à la lumière émanant de ses pages sacrées. De quel éclat, de quelle gloire je voyais briller la vérité! Toutes les contradictions et les inconséquences que j'avais auparavant rencontrées dans la Parole s'étaient évanouies; et quoiqu'elle renfermât encore bien des choses dont je n'étais pas certain de posséder une juste intelligence, tant de lumière avait jailli de ses pages pour dissiper les ténèbres de mon entendement, que je trouvais dans l'étude de l'Écriture des délices insoupçonnées. » (Bliss, ouv. cité, p. 76, 77.) Il ajoutait :
« Sous la solennelle impression que les événements prédits par les Écritures devaient se produire dans un laps de temps aussi court, je me demandai, non sans effroi, quels devoirs envers le monde m'imposaient les lumières, qui subjuguaient ma pensée. « Miller ne put se défendre de la conviction que son devoir était d'en faire part à d'autres. Il s'attendait à rencontrer de l'opposition de la part des impies; mais il était certain que tous les chrétiens se réjouiraient à la pensée de contempler bientôt le Sauveur qu'ils professaient aimer. Il craignait seulement que la perspective de la délivrance prochaine ne parût trop glorieuse et que plusieurs chrétiens ne se donnassent pas la peine de sonder les Écritures pour y asseoir leur foi. Il hésita donc à en parler. De peur d'être dans l'erreur et d'y entraîner ses semblables, il jugea prudent de revoir les preuves sur lesquelles il avait étayé ses conclusions et de peser à nouveau toutes les objections qui pourraient se présenter à son esprit. À la lumière de la Parole de Dieu, il vit ces objections se dissiper comme la brume matinale devant les rayons du soleil. Cinq années d'études le laissèrent absolument convaincu de l'exactitude de ses conclusions.
Et de nouveau, le devoir de faire connaître à d'autres ce qui lui paraissait clairement enseigné par la Bible se présenta vivement devant lui.
« Quand je vaquais à mes occupations, écrit-il, j'entendais une voix me répéter sans cesse : 'Avertis le monde du danger qu'il court.' Ce passage me revenait constamment à la mémoire : 'Quand je dis au méchant : Méchant, tu mourras! si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra dans son iniquité, et je te redemanderai son sang. Mais si tu avertis le méchant pour le détourner de sa voie, et qu'il ne s'en détourne pas, il mourra dans son iniquité, et toi tu sauveras ton âme.' (Ézéchiel 33.8, 9) Et je me disais que, si les méchants étaient sérieusement avertis, des foules d'entre eux se repentiraient; et que, s'ils n'étaient pas avertis, leur sang me serait redemandé. » ( Bliss, ouv. cité, p.92.)
Miller commença alors, selon que l'occasion lui en était offerte, à présenter ses vues en particulier, tout en demandant à Dieu d'en convaincre un pasteur qui pourrait consacrer sa vie à les diffuser. Mais il ne parvenait pas à se dérober à la conviction de son devoir personnel. Ces paroles étaient toujours présentes à son esprit : « Va en parler au monde; sinon je te redemanderai son sang. » Après avoir porté ce poids sur la conscience durant neuf ans, il se décida enfin, en 1831, à exprimer pour la première fois publiquement les raisons de sa foi.
De même qu'Élisée avait abandonné sa charrue pour revêtir le manteau du prophète, de même William Miller, appelé à quitter sa ferme, s'en alla, en tremblant, révéler au monde les mystères du royaume de Dieu. Il exposait à ses auditeurs, en détail, le lent accomplissement des chaînes prophétiques jusqu'à l'époque de l'avènement de Jésus-Christ. À chaque nouvelle tentative, ses forces et son courage augmentaient à la vue du vif intérêt suscité par ses paroles.
Ce n'avait été qu'à la sollicitation de ses frères, dont l'appel lui parut être la voix de Dieu, qu'il avait consenti à exposer publiquement ses convictions. Il avait alors cinquante ans. N'ayant jamais parlé en public, il se sentait comme écrasé par le sentiment de son incapacité. Mais, dès le début, son activité fut bénie et contribua au salut des âmes. Sa première conférence fut suivie d'un réveil au cours duquel treize familles, à l'exception de deux personnes, se convertirent. On lui demanda aussitôt de prendre la parole dans d'autres localités, et, presque partout où il portait ses pas, son travail était suivi d'un réveil spirituel. Des pécheurs se convertissaient; des chrétiens devenaient plus fervents; des déistes et des incrédules reconnaissaient la véracité des Écritures et de la religion chrétienne. On rendait de lui ce témoignage : « Il atteint une catégorie de personnes sur lesquelles d'autres, n'ont aucune prise. » (Bliss, ouv. cité, p. 138.) Ses prédications avaient pour effet d'attirer l'attention du public sur les choses de la religion et de réprimer la mondanité et la sensualité du siècle.
Dans chaque localité, ou à peu près, les convertis se comptaient par vingtaines, parfois par centaines. En bien des endroits, les églises protestantes de toutes tendances lui étaient grandes ouvertes et c'étaient généralement les pasteurs de ces églises qui l'invitaient. Sa règle invariable était de ne se rendre que là où il était invité. Néanmoins, il se trouva bientôt dans l'impossibilité de répondre ne fût-ce qu'à la moitié des appels qui lui étaient adressés.
Plusieurs de ceux qui n'acceptaient pas les théories de Miller touchant le temps exact du retour du Seigneur n'en avaient pas moins la conviction qu'il était proche et qu'il fallait s'y préparer. Dans quelques grandes villes, ses travaux firent une impression remarquable. Des cabaretiers abandonnèrent leur trafic et transformèrent leur débit en salle de réunions; des maisons de jeu fermèrent leurs portes; des incrédules, des déistes, des universalistes, des débauchés se réformèrent. Certains d'entre eux n'avaient pas mis les pieds dans un lieu de culte depuis des années. Dans quelques villes, les différentes églises organisèrent des réunions de prière dans tous les quartiers et presque à toute heure de la journée. Des hommes d'affaires se réunissaient à midi pour la prière et l'édification. Pas trace d'excitation, ni d'extravagance, mais partout un profond sérieux. L'oeuvre de Miller, comme celle des premiers réformateurs, tendait à éclairer les intelligences et à réveiller les consciences plutôt qu'à émouvoir.
En 1833, l'église baptiste, dont Miller était membre, lui donna une licence de prédicateur. En outre, un grand nombre de pasteurs de son Église approuvant ses travaux, c'est avec leur sanction explicite qu'il les poursuivit, tout en se bornant aux territoires de la Nouvelle-Angleterre et des États du centre. Pendant plusieurs années, il paya lui-même tous ses voyages et jamais, par la suite, ses frais de déplacement ne lui furent entièrement remboursés. Loin d'être lucrative, sa carrière publique greva lourdement ses ressources personnelles. Mais ses enfants étant sobres et industrieux, les revenus de sa ferme suffirent pour entretenir sa nombreuse famille et couvrir ses dépenses.
Le dernier des signes précurseurs du retour du Sauveur eut lieu en 1833, deux ans après que Miller eut commencé ses prédications. Jésus avait dit : « Les étoiles tomberont du ciel. » ( Matthieu 24.29) Et saint Jean, considérant les scènes annonciatrices du jour de Dieu, s'était écrié : « Et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsqu'un figuier secoué par un vent violent jette ses figues vertes. » (Apocalypse 6.13)
Cette prophétie fut accomplie d'une façon frappante par la pluie de météorites du 13 novembre 1833. C'est le plus merveilleux spectacle d'étoiles filantes dont l'histoire conserve le souvenir. « Dans toute l'étendue des États-Unis, le firmament semblait en mouvement. Aucun phénomène céleste ne s'est jamais produit dans ce pays, depuis son occupation par les Blancs, qui ait été contemplé avec autant d'admiration par une partie des habitants et avec autant de crainte et de frayeur par l'autre. La sublimité et la grandeur de cette scène vivent encore dans le souvenir de bien des personnes. Jamais la pluie ne tomba plus dru que ces météores. Il en était de même à l'orient, à l'occident, au nord et au midi. En un mot, le ciel entier semblait en mouvement.... Ce spectacle, tel que le professeur Silliman le décrit dans son journal, fut visible dans toute l'Amérique du Nord.... Depuis deux heures du matin jusqu'au grand jour, le firmament étant sans nuages, on put contempler dans toutes les parties du ciel une gerbe incessante de traînées lumineuses. » (R. M. Devens, Americain Progress or the Great Events of the Greatest Century, chap. 28, part. 1-5.)
« La plume est impuissante à décrire la splendeur de ce spectacle.... Celui qui ne l'a pas vu ne peut s'en faire la moindre idée. Il semblait que toutes les étoiles du ciel se fussent donné rendez-vous vers un point voisin du zénith, d'où elles s'élançaient avec la rapidité de l'éclair dans toutes les directions de l'horizon; et pourtant, la provision ne s'en épuisait point; à des milliers de météores en succédaient d'autres milliers, comme s'ils eussent été créés pour l'occasion. » (F. Read, dans le Christian Advocate and Journal, 13 dec. 1833.) « Impossible de mieux représenter ce phénomène que par l'image d'un figuier qui, sous l'action d'un vent puissant, jette au loin ses figues encore vertes. » (Portland evening Advertiser, 26 nov. 1833.)
Le journal of Commerce, de New York, du 14 novembre, consacrait à l'événement un long article dont nous extrayons ce qui suit : « Je ne crois pas que jamais philosophe, ni savant ait décrit ou enregistré un phénomène du genre de celui dont nous avons été témoins la nuit dernière et ce matin. Il y a dix-huit siècles, un prophète en avait donné une exacte prédiction, ce dont chacun peut se rendre compte s'il consent à admettre qu'une chute d'étoiles c'est une chute d'étoiles... dans le seul sens où la chose soit littéralement possible. »
Ainsi s'accomplit le dernier signe avant-coureur du retour du Seigneur, au sujet duquel Jésus avait dit à ses disciples : « Quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l'homme est proche, à la porte. » (Matthieu 24.33) Après ces signes, l'exilé de Patmos vit le ciel se replier « comme un livre qu'on roule », tandis que la terre tremblait, que les montagnes et les îles étaient remuées de leur place, et que les méchants, terrifiés, s'enfuyaient devant le Fils de l'homme. " (Voir Apocalypse 6.12-17)
Un grand nombre de ceux qui assistèrent à cette chute d'étoiles la considérèrent comme un signe annonciateur du jugement à venir, comme « un symbole solennel, un précurseur certain, un signe miséricordieux du jour grand et redoutable ». L'attention des populations fut ainsi attirée sur l'accomplissement des prophéties, et beaucoup de personnes en vinrent à prêter l'oreille aux prédications relatives à la seconde venue du Seigneur.
En 1840, un autre accomplissement des prophéties provoqua le plus vif intérêt. Deux ans auparavant, Josiah Litch, l'un des principaux hérauts du retour du Christ, avait publié une explication du neuvième chapitre de l'Apocalypse où est prédite la chute de l'empire ottoman. Selon ses calculs, cette puissance devait être renversée en août 1840. Quelques jours avant cette date, il écrivait encore : « En admettant que la première période, celle de cent cinquante ans, se soit accomplie exactement avant l'accession au trône de Dragasès muni de l'autorisation des Turcs, et que les trois cent quatre-vingt-onze ans et quinze jours aient commencé à la fin de cette première période, elle finirait le 11 août 1840, date à laquelle on peut s'attendre à la chute de l'empire ottoman à Constantinople. Or, je crois que ce Sera réellement le cas. » ( Josiah Litch, dans les Signs of the Tintes and Expositor of Prophecy, 1er août 1840. Le neuvième chapitre de l'Apocalypse donne à la cinquième trompette une durée de cinq mois ou 150 jours, et à la sixième, une durée de 391 jours et une demi-heure. Ces deux périodes -- selon la régie d'un jour pour un an -- représentent respectivement 150 ans et 391 ans et 15 jours.)
À l'époque spécifiée, la Turquie, par ses ambassadeurs, acceptait la protection des puissances européennes, et se plaçait ainsi sous la tutelle des nations chrétiennes. Cet événement accomplissait exactement la prédiction. (Voir Appendice a38) Quand la chose fut connue, des foules furent convaincues de l'exactitude des principes d'interprétation adoptés par Miller et ses collaborateurs, ce qui donna au mouvement adventiste une impulsion merveilleuse. Des hommes instruits et influents s'unirent à Miller pour prêcher et publier ses convictions. Aussi, de 1840 à 1844, l'oeuvre fit-elle de rapides progrès.
Aux remarquables facultés intellectuelles de William Miller; facultés fortifiées par la méditation et l'étude, s'ajoutait la sagesse d'en haut, à laquelle il puisait constamment. Sa valeur morale ne pouvait, que s'imposer à l'estime et au respect de tous ceux qui savaient apprécier la probité de sa vie et l'excellence de son caractère. Unissant la bonté et l'humilité chrétienne à la douceur, il était prévenant et affable envers chacun, prêt à écouter les opinions adverses et à en peser les arguments. Sans vivacité ni impatience, il soumettait toutes les théories et toutes les doctrines à l'épreuve de la Parole de Dieu, et son raisonnement sain, joint à une connaissance approfondie des Écritures, le rendait capable de réfuter l'erreur et de démasquer la fraude.
Mais ce ne fut pas sans une violente opposition qu'il poursuivit sa tâche. Comme tous les, réformateurs religieux, il vit les vérités qu'il annonçait repoussées par les ministres populaires. Faute de pouvoir soutenir leurs positions par les Écritures, ils en appelaient aux doctrines des hommes et à la tradition des Pères. Alors que les prédicateurs du retour du Christ ne reconnaissaient comme seule autorité que « l'Écriture et l'Écriture seule », ils avaient recours au ridicule et à la moquerie, prodiguant leur temps, leur argent et leur énergie pour décrier des gens dont le seul crime était d'attendre avec joie le retour du Sauveur, de s'efforcer de vivre saintement et d'exhorter leur entourage à se préparer à la rencontre de leur Dieu.
De grands efforts étaient tentés pour détourner l'attention du public de la question de l'avènement du Seigneur. On faisait passer pour un péché, pour une action répréhensible le fait d'étudier les prophéties relatives à la fin du monde, ne craignant pas de saper ainsi la foi en la Parole de Dieu. L'enseignement des prédicateurs populaires faisait des incrédules, et beaucoup de gens en prenaient occasion pour marcher selon leurs convoitises charnelles, résultat que les auteurs du mal mettaient sur le compte des adventistes. (Du latin adventus, arrivée.)
Bien que Miller attirât des foules d'auditeurs intelligents et attentifs, son nom était rarement mentionné par la presse religieuse, sauf pour le tourner en dérision et mettre les lecteurs en garde contre lui. Enhardis par l'attitude des conducteurs religieux, les indifférents et les impies recouraient à des épithètes injurieuses et à de vulgaires quolibets pour attirer le mépris sur sa personne et sur son oeuvre. Ce vieillard à cheveux blancs, qui avait quitté une demeure confortable pour aller de ville en ville annoncer le fait solennel de la proximité du jugement, était dénoncé comme un fanatique, un menteur, un imposteur.
Le ridicule, le dédain et le mensonge, qu'on accumulait sur la tête de Miller provoquèrent parfois des protestations indignées de la part de la presse quotidienne. « Traiter avec légèreté et en termes irrévérencieux un sujet d'une telle majesté et aux conséquences incalculables », disaient des mondains, « ce n'est pas seulement bafouer les sentiments de ses propagateurs, c'est tourner en dérision le jour du jugement, se moquer de la Divinité elle-même et anéantir les terreurs de son tribunal. » (Bliss, ouv. cité, p. 183)
L'instigateur de tout mal ne s'efforçait pas seulement de neutraliser l'effet du message adventiste, mais de détruire le messager lui-même. Miller appliquait le tranchant de l'Écriture au coeur de ses auditeurs, censurant leurs péchés et troublant leur paix; ses paroles claires et pénétrantes provoquaient leur colère. Des gens sans aveu résolurent un jour de le tuer à la sortie d'une réunion. Mais, dans la foule, il y avait des anges; l'un d'eux, qui avait revêtu une forme humaine, prit le serviteur de Dieu par le bras, et l'emmena sain et sauf loin de la populace irritée. La tâche de Miller n'était pas achevée; Satan et ses émissaires furent désappointés.
En dépit de toute opposition, l'intérêt éveillé par le message du retour du Christ allait croissant. Les auditeurs ne se comptèrent plus par vingtaines ou par centaines, mais par milliers. Après les réunions, les églises avaient enregistré un grand nombre de nouveaux membres; mais ces néophytes ne tardèrent pas à être eux-mêmes en butte à l'opposition. Les églises commencèrent à prendre à leur égard des mesures disciplinaires. Miller adressa alors une lettre ouverte aux chrétiens de toutes les confessions, les mettant en demeure, si ses enseignements étaient erronés, de le lui prouver par les Écritures.
« Que croyons-nous, disait-il, que nous n'ayons pas tiré directement de la Parole de Dieu que vous reconnaissez vous-mêmes comme unique règle de foi et de vie? Que faisons-nous qui mérite une si violente condamnation de la part des Églises et de la presse, et qui vous autorise à nous exclure de votre communion?... Si nous sommes sur une mauvaise voie, je vous supplie de nous dire en quoi nous avons tort. Montrez-nous par la Parole de Dieu quelle est notre erreur. Vous nous avez assez abreuvés de ridicule; jamais cela ne nous convaincra que nous faisons fausse route; seule la Parole de Dieu pourra changer notre manière de voir, car c'est avec calme et avec prière, en nous basant sur les saintes Écritures, que nous sommes parvenus à nos conclusions. » (Bliss, ouv. cité, p.250,252.)
De siècle en siècle, les avertissements du Seigneur ont tous eu le même sort. Lorsque Dieu eut résolu de faire venir le déluge sur l'ancien monde, il en avertit les habitants et leur donna l'occasion de se détourner de leurs péchés. Pendant cent vingt ans, l'avertissement retentit aux oreilles des pécheurs, les exhortant à se convertir et à échapper à la colère de Dieu. Mais ce message leur parut un conte, et nul n'y prit garde. Enhardis dans leur méchanceté, les antédiluviens se moquèrent du messager de Dieu, ridiculisèrent ses appels et l'accusèrent même de présomption. Comment un homme seul osait-il s'opposer à tous les sages de la terre? Si le message de Noé était vrai, pourquoi tout le monde ne le recevait-il pas? Et ils se refusèrent à croire le message et à chercher un refuge dans l'arche du salut.
Ces moqueurs prenaient à témoin la nature : la succession invariable des saisons, la voûte azurée qui n'avait jamais laissé tomber une goutte de pluie, les prairies verdoyantes fertilisées par les douces rosées de la nuit. Et après avoir déclaré avec mépris que le prédicateur de la justice n'était qu‘un exalté, ils allaient leur chemin, plus que jamais absorbés dans la recherche des plaisirs et décidés à marcher dans la voie du mal. Mais leur incrédulité n'empêcha pas l'événement prédit d'arriver. Dieu avait longtemps supporté leur méchanceté; il leur avait donné suffisamment de temps pour se repentir. Aussi, au temps fixé, ses jugements s'abattirent-ils sur les contempteurs de sa miséricorde.
Jésus déclare que le monde fera, preuve d'une incrédulité analogue au sujet de son retour. Comme les contemporains de Noé « ne se doutèrent de rien, jusqu'à ce que le déluge vînt et les emportât tous, il en sera de même à l'avènement du Fils de l'homme ». (Matthieu 24.39) Ceux qui se disent le peuple de Dieu s'uniront au monde, vivront de Sa vie, participeront avec lui aux plaisirs défendus, au luxe et à l'apparat; les cloches nuptiales tinteront gaiement, et le monde entier comptera sur des années de prospérité. Alors, aussi soudainement que l'éclair déchire la nue, viendra la fin de leurs visions enchanteresses et de leurs fallacieuses espérances.
De même que Dieu avait envoyé le serviteur de son choix pour avertir le monde de l'approche du déluge, il envoya ses messagers pour faire connaître l'approche du jugement. Et les moqueurs, qui n'avaient pas fait défaut parmi les contemporains de Noé, ne manquèrent pas non plus aux jours de Miller, même parmi ceux qui prétendaient être le peuple de Dieu.
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La Tragédie des Siècles
25 septembre 2005
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LES PRÉCURSEURS DU MATIN
Une des vérités les plus glorieuses et les plus solennelles du christianisme est celle qui annonce une seconde venue de Jésus-Christ pour achever la grande oeuvre de la rédemption. Pour les enfants de Dieu, pèlerins séculaires de « la vallée de l'ombre de la mort », la certitude que celui qui est « la résurrection et la vie » va revenir pour les emmener avec lui dans la « maison du Père », est une perspective ineffable. La doctrine du second avènement est la clé de voûte des Écritures. Dès le jour où nos premiers parents ont eu le malheur de se voir exilés de l'Éden, les vrais croyants ont eu les regards fixés sur Celui qui doit venir briser la puissance de l'ennemi et les réintroduire dans le paradis perdu.
Les hommes pieux des siècles passés ont vu dans la venue du Messie en gloire la consommation de leurs espérances. Énoch, le septième homme depuis Adam, « qui marcha avec Dieu trois cents ans », put contempler de loin la venue du Libérateur. « Voici, dit-il, le Seigneur est venu avec ses saintes myriades, pour exercer un jugement contre tous, et pour faire rendre compte à tous les impies parmi eux de tous les actes d'impiété qu'ils ont commis et de toutes les paroles injurieuses qu'ont proférées contre lui des pécheurs impies. » (Jude 14, 15) Le patriarche Job, dans la nuit de son affliction, s'écrie en accents d'une foi inébranlable : « Mais je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'il se lèvera le dernier sur la terre... Quand je n'aurai plus de chair, je verrai Dieu... Mes yeux le verront et non ceux d'un autre. » (Job 19.25-27)
La venue du Seigneur pour instaurer le règne de la justice a inspiré les exclamations les plus enthousiastes des écrivains sacrés. Les poètes et les prophètes de la Bible en ont parlé en stances inspirées. Le psalmiste a chanté la puissance et la majesté du Roi d'Israël : « De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit. Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence;... il crie vers les cieux en haut, et vers la terre, pour juger son peuple. » « Que les cieux se réjouissent, et que la terre soit dans l'allégresse... devant l'Éternel! Car il vient, car il vient pour juger la terre; il jugera le monde avec justice, et les peuples selon sa fidélité. » (Psaumes 50.2-4; 96.11, 13)
Le prophète Ésaïe s'écrie : « Réveillez-vous et tressaillez de joie, habitants de la poussière; car ta rosée est une rosée vivifiante, et la terre redonnera le jour aux ombres.... Il anéantit la mort pour toujours; le Seigneur, l'Éternel, essuie les larmes de tous les visages, il fait disparaître de toute la terre l'opprobre de son peuple; car l'Éternel a parlé. En ce jour l'on dira : Voici, c'est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c'est lui qui nous sauve; c'est l'Éternel, en qui nous avons confiance; soyons dans l'allégresse, et réjouissons-nous de son salut! » (Ésaïe 26.19; 25.8, 9)
Émerveillé, Habakuk assiste, dans une vision céleste, au retour de Jésus-Christ : « Dieu vient de Théman, le Saint vient de la montagne de Paran.... Sa majesté couvre les cieux, et sa gloire remplit la terre. C'est comme l'éclat de la lumière; des rayons partent de sa main; là réside sa force... Il s'arrête, et de l'oeil il mesure la terre; il regarde, et il fait trembler les nations; les montagnes éternelles se brisent, les collines antiques s'abaissent; les sentiers d'autrefois s'ouvrent devant lui... Tu es monté sur tes chevaux, sur ton char de victoire... À ton aspect, les montagnes tremblent;... l'abîme fait entendre sa voix, il lève ses mains en haut. Le soleil et la lune s'arrêtent dans leur demeure, à la lumière de tes flèches qui partent, à la clarté de ta lance qui brille... Tu sors pour délivrer ton peuple, pour délivrer ton oint. » (Habakuk 3.3-13)
Sur le point de quitter ses disciples, le Seigneur les console par l'assurance de Son retour : « Que votre coeur ne se trouble point... Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père... Je vais vous préparer une place. Et, lorsque je m'en serai allé, et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai, et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis vous y soyez aussi. » « Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa gloire, avec tous les anges, il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Toutes les nations seront assemblées devant lui. » (Jean 14.1-3; Matthieu 25.31, 32)
Les anges restés sur la montagne des Oliviers après l'ascension du Sauveur réitèrent aux disciples la promesse de son retour : « Ce Jésus, qui a été enlevé au ciel du milieu de vous, viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. » Et l'apôtre Paul, sous l'inspiration de l'Esprit, écrit aux Thessaloniciens : « Car le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d'un archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel. » Le voyant de Patmos écrit : « Voici, il vient avec les nuées. Et tout oeil le verra. » (Actes 1.11; 1 Thessaloniciens 4.16; Apocalypse 1.7)
C'est autour de cette venue que resplendit la gloire du « rétablissement de toutes choses, dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes «. À ce moment-la prendra fin le long règne du péché, « le royaume du monde sera remis à notre Seigneur et à son Christ; et il régnera aux siècles des siècles ». « Alors la gloire de l'Éternel sera révélée, et au même instant toute chair la verra. » « Ainsi le Seigneur, l'Éternel, fera germer le salut et la louange, en présence de toutes les nations. » « En ce jour, l'Éternel des armées sera une couronne éclatante et une parure magnifique pour le reste de son peuple. » (Actes 3.21; Apocalypse 11.15; Ésaïe 40.5; 61.11; 28.5)
C'est alors que le règne messianique de la paix, règne si longtemps attendu, sera établi « sous tous les cieux ». « Ainsi l'Éternel a pitié de Sion, il a pitié de toutes ses ruines; il rendra son désert semblable à un Éden, et sa terre aride à un jardin de l'Éternel. » « La gloire du Liban lui sera donnée, la magnificence du Carmel et de Saron. » « On ne te nommera plus délaissée, on ne nommera plus ta terre désolation; mais on t'appellera mon plaisir en elle, et l'on appellera ta terre épouse... Comme un jeune homme s'unit à une vierge, ainsi tes fils s'uniront à toi; et comme la fiancée fait la joie de son fiancé, ainsi tu feras la joie de ton Dieu. » (Ésaïe 51.3; 35.2; 62.4, 5)
De tout temps, la venue du Seigneur a été l'espérance de ses disciples. Cette dernière promesse au Sauveur, faite du haut de la montagne des Oliviers : « Je reviendrai », a illuminé leur avenir et rempli leurs coeurs d'un bonheur que les tristesses et les épreuves n'ont pu ni éteindre ni atténuer. Au milieu des souffrances et des persécutions, cette perspective « de la gloire du grand Dieu et de notre Seigneur Jésus-Christ » est restée « la bienheureuse espérance » de l'Église fidèle. Quand les Thessaloniciens pleuraient la perte d'êtres chers qu'ils avaient espéré conserver jusqu'au retour du Seigneur, l'apôtre Paul les consolait en leur parlant de la résurrection qui accompagnera ce retour. Alors, ceux qui sont morts dans la foi au Sauveur se réveilleront et seront enlevés avec les vivants, dans les airs, pour aller à la rencontre du Seigneur; et « ainsi, ajoute-t-il, nous serons toujours avec le Seigneur. Consolez-vous donc les uns les autres par ces paroles. » (1 Thessaloniciens 4.16-18)
Sur les rochers désolés de Patmos, le « disciple que Jésus aimait » entend cette promesse : « Je viens bientôt », et sa réponse ardente exprime la prière séculaire de l'Église : « Amen! Viens Seigneur Jésus! » (Apocalypse 22.20)
Du fond des prisons, du haut des bûchers et des échafauds où les saints et les martyrs ont rendu témoignage à la vérité, nous parvient à travers les siècles ce même cri de foi et d'espérance. « Certains de la résurrection de Jésus et par conséquent de la leur, lors de sa venue, dit un de ces chrétiens, ils triomphaient de la mort. » Ils consentaient volontiers à descendre dans la tombe, puisqu'ils devaient en ressortir affranchis. Ils attendaient le retour du Seigneur dans les nuées, entouré de la gloire du Père, et venant inaugurer « les jours du royaume ». Les Vaudois se nourrissaient de la même foi. Wiclef considérait l'apparition du Rédempteur comme l'espérance de l'Église.
Luther disait : « Je suis persuadé qu'il ne s'écoulera pas trois siècles avant le jour du jugement. Dieu ne supportera pas, ne pourra pas supporter ce monde impie plus longtemps.... Le grand jour approche où le règne des abominations prendra fin. »
« Ce vieux monde touche à sa fin », disait Mélanchthon. Calvin exhortait les chrétiens à ne pas hésiter de désirer avec ardeur le jour de la venue de Jésus-Christ comme l'événement, pour eux, le plus heureux ». Il ajoutait : « Que toute la famille des fidèles ait les yeux fixés sur ce jour... Il faut soupirer après le Christ, le rechercher, le contempler jusqu'à l'aube du grand jour où le Seigneur manifestera pleinement son royaume. »
« Notre Seigneur Jésus-Christ n'a-t-il pas transporté notre chair dans les cieux? » dit Knox, le réformateur de l'Écosse, « et ne reviendra-t-il pas? Nous savons qu'il reviendra, et qu'il ne tardera pas. » Ridley et Latimer, qui donnèrent leur vie pour la vérité, attendaient avec foi le retour du Seigneur, Ridley écrivait : « Je puis le dire sans le moindre doute : le monde tire à sa fin. Avec Jean, disons de tout notre coeur : 'Viens, Seigneur Jésus!' »
« La pensée du retour du Seigneur, disait Baxter, m'est des plus douces et des plus précieuses. » « C'est l'oeuvre de la foi et la caractéristique des saints d'aimer son apparition et d'attendre la réalisation de la bienheureuse espérance. » « La mort étant le dernier ennemi qui sera détruit à la résurrection, apprenons quelle doit être la ferveur de nos prières pour hâter la seconde venue du Seigneur qui nous apportera cette victoire définitive... C'est le jour sur lequel tous les croyants doivent compter, que tous doivent attendre, après lequel ils doivent tous soupirer; car il sera l'achèvement de leur rédemption, le couronnement des aspirations de leur âme... Seigneur, hâte cet heureux jour! » Telle était l'espérance de l'Église apostolique, celle de « l'Église du désert » et celle des réformateurs.
La prophétie ne nous dit pas seulement le mode et l'objet de la venue du Seigneur; elle nous donne les signes annonciateurs de sa proximité. « Il y aura, dit Jésus, des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. » « Le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances qui sont dans les cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venant sur les nuées avec une grande puissance et avec gloire. » Les premiers signes précurseurs du retour du Seigneur sont mentionnés comme suit par le voyant de Patmos : « Il y eut un grand tremblement de terre, le soleil devint noir comme un sac de crin, la lune entière devint comme du sang. » (Luc 21.25; Marc 13.24-26; Apocalypse 6.12)
Ces signes apparurent avant le commencement du dix-neuvième siècle. Conformément à cette prophétie, eut lieu, en 1755, le tremblement de terre le plus destructeur que l'histoire ait enregistré. Quoique connu sous le nom de « tremblement de terre de Lisbonne », il secoua une partie considérable de l'Europe, de l'Afrique et de l'Amérique. Il fut ressenti au Groenland, aux Antilles, à l'île Madère, en Norvège, en Suède, en Angleterre et en Irlande, soit sur une étendue de plus de six millions de kilomètres carrés. En Afrique, il fut presque aussi violent qu'en Europe. La ville d'Alger fut en grande partie détruite; au Maroc, un village de huit à dix mille habitants disparut. Un terrible raz-de-marée submergea les côtes d'Espagne et d'Afrique, envahit des villes et occasionna des dégâts énormes.
« C'est en Espagne et au Portugal que la secousse se fit sentir avec le plus de violence. On affirme qu'à Cadix le raz-de-marée atteignit dix-huit mètres de hauteur. Quelques-unes des plus hautes montagnes du Portugal furent violemment secouées; plusieurs s'ouvrirent par le sommet; des flammes en jaillirent et d'énormes blocs de rochers furent précipités dans les vallées voisines. » (Charles Lyell, Principles of Geology, p. 495.) À Lisbonne, « le tremblement de terre qui détruisit la ville fut précédé de sourds grondements souterrains. Puis on vit la mer se retirer, laissant ses rives à sec, pour revenir ensuite sur elle-même et s'élever à quelque quinze mètres au-dessus de son niveau ordinaire.... Au nombre des événements extraordinaires qui se produisirent à Lisbonne, on cite la disparition d'un quai tout en marbre, construit depuis peu et à grands frais. Une immense foule s'y était réfugiée, comme l'endroit le plus sûr pour échapper au danger des maisons croulantes. Mais tout à coup le quai s'effondra avec toute sa cargaison humaine; pas un cadavre ne revint à la surface.
» Ce tremblement de terre entraîna la chute de toutes les églises, de tous les couvents, de presque tous les édifices publics et de plus du quart des maisons. Deux heures environ après la secousse, un incendie éclata dans les différents quartiers de la ville et sévit avec tant de violence pendant environ trois jours que Lisbonne fut entièrement détruite. La catastrophe tomba sur un jour de fête, alors que les églises et les couvents étaient combles; peu de personnes échappèrent... La terreur était indescriptible. Personne ne pleurait; il n'y avait pas de larmes devant un tel désastre. En proie au délire, la population courait çà et là, hurlant, se frappant le visage et la poitrine en s'écriant : Misericordia! C'est la fin du monde! Des mères, oubliant leurs enfants, parcouraient les rues, chargées de crucifix. Malheureusement, beaucoup d'entre elles cherchèrent en vain asile dans les églises où était exposé le saint-sacrement, et embrassaient les autels : images, prêtres et gens du peuple furent enveloppés dans une commune ruine. » (Encyclopedia Americana, art. Lisbon, note.) On évalue à plus de quatre-vingt-dix mille le nombre des personnes qui perdirent la vie en ce jour néfaste.
Le signe mentionné ensuite dans la prophétie : l'obscurcissement du soleil et de la lune, parut vingt-cinq ans plus tard. Son accomplissement fut d'autant plus frappant que le moment de son apparition avait été clairement indiqué. Dans son entretien avec ses disciples sur la montagne des Oliviers, le Sauveur décrit la longue détresse des croyants : les mille deux cent soixante années de la persécution papale, persécution qu'il déclare devoir être abrégée. Puis il mentionne en ces termes certains événements qui devaient précéder sa venue, en précisant comme suit le temps de l'apparition du premier de ces signes : « Mais dans ces jours, après cette détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière. » (Marc 13.24) Les mille deux cent soixante jours ou années prirent fin en 1798, les persécutions ayant presque entièrement cessé un quart de siècle plus tôt. Or, c'est après la persécution que, selon la prédiction de Jésus, le soleil devait s'obscurcir. Cette prophétie s'est accomplie le 19 mai 1780.
« À peu près unique parmi les phénomènes de ce genre est l'événement mystérieux, inexpliqué jusqu'à ce jour, connu sous le nom de jour obscur du 19 mai 1780, que fut l'obscurcissement de tout le ciel visible et de l'atmosphère de la Nouvelle Angleterre. » (R. H. Devens, Our First Century, p. 89.)
Un témoin oculaire, qui se trouvait au Massachusetts, le décrit comme suit :
« Radieux à son lever, le soleil ne tarda pas à perdre son éclat. D'épais nuages s'accumulèrent, bientôt sillonnés par des éclairs; le tonnerre gronda et la pluie tomba. Vers les neuf heures, les nuages, moins opaques, prirent une teinte cuivrée ou bronzée qui se refléta sur la terre, sur les rochers, les arbres, les maisons, l'eau et les personnes. Quelques minutes plus tard, le ciel entier s'étant couvert d'un épais nuage noir, qui ne laissa qu'une légère frange à l'horizon, l'obscurité devint aussi grande qu'elle l'est en général à neuf heures du soir par une nuit d'été....
» La crainte, l'angoisse, la terreur s'emparèrent graduellement de tous les esprits. Sur le seuil de leur porte, les femmes considéraient le lugubre paysage; les laboureurs revenaient des champs; les charpentiers laissaient là leurs outils, les maréchaux quittaient leur forge et les marchands leur comptoir. Les écoliers, congédiés, regagnaient leur demeure en tremblant. Les voyageurs allaient demander asile à la première ferme se trouvant sur leur chemin. Que va-t-il arriver? Cette question était sur toutes les lèvres et dans tous les coeurs. Il semblait qu'une furieuse tempête allait éclater ou que le jour de la consommation de toutes choses était arrivé.
» On alluma les chandelles, et les âtres brillaient d'un aussi vif éclat que par une nuit d'automne, sans lune... Les hôtes de la basse-cour se retirèrent sur leurs perchoirs et s'endormirent; le bétail, mugissant, se réunit à la sortie des pâturages; les grenouilles se mirent à coasser; les oiseaux firent entendre leur chant du soir et les chauve-souris s'adonnèrent à leur ronde nocturne. Mais les hommes savaient que ce n'était pas la nuit...
« Le docteur Nathanael Whittaker, pasteur de l'église du Tabernacle, à Salem, y présida des services religieux; au cours d'un sermon, il soutint que ces ténèbres étaient surnaturelles. Des congrégations se réunirent en maints endroits... Partout les prédicateurs choisirent des textes bibliques paraissant indiquer un accomplissement prophétique. » (The Essex Antiquarian, Salem, Mass., Avril 1899, vol. III, number 4, p. 53, 54.) C'est un peu après onze heures que les ténèbres furent le plus denses. « Dans presque toute l'étendue du pays, l'obscurité fut telle pendant la journée qu'il ne fut pas possible sans bougies de voir l'heure à sa montre, ni de manger ou de vaquer à ses devoirs domestiques...
» Ces ténèbres s'étendirent très loin. On les observa jusqu'à Falmouth, à l'est, et jusqu'à l'extrémité du Connecticut, à l'ouest; au sud, jusque sur les côtes de la mer, et au nord, aussi loin que s'étendaient les colonies américaines. » (Dr Wm Gordon, Hist. of the Rise,Progress, and Estab. of the Indep. of the U.S.A., p. 57.)
Aux ténèbres intenses de ce jour succéda, une heure ou deux avant le coucher du soleil, un ciel partiellement clair, et le soleil brilla au travers d'un épais brouillard. « Après le coucher du soleil, le ciel se couvrit de nouveau, et les ténèbres devinrent rapidement très denses.... Les ténèbres de cette nuit ne furent pas moins extraordinaires et terrifiantes que celles de la journée. Bien que la lune fût presque dans son plein, on ne pouvait rien distinguer sans la lumière artificielle qui, vue de près ou de loin, semblait barbouillée de ténèbres à peu près opaques. » (Thomas, Massachusetts Spy; or American Oracle of Liberty, vol. X, number 472, 25 mai 1780.)
Un témoin oculaire écrivait : « Je ne pouvais m'empêcher de me dire alors que si tous les corps lumineux de l'univers avaient été enveloppés d'impénétrables ténèbres, ou s'ils avaient été supprimés, l'obscurité n'eût pas pu être plus complète. » (Mass. Hist. collections, 1792, vol. I, p. 97. Lettre du Dr Samuel Tenney, d'Exeter, N. H., déc. 1785.) Bien que la lune se fut levée vers les neuf heures, elle n'eut aucun effet sur cette lugubre nuit. Après minuit, l'obscurité se dissipa, et la lune, au moment où elle parut, avait la couleur du sang.
Le « Jour obscur » du 16 mai 1780 est entré dans l'histoire. Depuis les plaies d'Égypte, l'humanité n'a pas enregistré un obscurcissement aussi étendu, aussi dense et aussi prolongé. La description de cet événement, faite par des témoins oculaires, n'est qu'un écho de la Parole de Dieu transmise par le moyen du prophète Joël, vingt-cinq siècles à l'avance : « Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant l'arrivée du jour de l'Éternel, de ce jour grand et terrible. » (Joël 2.31)
Jésus avait exhorté ses disciples à surveiller les signes de son retour et à se réjouir à la vue des gages de sa prochaine venue. « Quand ces choses commenceront à arriver, leur avait-il dit, redressez-vous et levez vos têtes, parce que votre délivrance approche. » Appelant leur attention sur les arbres qui bourgeonnent au printemps, il ajouta : « Dès qu'ils ont poussé, vous connaissez de vous-mêmes, en regardant, que déjà l'été est proche. De même, quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est proche. » (Luc 21.28, 30, 31)
Hélas! dans la mesure où l'humilité et la piété avaient fait place, dans l'Église, à l'orgueil et au formalisme, l'amour pour le Sauveur et la foi en son retour s'étaient refroidis. Absorbés par la mondanité et la recherche du plaisir, ceux qui professaient être le peuple de Dieu étaient devenus aveugles aux signes des temps. La doctrine de la seconde venue du Seigneur avait été négligée; les textes de l'Écriture s'y rapportant avaient été obscurcis par de fausses interprétations. Tel était tout spécialement le cas des Églises d'Amérique. La liberté et le confort dont jouissaient toutes les classes de la société, la soif de richesses et de luxe, la hantise de la popularité et de l'influence, qui semblaient à la portée de tous, avaient poussé les gens à concentrer leurs intérêts et leurs espérances sur les choses de cette vie, et à reléguer dans un lointain avenir le jour solennel où le monde actuel disparaîtra.
En attirant l'attention de Ses disciples sur les signes de Son retour, le Sauveur leur avait annoncé une apostasie générale devant précéder immédiatement ce grand événement. Comme dans les jours de Noé, on constatera la fièvre des affaires et la recherche des plaisirs; on vendra, on achètera; on plantera, on se mariera et on donnera en mariage, sans penser à Dieu et à la vie à venir. L'exhortation du Sauveur à ceux qui vivent en ce temps est celle-ci : « Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos coeurs ne s'appesantissent par les excès du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l'improviste. » « Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous ayez la force d'échapper à toutes ces choses qui arriveront, et de paraître debout devant le Fils de l'homme. » (Luc 21.34, 36)
Dans l'Apocalypse, le Sauveur indique en ces termes l'état de l'Église des derniers temps : « Tu passes pour être vivant, et tu es mort. » À ceux qui ne veulent pas sortir de leur indifférence, cet avertissement est donné : « Si tu ne veilles pas, je viendrai comme un voleur, et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai sur toi. » (Apocalypse 3.1,3)
Les hommes devaient non seulement être prévenus du danger qu'ils couraient, mais réveillés et exhortés à se préparer en vue des événements solennels devant survenir à la fin du temps de grâce. Les prophètes l'avaient dit : « Le jour de l'Éternel est grand, il est terrible : Qui pourra le soutenir? Qui pourra subsister devant Celui dont les « yeux sont trop purs pour voir le mal », et qui « ne peut pas regarder l'iniquité »? Pour ceux qui, tout en disant : « Mon Dieu, nous te connaissons », « violent son alliance », « courent après les dieux étrangers », cachent leurs transgressions et aiment les sentiers de l'iniquité, le jour du Seigneur sera un jour de « ténèbres, et non de lumière » (Joël 2.11; Habakuk 1.13; Osée 8.2, 1; Psaume 16.4; Amos 5.20), d'obscurité, et non de clarté. « En ce temps-là, dit l'Éternel, je fouillerai Jérusalem avec des lampes, et je châtierai les hommes qui reposent sur leurs lies, et qui disent dans leur coeur : L'Éternel ne fait ni bien ni mal. » « Je punirai le monde pour sa malice, et les méchants pour leurs iniquités; je ferai cesser l'orgueil des hautains, et j'abattrai l'arrogance des tyrans. » « Ni leur argent ni leur or ne pourront les délivrer. » « Leurs biens seront au pillage, et leurs maisons seront dévastées. » (Sophonie 1.12, 18, 13; Ésaïe 13.9)
Contemplant de loin ce temps redoutable, le prophète Jérémie s'écrie : « Je souffre au-dedans de mon coeur.... Je ne puis me taire; car tu entends, mon âme, le son de la trompette, le cri de guerre. On annonce ruine sur ruine, car tout le pays est ravagé. » (Jérémie 4.19, 20)
« Ce jour est un jour de fureur, un jour de détresse et d'angoisse, un jour de ravage et de destruction, un jour de ténèbres et d'obscurité, un jour de nuées et de brouillards, un jour où retentiront la trompette et les cris de guerre contre les villes fortes et les tours élevées. » « Voici, le jour de l'Éternel arrive, jour cruel; jour de colère et d'ardente fureur, qui réduira la terre en solitude, et en exterminera les pécheurs. » (Sophonie 1.15, 16; Ésaïe 13.9)
En vue de ce jour, redoutable entre tous, Dieu, par Sa Parole, adjure Son peuple dans les termes les plus émouvants à sortir de sa léthargie spirituelle et à rechercher Sa face par la prière et l'humiliation : « Sonnez du cor en Sion, poussez des cris sur la montagne de ma sainteté! Qu'ils tremblent, tous les habitants de la terre, car le jour de l'Éternel vient! oui, il est proche! » « Publiez un jeûne, une convocation solennelle! Assemblez le peuple, formez une sainte réunion! Assemblez les vieillards, assemblez les enfants, même les nourrissons à la mamelle! Que l'époux sorte de sa demeure, et l'épouse de sa chambre! Qu'entre le portique et l'autel pleurent les sacrificateurs, serviteurs de l'Éternel. » « Revenez à moi de tout votre coeur, avec des jeûnes, avec des pleurs et des lamentations! Déchirez vos coeurs et non vos vêtements, et revenez à l'Éternel votre Dieu; car il est compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté. » (Joël 2.1, vers. de Lausanne, 15-17, 12, 13)
Une grande réforme devait se produire pour préparer un peuple digne de subsister au jour de Dieu. Voyant que plusieurs de ceux qui prétendaient être ses enfants n'édifiaient pas en vue de l'éternité, Dieu, dans Sa miséricorde, allait leur adresser un message d'avertissement pour les arracher à leur torpeur et les amener à se préparer pour la venue du Seigneur.
Cet avertissement se lit dans le quatorzième chapitre de l'Apocalypse, où est relatée la proclamation, par trois anges descendus du ciel, d'un triple message immédiatement suivi de la venue du Fils de l'homme pour moissonner la terre. Le premier de ces avertissements annonce au monde l'approche du jugement. Le prophète contemple un ange « qui vole par le milieu du ciel, ayant un Évangile éternel, pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue, et à tout peuple. Il dit d'une voix forte : Craignez Dieu, et donnez-lui gloire, car l'heure de son jugement est venue; et adorez celui qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et les sources d'eaux. » (Apocalypse 14.6, 7)
Ce message, est-il dit, fait partie de l'« Évangile éternel ». Or, la proclamation de l'Évangile n'a pas été confiée aux anges, mais aux hommes. Les trois anges sont chargés de la direction de cette oeuvre destinée à assurer le salut de la race humaine; mais la prédication de l'Évangile proprement dite est faite par les serviteurs de Dieu vivant sur la terre.
Cet avertissement fut effectivement donné au monde par des hommes fidèles, attentifs aux directions du Saint-Esprit et à l'enseignement des Écritures, des hommes respectueux de la « parole prophétique » « plus certaine », comparée par l'apôtre Pierre à « une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'a ce que le jour vienne à paraître et que l'étoile du matin se lève dans vos coeurs ». Ils en avaient recherché la connaissance comme un trésor plus précieux que l'argent et l'or. (2 Pierre 1.19; voir Proverbes 3.14) C'est à ces hommes-là que le Seigneur révéla ce qui concerne son royaume. « L'amitié de l'Éternel est pour ceux qui le craignent, et son alliance leur donne instruction. » (Psaume 25.14)
Ce ne furent pas les savants théologiens qui reçurent cette vérité et qui la firent entendre au monde. S'ils avaient été des sentinelles fidèles, sondant les Écritures avec prière, ils eussent connu l'heure de la nuit; ils eussent appris, par les prophéties, les événements qui se préparaient. À cause de leur indifférence, le message fut confié à des hommes plus humbles. Jésus dit : « Marchez pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point. » Ceux qui se détournent de la lumière que Dieu leur a donnée, ou qui ne la reçoivent pas pendant qu'elle est à leur portée, restent dans les ténèbres. En revanche le Sauveur dit : « Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. » (Jean 12.35; 8.12) Celui qui recherche sincèrement la volonté de Dieu et se conforme aux connaissances qu'il possède recevra des lumières plus grandes; quelque étoile d'un éclat céleste lui sera envoyée pour le conduire dans toute la vérité.
Au temps du Sauveur, les sacrificateurs et les scribes de la ville sainte, à qui avait été confié le dépôt des Oracles divins, auraient pu discerner les signes des temps et proclamer la venue du Messie promis. La prophétie de Michée indiquait le lieu de sa naissance, et Daniel en fixait la date. (Michée 5.1; Daniel 9.25) Dieu ayant confié ces prophéties aux principaux d'entre les Juifs, ils étaient sans excuse d'ignorer la venue imminente du Messie et de ne point l'annoncer au peuple. Leur ignorance était la connaissance d'une négligence coupable. Les Juifs érigeaient des monuments aux prophètes martyrs, mais, par leur complaisance envers les grands de la terre, ils rendaient hommage aux serviteurs de Satan. Aborbés par le conflit de leurs ambitions terrestres, ils perdaient de vue les honneurs que le Roi des rois leur avait conférés.
Les anciens d'Israël auraient dû, avec un respectueux intérêt, s'enquérir du lieu, de la date et des circonstances entourant le plus grand événement de l'histoire : la venue du Fils de Dieu pour le salut de l'humanité. Le peuple entier aurait dû être en état d'alerte, afin d'être le premier à souhaiter la bienvenue au Rédempteur du monde. Mais que vit-on? À Bethléhem, deux voyageurs fatigués, en quête d'un abri pour la nuit, longent en vain toute la rue étroite de la ville jusqu'à son extrémité orientale. Aucune porte ne s'ouvrant pour les accueillir, ils trouvent enfin un refuge dans un misérable abri destiné au bétail, et c'est là que le Sauveur vient au monde.
Les anges -- qui avaient contemplé la gloire du Fils de Dieu auprès du Père avant que le monde fût -- attendaient avec émotion l'apparition sur la terre de l'événement qui devait être pour tout le peuple le sujet d'une joie immense. Une cohorte angélique fut envoyée pour en porter l'heureuse nouvelle à ceux qui étaient préparés à la recevoir et à la faire connaître aux habitants de la terre. Le Messie s'était abaissé jusqu'à revêtir la nature humaine pour donner son âme en sacrifice pour le péché au prix d'un poids infini de souffrances. Néanmoins, les anges désiraient qu'en son humiliation le Fils du Très-Haut fît son entrée au sein de la famille humaine avec la dignité et la gloire dues à son rang. Les grands de la terre ne se réuniront-ils pas dans la capitale d'Israël pour l'acclamer et les légions célestes ne le présenteront-elles pas à la foule qui l'attend?
L'un d'eux parcourt la terre pour voir si elle se prépare à accueillir le Sauveur. Mais il ne voit rien et n'entend aucun chant de triomphe annoncer que le temps du Messie est enfin arrivé. Il s'attarde sur la sainte Cité et s'arrête un instant au-dessus du temple où, durant des siècles, Dieu a manifesté Sa présence. Mais, là aussi, règne la même indifférence. Dans leur pompe orgueilleuse, les sacrificateurs offrent de vains sacrifices. Les pharisiens adressent au peuple des discours sonores, ou répètent au coin des rues de prétentieuses prières. Ni dans les palais des rois, ni dans les cénacles des philosophes, ni dans les écoles des rabbins, on ne se préoccupe de l'événement salué dans les parvis célestes par des symphonies d'allégresse.
Rien sur la terre ne trahit l'attente du Messie; nulle part on n'aperçoit de préparatifs pour recevoir le Prince de la vie. Stupéfait, le céleste messager est sur le point de remonter au ciel pour y porter la honteuse nouvelle, quand il découvre un groupe de bergers passant la nuit à veiller sur leurs troupeaux. Ceux-ci, en contemplant la voûte étoilée, s'entretiennent des prophéties messianiques et soupirent après la venue du Rédempteur du monde. Évidemment, ces gens sont prêts à recevoir le message divin. Soudain, l'ange leur apparaît pour leur apporter la grande nouvelle. La plaine est inondée de la gloire céleste; puis une multitude étincelante frappe leurs regards et, pour exprimer dignement la joie du ciel entier, d'innombrables voix entonnent l'hymne que les élus de toutes les nations chanteront un jour : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée! » (Luc 2.14)
Une grave leçon, une verte censure, se dégage de cette merveilleuse histoire de Bethléhem à l'adresse de notre incrédulité et de notre orgueil! Quel avertissement de nous tenir sur nos gardes, de peur qu'une indifférence criminelle ne nous cache les signes des temps et le jour où nous sommes visités!
Ce ne fut pas seulement dans les montagnes de Juda, parmi d'humbles bergers, que les messagers célestes trouvèrent des âmes prêtes à accueillir la venue du Messie. Il y en eut aussi dans les pays païens. Des philosophes orientaux, hommes sages, nobles et riches, qui étudiaient la nature, avaient découvert Dieu dans ses oeuvres. Dans les écrits des Hébreux, ils avaient trouvé la prédiction de « l'astre [qui] sort de Jacob (Nombres 24.17), et ils attendaient avec impatience la venue de celui qui devait être non seulement « la consolation d'Israël », mais aussi une « lumière pour éclairer les nations » et le salut de tous les peuples. (Luc 2.25, 32; Actes 13.47) Ils cherchaient la lumière, et la lumière céleste illumina leur sentier. Tandis que les sacrificateurs et les rabbins de Jérusalem, dépositaires et interprètes attitrés de la vérité, étaient plongés dans les ténèbres, le ciel envoyait une étoile pour guider ces étrangers vers le lieu de naissance du roi nouveau-né.
C'est également à « ceux qui l'attendent » que Jésus-Christ « apparaîtra sans péché, une seconde fois », « pour leur salut ». Le message du retour du Sauveur, de même que la nouvelle de Sa naissance, ne fut pas confié aux conducteurs religieux. Ces derniers, ayant rompu leur communion avec Dieu et refusé la lumière céleste, n'étaient pas de ceux dont Paul parle en ces termes : « Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur; vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour. Nous ne sommes point de la nuit ni des ténèbres. » (Hébreux 9.28; 1 Thessaloniciens 5.4, 5)
Les « sentinelles » postées « sur les murs de Sion » auraient dû être les premières à recevoir la nouvelle de la venue du Seigneur, à en proclamer l'imminence, à exhorter leurs auditeurs à s'y préparer. Mais, rêvant de paix et de sécurité, elles vivaient dans une douce quiétude, tandis que le peuple sommeillait dans ses péchés. Perçant les siècles du regard, Jésus avait vu son Église semblable au figuier stérile, couvert d'un feuillage prétentieux, mais dépourvu de fruits. On y observait ostensiblement les formes de la religion, tandis que la vraie humilité, la conversion et la foi, seules agréables à Dieu, faisaient défaut. Au lieu des grâces de l'Esprit, on y manifestait l'orgueil, le formalisme, la propre justice, l'égoïsme et l'oppression. Une Église refroidie fermait les yeux aux signes des temps. Dieu ne l'avait pas abandonnée, il n'avait pas manqué de fidélité envers elle, mais elle s'était elle-même soustraite à son amour. Ayant refusé de se soumettre aux conditions requises, elle n'avait point bénéficié des promesses de Dieu la concernant.
Telle est la conséquence inévitable de l'indifférence à l'égard des privilèges que Dieu accorde aux siens. Dès que l'Église cesse de marcher dans la lumière, dès qu'elle néglige d'en mettre à profit tous les rayons et d'accomplir tous les devoirs qu'elle impose, la religion dégénère en un formalisme exempt de piété vivante. Cette vérité s'est maintes fois confirmée dans l'histoire de l'Église. Dieu demande à son peuple des actes de foi et d'obéissance proportionnés aux bénédictions reçues. Or l'obéissance exige un sacrifice et implique une croix. Voilà la raison pour laquelle tant de gens qui se disaient disciples de Jésus-Christ refusèrent la lumière du ciel et, comme jadis les Juifs, ne connurent pas le temps où ils étaient visités. (Luc 19.44) En raison de leur orgueil et de leur incrédulité, Dieu les abandonna pour révéler Sa vérité à ceux qui, semblables aux bergers de Bethléhem et aux mages d'Orient, avaient profité de toutes les lumières qu'ils avaient reçues.
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25 septembre 2005
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LES PÈRES PÈLERINS
Tout en renonçant aux doctrines du catholicisme, les réformateurs anglais avaient retenu plusieurs formes de son culte et l'Église anglicane avait incorporé à son rituel beaucoup de ses coutumes et de ses cérémonies. On prétendait que ces questions n'avaient rien à voir avec la conscience, que ces rites, sans être enjoints par les Écritures, n'étaient pas non plus interdits et que, par conséquent, ils étaient sans danger. On assurait que leur observance tendait à atténuer la distance séparant Rome des églises réformées et qu'elle aiderait les catholiques à accepter la Réforme.
Pour les conservateurs et les opportunistes, l'argument était concluant. Mais tous n'envisageaient pas les choses sous cet angle. Le fait même que ces observances tendaient à combler l'abîme entre Rome et la Réforme était pour plusieurs une excellente raison de les proscrire. Ils les considéraient comme des insignes de l'esclavage auquel ils venaient d'échapper et sous lequel ils n'étaient nullement disposés à se replacer. Ils affirmaient que les règles du culte ayant été fixées par Dieu, son peuple n'a pas le droit d'ajouter ou d'en retrancher quoi que ce soit. Le premier pas dans l'apostasie a été la conséquence du désir de joindre l'autorité de l'Église à celle de Dieu. Rome a commencé par prescrire ce que Dieu n'a pas défendu et elle a fini par interdire ce qu'il a expressément ordonné.
Bien des gens qui désiraient ardemment remonter à la pureté et à la simplicité de la primitive Église voyaient dans plusieurs des usages de l'Église anglicane des vestiges d'idolâtrie et ne pouvaient, en conscience, participer à son culte. De son côté, l'Église, appuyée par l'autorité civile, ne voulait souffrir aucune dissidence. La fréquentation de ses offices était exigée par la loi, et ceux qui participaient à des cultes non autorisés étaient passibles de peines d'emprisonnement, d'exil ou de mort.
Au commencement du dix-septième siècle, le souverain qui venait de monter sur le trône d'Angleterre se déclara résolu à contraindre les Puritains à « se conformer,... sous peine de bannissement ou de quelque chose de pire ». Pourchassés, persécutés, emprisonnés, sans espoir d'un avenir meilleur, plusieurs en arrivèrent à la conclusion que l'Angleterre n'était plus habitable pour ceux qui voulaient servir Dieu selon leur conscience. Quelques-uns se décidèrent à aller chercher un refuge en Hollande. Arrêtés par les difficultés, par des pertes matérielles, par des séjours en prison, par des échecs et des trahisons, ils finirent par triompher grâce à leur indomptable persévérance et trouvèrent asile sur les rives hospitalières de la République des Pays-Bas.
Dans leur fuite, ils avaient abandonné leurs maisons, leurs biens et leurs moyens d'existence. Étrangers à ce pays dont ils ne connaissaient ni la langue ni les usages, ils durent, pour gagner leur pain, chercher des occupations nouvelles. Des hommes d'âge mûr, qui avaient passé leur vie à cultiver le sol, se virent obligés d'apprendre des métiers et le firent volontiers. Bien que réduits à l'indigence, ils remerciaient Dieu des bienfaits dont ils jouissaient, trouvant leur joie dans la libre pratique de leur foi. « Se sachant pèlerins, ils ne se mettaient en peine de rien et se consolaient en levant les yeux vers le ciel, leur patrie la plus chère. »
L'exil et l'adversité ne faisaient que fortifier leur foi dans les promesses de celui qui ne les décevait pas au moment du besoin. Ses anges, à leurs côtés, renouvelaient et soutenaient leur courage. Aussi, lorsqu'il leur sembla que la main de Dieu leur ouvrait, au-delà des mers, un pays où ils pourraient fonder un État et léguer à leurs enfants le précieux héritage de la liberté religieuse, prirent-ils sans hésiter le chemin que la Providence leur indiquait.
Dieu avait fait passer le petit troupeau par la fournaise de l'épreuve afin de le préparer à l'accomplissement d'un grand dessein. Il était sur le point de manifester sa puissance en sa faveur et de prouver au monde, une fois de plus, qu'il n'abandonne pas ceux qui mettent en Lui leur confiance. La colère de Satan et les complots des méchants allaient servir à glorifier Dieu et à mettre Son peuple en lieu sûr. La persécution et l'exil avaient préparé le chemin de la liberté.
Lorsqu'ils s'étaient vus dans la nécessité de quitter l'Église anglicane, les Puritains s'étaient unis entre eux par un pacte solennel. Libres serviteurs de l'Éternel, ils s'engageaient à « marcher ensemble dans toutes les voies que Dieu leur avait fait connaître ou qu'il leur ferait connaître par la suite ». (J. Brown, The Pilgrim Fathers, p. 74.) C'était le véritable esprit de la Réforme, le principe vital du protestantisme que les Pèlerins emportaient avec eux en quittant la Hollande à destination du Nouveau Monde. John Robinson, leur pasteur, empêché providentiellement de les accompagner, leur dit dans son discours d'adieu :
« Mes frères, nous sommes sur le point de nous séparer, et Dieu sait s'il me sera jamais donné de vous revoir. Que le Seigneur en ait ainsi décidé ou non, je vous conjure devant Dieu et devant ses saints anges de ne me suivre que dans la mesure où j'ai suivi Jésus-Christ. Si, par quelque autre instrument de son choix, Dieu venait à vous faire quelque révélation, accueillez-la avec le même empressement que vous avez mis à recevoir la vérité par mon ministère; car je suis persuadé que le Seigneur fera encore jaillir de sa Parole de nouvelles vérités et de nouvelles lumières. » (Martyn, vol. V, p. 70.)
« Pour ma part, je ne saurais assez regretter la condition des Églises réformées qui, ayant parcouru un certain bout de chemin dans la réforme, se refusent à faire un pas de plus que leurs guides. On ne peut persuader les Luthériens de faire un pas plus loin que Luther.... Et les Calvinistes, vous le voyez, en restent là où les a laissés le grand réformateur qui, cependant, n'a pas tout vu. C'est un malheur qu'on ne saurait trop déplorer. Car si ces hommes ont été en leur temps des lampes brillantes, ils n'ont pas connu tout le conseil de Dieu; et s'ils vivaient aujourd'hui, ils accepteraient de nouvelles lumières avec autant d'empressement que celles qu'ils ont proclamées. » (D. Neal, History of the Puritans, vol. I, p. 269.)
« Souvenez-vous de votre engagement envers Dieu et vos frères, de recevoir tout rayon de lumière, toute vérité qui, de sa Parole, pourrait jaillir sur votre sentier; car il n'est pas possible que le monde chrétien, si récemment sorti de ténèbres profondes, soit parvenu d'un seul coup à la plénitude de la lumière. Mais prenez aussi garde à ce que vous recevez comme la vérité; ayez bien soin de tout comparer avec les textes de l'Écriture. » (Martyn, vol. V, p. 70, 71.)
C'est l'amour de la liberté de conscience qui poussa les Pèlerins à affronter les périls d'un long voyage à travers les mers, à braver les privations et les dangers d'un pays désert, pour aller jeter, avec la bénédiction de Dieu, les fondements d'une puissante nation sur les rivages de l'Amérique. Et pourtant, malgré leur sincérité et leur piété, ces chrétiens n'avaient pas encore réellement compris le principe de la liberté religieuse. Ils n'étaient pas disposés à concéder à d'autres cette liberté à laquelle ils attachaient un si grand prix. « Rares étaient, même parmi les penseurs les plus éminents du dix-septième siècle, ceux qui s'étaient élevés à la hauteur du grand principe renfermé dans le Nouveau Testament, et d'après lequel Dieu est seul juge de la foi. » (Id., p. 297.)
La doctrine affirmant que Dieu a donné à son Église le droit de dominer les consciences, de définir et de punir l'hérésie, est l'une des erreurs papales les plus invétérées. Les réformateurs, tout en répudiant le credo de Rome, ne surent pas s'affranchir entièrement de son intolérance. Les profondes ténèbres dont Rome avait enveloppé le monde au cours de sa domination séculaire n'étaient pas encore dissipées. L'un des principaux pasteurs de la colonie de Massachusetts Bay disait : « C'est la tolérance qui a rendu le monde antichrétien; jamais l'Église n'a eu lieu de regretter sa sévérité envers les hérétiques. » (Martyn, vol. V, p. 335.) Un statut adopté par les colons réservait le droit de vote en matière civile aux seuls membres de la congrégation. Celle-ci était une Église d'État dans laquelle chacun était tenu de contribuer à l'entretien du culte, et où il incombait aux magistrats de veiller à la suppression de l'hérésie. Le pouvoir civil ainsi placé entre les mains de l'Église ne tarda pas à produire le fruit qu'il fallait en attendre : la persécution.
Onze ans après l'établissement de la première colonie, arrivait dans le Nouveau Monde Roger Williams, en quête, lui aussi, de la liberté de conscience. Mais il la concevait autrement que les Pèlerins. À l'encontre des gens de son temps, il avait compris que cette liberté est le droit inaliénable de tout homme, quelle que soit sa confession. Avide de vérité, il lui paraissait impossible, comme à Robinson, qu'on eût déjà reçu toute la lumière de la Parole de Dieu. « Williams a été le premier dans la chrétienté moderne à établir le gouvernement civil sur le principe de la liberté religieuse et de l'égalité des opinions devant la loi. » (Bancroft, Ire part., chap. XV, par. 16.) Il affirmait que le devoir du magistrat était de punir le crime, mais non de dominer sur les consciences. « Le magistrat, disait-il, peut décider ce que l'homme doit à son semblable; mais quand il s'avise de lui prescrire ses devoirs envers son Dieu, il sort de ses attributions. L'État peut établir un credo aujourd'hui et demain un autre, comme cela s'est vu sous divers rois et reines d'Angleterre, et comme l'ont fait différents papes et conciles de l'Église romaine, ce qui rend la croyance incertaine et donne libre cours à l'arbitraire. » (Martyn, vol. p. 340.)
La présence aux services religieux était obligatoire sous peine d'amende et de prison. Williams bravait cette loi, qu'il appelait « le pire article de la loi anglaise ». « Forcer un homme à adorer Dieu avec des personnes ne partageant pas ses croyances c'était, selon lui, une violation flagrante du droit privé; traîner au culte des gens irréligieux et indifférents, c'était cultiver l'hypocrisie. Nul ne doit être contraint d'adorer Dieu ou de contribuer aux frais du culte. -- Quoi! s'écriaient ses antagonistes, scandalisés de sa doctrine, Jésus ne dit-il pas que l'ouvrier mérite d'être nourri? -- Assurément, répliquait-il, mais par ceux qui l'emploient. » (Bancroft, Ire part., chap. XV, par. 2.)
Roger Williams était reconnu et aimé comme un fidèle ministre de l'Évangile. Sa haute intelligence, sa charité, son intégrité incorruptible lui avaient gagné le respect de la colonie. Mais on ne voulut pas tolérer sa ferme opposition à l'ingérence du magistrat dans le domaine de l'Église, ni ses plaidoyers en faveur de la liberté religieuse. L'introduction de cette nouvelle doctrine, disait-on, ébranlera les bases du gouvernement de la colonie, et on le condamna au bannissement. Williams se vit ainsi obligé de s'enfuir et de chercher, en plein hiver, un refuge dans la forêt vierge.
« Quatorze semaines durant, dit-il, par un froid glacial, j'errai sans asile et sans pain, nourri par les corbeaux du désert, et m'abritant le plus souvent dans le creux d'un arbre. » (Martyn, vol. p. 349, 350. » Il finit par trouver un refuge auprès d'une tribu indienne dont il avait gagné l'affection et la confiance en s'efforçant de lui enseigner l'Évangile.
Au bout de plusieurs mois, Williams arriva sur les rives de la baie de Narragansett, où il fonda le premier État des temps modernes qui ait reconnu, d'une façon complète, le droit à la liberté de conscience. Le principe fondamental de la nouvelle colonie fut ainsi formulé : « Chacun aura la liberté de servir Dieu selon les lumières de sa conscience. » (Id., p. 354.) Le petit État de Rhode-Island était destiné à devenir l'asile des opprimés. Son influence devait s'accroître à tel point que son principe fondamental -- la liberté civile et religieuse -- est devenu la pierre angulaire de la République américaine.
Dans la Déclaration de l'Indépendance, auguste document dont ils ont fait la charte de leurs libertés, les fondateurs de la grande République disent : « Nous maintenons -- à titre de vérités évidentes -- que tous les hommes sont créés égaux, et que le Créateur leur a donné des droits inaliénables parmi lesquels se trouvent : la vie, la liberté et la recherche du bonheur. » D'autre part, la Constitution américaine garantit l'inviolabilité de la conscience dans les termes les plus positifs. Elle dit : « Aucune formalité ou croyance religieuse ne pourra jamais être exigée comme condition d'aptitude à une fonction ou charge publique aux États-Unis. » « Le Congrès ne pourra faire aucune loi relative à l'établissement d'une religion ou qui en interdise le libre exercice. »
« Les auteurs de la Constitution ont reconnu le principe immortel en vertu duquel les relations de l'homme avec son Dieu -- donc les droits de la conscience -- sont inaliénables et échappent à toute législation humaine. Il n'était pas nécessaire d'argumenter longuement pour établir cette vérité dont chacun est conscient dans son for intérieur. Cette certitude a soutenu les martyrs au milieu des tortures et des flammes des bûchers. Ils croyaient que les devoirs envers Dieu priment les lois humaines et que l'homme n'avait aucun droit sur leur conscience. C'est là un principe inné que personne ne peut extirper. » (Congressional Documents - U.S.A.-, Ser. 200, Doc. 271.)
Lorsqu'on apprit en Europe qu'il existait un pays où chacun pouvait jouir du fruit de ses labeurs et vivre selon sa conscience, des milliers de gens affluèrent sur les rivages du Nouveau Monde. Les colonies se multiplièrent rapidement. « Par une loi spéciale, le Massachusetts offrit bon accueil et assistance, aux frais de l'État, aux chrétiens de toute nationalité qui fuiraient à travers l'Atlantique "pour échapper à la guerre, à la famine ou à l'oppression de leurs persécuteurs". Ainsi, les fugitifs et les opprimés devenaient, de par la loi, les hôtes de la nation. » (Martyn, vol. V, p. 417.) Dans les vingt années qui suivirent le premier débarquement à Plymouth, un nombre égal de milliers de Pèlerins s'établirent en Nouvelle-Angleterre.
En retour de cette liberté, les immigrants s'estimaient heureux de gagner leur pain quotidien par leur travail et leur sobriété. « Ils ne demandaient au sol qu'une rémunération raisonnable de leur labeur. Sans se laisser leurrer par des visions dorées,... ils se contentaient des progrès lents, mais constants de leur économie sociale. Ils enduraient patiemment les privations de la vie du désert, arrosant de leurs larmes et de leurs sueurs l'arbre de la liberté, qui enfonçait dans le sol ses profondes racines. »
L'Écriture sainte était la base de leur foi, la source de leur sagesse, la charte de leurs libertés. Ses principes, diligemment enseignés dans la famille, à l'école et à l'église, portaient comme fruits l'industrie, l'intelligence, la chasteté, la tempérance. On eût pu passer des années dans les colonies des Puritains « sans rencontrer un ivrogne, sans entendre un blasphème, sans voir un mendiant ». (Bancroft, Ire., chap. XIX, par. 25.) Ce fait démontrait que les principes de la Bible offrent les plus sûres garanties de la grandeur nationale. Les colonies, d'abord faibles et isolées, finirent par devenir une puissante fédération d'États, et le monde a vu avec étonnement se développer, dans la paix et la prospérité, une « Église sans pape, et un État sans roi ».
Mais les foules sans cesse plus nombreuses, attirées vers les rives de l'Amérique, étaient poussées par des mobiles bien différents de ceux des premiers Pèlerins. La foi et les vertus des premiers temps, bien que continuant à exercer sur la masse une influence bienfaisante, diminuèrent dans la mesure où augmentait le nombre des nouveaux venus, uniquement avides d'avantages matériels.
Les règlements de la première colonie attribuaient les charges publiques aux seuls membres de l'Église; les résultats en furent pernicieux. Cette mesure, considérée comme propre à maintenir l'intégrité de l'État, entraîna la corruption de l'Église. Une simple profession de religion étant suffisante pour aspirer à une charge publique, un grand nombre de gens étrangers à la vie chrétienne entrèrent dans l'Église. Peu à peu, les églises se remplirent d'inconvertis. Dans le corps pastoral même, des hommes, non seulement enseignaient l'erreur, mais ignoraient entièrement la puissance transformatrice du Saint-Esprit. Une fois de plus, l'histoire démontrait les funestes conséquences du régime -- introduit sous Constantin -- de l'édification, avec l'appui du pouvoir séculier, de l'Église de celui qui a dit : « Mon royaume n'est pas de ce monde. » (Jean 18.36) L'union de l'Église et de l'État, à quelque degré que ce soit, si elle paraît rapprocher le monde de l'Église, n'a en réalité d'autre conséquence que de mondaniser l'Église.
Le grand principe si noblement soutenu par Robinson et Roger Williams, à savoir que la lumière de la vérité est progressive et que le chrétien doit se tenir prêt à recevoir tout rayon nouveau émanant de la Parole de Dieu fut perdu de vue par leurs descendants. Les Églises protestantes d'Amérique, comme aussi celles d'Europe, qui ont eu l'insigne privilège de participer aux bienfaits de la Réforme, n'ont pas continué d'avancer dans cette voie. De loin en loin, des hommes se sont levés pour proclamer des vérités nouvelles et dénoncer d'anciennes erreurs; mais les masses -- suivant l'exemple des Juifs au temps de Jésus et des peuples restés catholiques au seizième siècle -- n'ont pas voulu recevoir autre chose que ce que leurs pères avaient cru et se sont refusées à modifier leur manière de vivre. En s'attachant à des erreurs et à des superstitions qu'on eût délaissées si l'on avait reçu les lumières de la Parole de Dieu, on a fait dégénérer la religion en formalisme. Ainsi, l'esprit de la Réforme s'est graduellement affaibli. Envahi par la mondanité et la torpeur spirituelle, attaché à l'opinion publique et aux théories humaines, le protestantisme en est venu à avoir tout aussi besoin de réforme que le catholicisme aux jours de Luther.
La vaste diffusion des Écritures au commencement du dix-neuvième siècle et la grande lumière ainsi répandue sur le monde n'ont pas été suivies d'un progrès correspondant dans la vérité révélée ou la vie religieuse. Ne pouvant plus, comme dans les siècles passés, cacher au monde la Parole de Dieu désormais à la portée de tous, Satan a imaginé une tactique nouvelle. Il a poussé un grand nombre de gens à faire peu de cas de la Bible. Ainsi, sans se mettre en peine d'interroger diligemment les Écritures, on a continué d'en accepter de fausses interprétations et de conserver des doctrines dépourvues de base scripturaire.
Voyant qu'il ne réussirait pas à supprimer la vérité par la persécution, Satan a eu de nouveau recours à l'expédient des compromis qui lui avait si bien réussi aux jours de Constantin, et qui avait abouti à la grande apostasie. Il a amené les chrétiens à contracter alliance non plus avec des païens proprement dits, mais avec un monde que le culte pour des choses d'ici-bas a rendu tout aussi idolâtre que les adorateurs d'images taillées. Et les résultats de cette union n'ont pas été moins pernicieux que dans les siècles précédents. Le luxe et l'extravagance ont été cultivés sous le manteau de la religion et les églises se sont mondanisées. Satan a continué de pervertir les enseignements de l'Écriture; des traditions funestes à des millions d'âmes ont jeté de profondes racines dans les coeurs, et l'Église, au lieu de maintenir la foi primitive, a soutenu et revendiqué ces traditions. Ainsi se sont effrités les principes en faveur desquels les réformateurs ont tant travaillé et tant souffert.
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23 septembre 2005
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Chaumette introduisit le culte de la Raison en ces termes : « Législateurs, le fanatisme a cédé la place à la Raison. Ses yeux louches n'ont pu soutenir l'éclat de la lumière. Aujourd'hui, un peuple immense s'est porté sous ces voûtes gothiques où, pour la première fois, on a entendu la vérité. Là, les Français ont célébré le seul vrai culte, celui de la liberté, celui de la raison. Là, nous avons formé des voeux pour la prospérité des armes de la République. Là, nous avons échangé des idoles inanimées pour la Raison, pour cette image animée, le chef d'oeuvre de la nature. » (Thiers, Hist. de la Révolution française, liv. I, p. 260.)
Lorsque la déesse fut amenée devant la Convention, le président la prit par la main et dit en se tournant vers l'Assemblée : 'Mortels, cessez de trembler devant le Dieu que vos prêtres ont créé. Ne reconnaissez plus désormais d'autre divinité que la Raison. Je vous présente sa plus noble et sa plus pure image; s'il vous faut des idoles, n'apportez plus vos hommages qu'à celle-ci... Tombe devant l'auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison!...
» Après avoir reçu l'accolade du président, l'idole, montée sur un char magnifique, fut conduite, au milieu d'un immense concours de peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs. » (Alison, vol. I, chap. X..)
Cette cérémonie fut suivie d'un autodafé de livres pieux, y compris la Bible. « La Société populaire de la section du Musée entra au Conseil en criant : Vive la Raison! et, portant au bout d'un bâton les restes d'un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires, les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l'Ancien et le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du Temple de la Raison, toutes les sottises qu'ils ont fait commettre à l'espèce humaine. » (Journal de Paris, 1793, numéro 318. Cité par Buchez-Roux, vol. XXX, p. 200, 201.)
Le papisme avait commencé le travail qu'achevait l'athéisme. Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale, politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité à la fois sur le Trône et sur l'Église. (Voir Appendice a30) En toute justice, ces excès doivent être attribués à l'Église, qui avait empoisonné l'esprit des rois au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d'ennemie de la couronne et d'élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées par l'autorité royale.
En revanche, l'esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole de Dieu. Partout où l'Évangile avait été reçu, les yeux s'étaient ouverts. Les chaînes de l'ignorance, du vice et de la superstition, le plus avilissant des esclavages, avaient été brisées... On s'était mis à penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient tremblé pour leur despotisme et Rome s'était empressée d'attiser leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France : « Cette forcènerie [le protestantisme] ne se contentera pas de brouiller la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et même rangs. » (G. de Félice, Hist, des Protestants de France - 6e éd. - liv. I, chap. II, p.28.) Quelques années plus tard, le nonce du pape donnait au roi cet avertissement : « Sire, ne vous y trompez pas, les protestants porteront atteinte à l'ordre civil comme à l'ordre religieux. Le trône est en danger tout autant que l'autel. L'introduction d'une religion nouvelle doit entraîner nécessairement un gouvernement nouveau. » (Merle d'Aubigné, Hist. de la Réformation au temps de Calvin, liv. II, chap. XXXVI.) Et les théologiens de faire appel aux préjugés populaires en déclarant que la doctrine protestante « entraîne les hommes vers des nouveautés et des folies; qu'elle prive le roi de l'affection de ses sujets et dévaste à la fois l'Église et l'État ». C'est ainsi que Rome avait réussi à dresser la France contre la Réforme.
Les enseignements des Écritures auraient au contraire implanté dans les esprits et les coeurs des principes de justice, de tempérance, de vérité, d'équité et de bienveillance, principes qui sont la pierre angulaire de la prospérité nationale. « La justice élève une nation. » « C'est par la justice que le trône s'affermit. » « L'oeuvre de la justice sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours. » ( Proverbes 14.34; 16.12; Ésaïe 32.17 ) Celui qui est soumis à la loi divine ne faillira pas non plus au respect des lois de son pays. Celui qui craint Dieu « honorera le roi » dans l'exercice de ses attributions justes et légitimes. Les dirigeants de la France ne se doutaient guère, hélas! des conséquences de leur fatale politique lorsqu'ils prohibèrent les Écritures et bannirent ses disciples, lorsque, siècle après siècle, des hommes intègres, éclairés, consciencieux, ayant le courage de leurs convictions et la foi qui consent à souffrir pour la vérité, avaient été condamnés aux galères, consumés sur les bûchers ou enterrés vifs dans de sombres cachots. Des myriades d'autres avaient cherché leur salut en passant à l'étranger. Et cela dura deux cent cinquante ans à partir des débuts de la Réforme!
« Il n'y eut peut-être pas une génération de Français, au cours de cette longue période, qui ne fût témoin de la fuite éperdue des disciples de l'Évangile devant la fureur de leurs persécuteurs. Emportant avec eux leurs arts et leurs industries (dans lesquels ils excellaient généralement), leur intelligence et leur esprit d'ordre, ils allèrent, au détriment de la France, enrichir les pays qui leur donnaient asile.
» Si, au cours de ces trois siècles, la main active de ces exilés avait cultivé le sol national; si leurs talents industriels avaient perfectionné ses usines; si leur génie créateur avait enrichi sa littérature et cultivé ses sciences; si leur sagesse avait dirigé ses conseils; si leur bravoure s'était donné libre carrière sur ses champs de bataille; si leur équité avait rédigé ses lois et si la religion de l'Évangile avait formé les consciences, quelle ne serait pas, aujourd'hui, la gloire de la France! Grande, prospère, heureuse, elle eût servi de modèle à tous les peuples de la terre!
» Au lieu de cela, un fanatisme aveugle et inexorable chassait du sol français les maîtres de la vertu, les champions de l'ordre et les vrais soutiens du trône. En disant aux hommes qui auraient pu assurer la gloire de leur patrie : Vous avez le choix entre l'exil et le bûcher, on consomma la ruine de l'État. Et comme il ne resta plus de conscience à proscrire, plus de religion à traîner sur la roue, plus de patriotisme à exiler, on eut la Révolution et ses horreurs.
» La fuite des Huguenots avait été suivie en France d'une décadence générale. Des villes industrielles florissantes tombèrent à rien; des régions fertiles demeurèrent en friche. À une période de progrès sans précédent succédèrent le marasme intellectuel et le déclin moral. Paris devint une vaste aumônerie où deux cent mille personnes, au moment de la Révolution, attendaient leur subsistance des largesses royales. Seuls, au sein de la décadence, les Jésuites prospéraient et faisaient peser le joug de leur tyrannie sur les Églises, sur les écoles, dans les prisons et sur les galères. »
L'Évangile aurait apporté à la France la solution des problèmes politiques et sociaux qui déjouaient l'habileté de son clergé, de son roi et de ses législateurs et qui finirent par plonger le pays dans l'anarchie et la ruine. Malheureusement, sous la tutelle de Rome, le peuple avait oublié les enseignements bénis du Sauveur se résumant dans l'amour du prochain. On l'avait détourné de la voie du désintéressement. On n'avait pas censuré le riche opprimant le pauvre ni secouru le pauvre dans sa servitude et sa dégradation. L'égoïsme du riche et du puissant était devenu de plus en plus dur et cruel. Depuis des siècles, une noblesse prodigue et dissolue écrasait le paysan; le riche pillait le pauvre et chez le pauvre la haine allait en grandissant.
Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d'impôts par les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe ouvrière étaient chargées d'entretenir à la fois l'Église et l'État. « Le bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême; les fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim : leurs oppresseurs n'en avaient cure... Les intérêts exclusifs des propriétaires devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole était une existence de misère; ses plaintes, si jamais il s'avisait d'en faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tribunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristocrates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trouvait le chemin du trésor royal ou épiscopal; le reste était gaspillé. Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient eux-mêmes exempts d'impôts et avaient droit, de par la loi ou la coutume, à toutes les charges de l'État. La Cour vivait dans le luxe et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans issue. » (Voir Appendice a31)
La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les administrés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et un peuple exaspéré, il n'était pas nécessaire d'être prophète pour prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis XV se signala pendant plus d'un demi-siècle par son indolence, sa frivolité et sa sensualité. C'était en vain qu'on le pressait de faire des réformes. S'il voyait le mal, il n'avait ni le courage ni le pouvoir d'y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait invariablement : « Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu'il pourra. » Il ne prédisait que trop bien le sort qui attendait la France par cette parole souverainement égoïste : « Après moi le déluge! »
En jouant sur la jalousie des rois et des classes dirigeantes, Rome les avait poussés à maintenir le peuple dans un état de servitude, sachant très bien qu'en affaiblissant l'État, elle affermissait d'autant son ascendant sur la nation entière. Sa politique clairvoyante lui enseignait que, pour asservir les peuples, il faut enchaîner les âmes et leur ôter toute velléité de liberté. Or la dégradation morale résultant de cette politique était mille fois plus lamentable que les souffrances physiques. Privé du pur Évangile, saturé de fanatisme, le peuple était plongé dans l'ignorance, la superstition et le vice, et, par conséquent, il ne savait pas se gouverner.
Tel était le plan de Rome. Mais le dénouement fut tout autre. Au lieu de retenir les foules dans une aveugle soumission à ses dogmes, elle avait fait des incrédules et des révolutionnaires. Considéré par le peuple comme inféodé aux oppresseurs, le romanisme récolta sa haine. Le seul dieu, la seule religion que l'on connût étant le dieu de Rome et les enseignements de Rome, on considéra l'avarice et la cruauté de l'Église comme les fruits légitimes de l'Évangile et l'on ne voulut plus en entendre parler.
Rome ayant dénaturé le caractère de Dieu et perverti ses exigences, on rejeta et la Bible et Son Auteur. Au nom des Écritures, la papauté avait exigé une foi aveugle en ses dogmes. Par réaction, Voltaire et ses collaborateurs rejetèrent entièrement la Parole divine et semèrent à pleines mains le poison de l'incrédulité, Rome avait écrasé le peuple sous son talon de fer et maintenant, dans leur horreur de la tyrannie, les masses dégradées et brutalisées rejetaient toute contrainte. Furieux d'avoir trop longtemps rendu hommage à une brillante fiction, le peuple rejeta également la vérité et le mensonge. Confondant la liberté avec la licence, les esclaves du vice exultèrent dans leur liberté imaginaire.
Au commencement de la Révolution, par concession royale, le peuple obtint aux États généraux une représentation supérieure en nombre à celles du clergé et de la noblesse. La majorité gouvernementale se trouvait donc entre ses mains; mais il n'était pas en état d'en user avec sagesse et modération. Dans sa hâte de redresser les torts dont elle avait souffert, une populace aigrie par la souffrance et par le souvenir des vieilles injustices entreprit aussitôt de reconstruire la société et de se venger des auteurs de son dénuement. Mettant à profit les leçons qu'on leur avait données, les opprimés devinrent les oppresseurs de leurs tyrans.
Malheureuse France! Elle récoltait dans le sang la moisson de ses semailles et buvait au calice amer de sa soumission à la puissance de Rome. C'est sur l'emplacement même où, sous l'influence du clergé, avait été élevé le premier bûcher à l'intention des réformés que la Révolution dressa la première guillotine. C'est à l'endroit même où, au seizième siècle, les premiers martyrs de la foi réformée avaient été brûlés, qu'au dix-huitième furent guillotinées les premières victimes de la vindicte populaire. En rejetant l'Évangile qui lui eût apporté la guérison, la France avait ouvert toute grande la porte à l'incrédulité et à la ruine. Le joug des lois divines secoué, on s'aperçut que les lois de l'homme étaient impuissantes à endiguer la marée montante des passions humaines, et la nation sombra dans la révolte et l'anarchie. La guerre à la Parole de Dieu inaugura une ère connue dans l'histoire sous le nom de « règne de la Terreur ». La paix et le bonheur furent bannis des foyers et des coeurs. Personne n'était en sécurité. Celui qui triomphait aujourd'hui était, demain, accusé et condamné. La violence et la luxure avaient libre cours.
Le roi, le clergé et la noblesse furent livrés aux atrocités d'une populace en démence. L'exécution du roi excitant la soif de vengeance, les hommes qui avaient décrété sa mort le suivirent bientôt à la guillotine. Le massacre général de tous ceux qui étaient suspects d'hostilité à la Révolution fut décidé. Les prisons étaient combles : un certain moment, elles n'abritaient pas moins de deux cent mille captifs. Dans les villes de province, on n'assistait qu'à des scènes d'horreur. La France était devenue un champ clos où s'affrontaient des foules en proie à la fureur de leurs passions. « À Paris, où les tumultes succédaient aux tumultes, les citoyens étaient partagés en factions ne visant qu'à leur extermination mutuelle. » Pour comble de malheur, la France avait sur les bras une guerre dévastatrice avec les grandes puissances. « Le pays était acculé à la faillite; les armées réclamaient leur solde arriérée; Paris était réduit à la famine; les provinces étaient ravagées par des brigands, et la civilisation faisait place à l'anarchie. »
Le peuple, hélas! n'avait que trop bien retenu les néfastes leçons de cruauté que Rome lui avait si patiemment enseignées, et le jour des rétributions était enfin venu. Ce n'étaient plus maintenant les disciples de Jésus qu'on jetait dans les cachots et qu'on entraînait à l'échafaud. Il y avait longtemps qu'ils avaient été ou égorgés ou contraints de s'exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels de ceux qu'elle avait habitués à verser, d'un coeur léger, le sang de leurs frères. « La persécution dont le clergé de France avait donné l'exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots, se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur banc et tirant l'aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les supplices qu'ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques. » (Voir Appendice a32)
« Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut appliqué par un tribunal plus barbare encore; où nul ne pouvait saluer son voisin ni faire sa prière sans s'exposer à commettre un crime capital; où des espions étaient apostés à tous les coins de rue; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée; où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang humain....; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de Paris conduisant au lieu d'exécution leurs chargements de victimes; où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon fut réduit en désert. À Arras, on refusa même aux prisonniers la cruelle miséricorde d'une mort immédiate. Tout le long de la Loire, de Saumur jusqu'à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l'âge. Des jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d'une pique à l'autre de petits enfants, arrachés au sein maternel. » (Voir Appendice a33)
Dans le court espace de dix ans, des multitudes d'êtres humains avaient péri de mort violente. Tout cela était conforme aux désirs du prince des ténèbres et au but qu'il poursuit de siècle en siècle avec une invariable fourberie. Son objet est de plonger l'homme, créature de Dieu, dans la désolation, de le défigurer, de le souiller et par là de contrister le ciel en entravant les plans de la bienveillance et de l'amour divins. Cela fait, aveuglant les esprits, il rejette sur Dieu la responsabilité de son oeuvre, qu'il fait passer pour le résultat des desseins originels du Créateur. Et lorsque ceux qu'il a longtemps brutalisés et dégradés finissent par secouer leur chaîne, il les pousse à des excès et à des atrocités que les tyrans et les oppresseurs citent ensuite comme les conséquences légitimes de la liberté.
Mais il y a plus. Lorsqu'une certaine forme d'erreur est dévoilée, Satan la présente sous un autre déguisement, qui est reçu par la multitude avec tout autant de faveur que le précédent. Voyant que le romanisme était démasqué et qu'il ne pouvait plus s'en servir pour égarer les foules, l'ennemi les poussa dans l'extrême opposé. On rejeta toutes les religions comme mensongères et la Parole de Dieu comme un tissu de fables, pour se livrer sans remords à l'iniquité.
Ce qui attira tant de calamités sur la France, c'est l'ignorance fatale de cette grande vérité, à savoir que la véritable liberté se trouve dans l'obéissance à la loi de Dieu. « Oh! si tu étais attentif à mes commandements! Ton bien-être serait comme un fleuve, et ton bonheur comme les flots de la mer. » « Il n'y a point de paix pour les méchants, dit l'Éternel. » « Mais celui qui m'écoute reposera avec assurance, il vivra tranquille et sans craindre aucun mal. » ( Ésaïe 48.18, 22; Proverbes 1.33 )
Les athées, les incrédules et les apostats peuvent repousser et combattre la loi de Dieu, les résultats de leur oeuvre prouvent que la prospérité de l'homme dépend de l'obéissance aux statuts divins. Que ceux qui ne veulent pas croire le Livre de Dieu se donnent la peine de lire ce fait dans l'histoire des nations.
Quand Satan se servait de l'Église romaine pour entraîner les hommes loin du sentier de l'obéissance, sa main était si bien dissimulée qu'on ne voyait pas dans les maux qui en découlaient les résultats naturels de l'erreur. En outre, sa puissance était à tel point neutralisée par l'Esprit de Dieu que son système ne pouvait produire tous ses fruits. On ne remontait pas des effets à la cause, et on ne découvrait pas la source des misères publiques. C'est lors de la Révolution, où la loi de Dieu fut ouvertement supprimée par l'Assemblée nationale, et surtout sous le règne de la Terreur qui suivit, que chacun put voir les conséquences de l'abandon des préceptes divins.
Quand la France renia Dieu publiquement et rejeta la Bible, les impies -- comme aussi les démons -- exultèrent de voir enfin la réalisation de leur plus cher désir : un royaume affranchi des restrictions de la loi de Dieu! « Parce qu'une sentence contre les mauvaises actions ne s'exécute pas promptement, le coeur des fils de l'homme se remplit en eux du désir de faire le mal. » ( Ecclésiaste 8.11 ) Ils ignorent que la violation d'une loi juste entraîne nécessairement une pénalité et que, si le châtiment ne suit pas toujours de près la transgression, il n'en est pas moins certain. Des siècles d'apostasie et d'iniquité avaient accumulé « un trésor de colère pour le jour de la colère »; aussi, une fois la coupe de leur iniquité comblée, les prévaricateurs et les impies apprirent que lasser la patience divine est une chose terrible. L'Esprit de Dieu, dont la puissance protectrice imposait un frein à la cruauté de Satan, s'étant partiellement retiré, l'être implacable qui trouve ses délices à faire souffrir les hommes put agir à sa guise. Ceux qui avaient choisi le sentier de la révolte eurent bientôt l'occasion d'en mesurer les conséquences sur une terre couverte de forfaits indescriptibles.
« À cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et la dixième partie de la ville [de la grande ville : la chrétienté, à savoir la France] tomba. »
Des provinces dévastées et des villes ruinées monta, lamentable et amère, une clameur désespérée. La France était secouée comme par un « tremblement de terre ». La religion, la loi, l'ordre social, la famille, l'Église et l'État, tout était abattu par la main impie qui s'était levée contre la loi de Dieu. Ces paroles du Sage se justifiaient : « Le bonheur n'est pas pour le méchant. » « Cependant, quoique le pécheur fasse cent fois le mal et qu'il y persévère longtemps, je sais aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu'ils ont de la crainte devant lui. » ( Ecclésiaste 8.12, 13 ) « Parce qu'ils ont haï la science, et qu'ils n'ont pas choisi la crainte de l'Éternel,... ils se nourriront du fruit de leur voie, et ils se rassasieront de leurs propres conseils. » ( Proverbes 1 : 29-31 )
Bien qu'immolés par la puissance blasphématrice « qui monte de l'abîme », les témoins de Dieu ne devaient pas demeurer longtemps silencieux. « Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une grande crainte s'empara de ceux qui les voyaient. » ( Apocalypse 11.11 ) C'est en 1793 que l'Assemblée nationale avait décrété l'abolition de la religion chrétienne et la suppression des saintes Écritures. Trois ans et demi plus tard, la même Assemblée rapportait son décret et tolérait ainsi la libre circulation du Livre saint. Le monde, épouvanté à la vue des débordements qui avaient suivi la répudiation de l'Évangile, reconnut la nécessité de la foi en Dieu et en sa Parole comme base de la vertu et de la morale. Cela était écrit : « Qui as-tu insulté et outragé? Contre qui as-tu élevé la voix? Tu as porté tes yeux en haut sur le Saint d'Israël. » « C'est pourquoi voici, je leur fais connaître, cette fois, je leur fais connaître ma puissance et ma force; et ils sauront que mon nom est l'Éternel. » ( Ésaïe 37.23; Jérémie 16.21 )
Le prophète ajoute, au sujet des deux témoins : « Et ils entendirent du ciel une voix qui leur disait : Montez ici! Et ils montèrent au ciel dans la nuée; et leurs ennemis les virent. » ( Apocalypse 11.12 ) Depuis que la France a fait la guerre aux témoins de Dieu, ils ont été plus honorés que jamais. En 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère. Elle fut suivie de l'organisation en Europe de plusieurs sociétés auxiliaires. En 1816 avait lieu la fondation de la Société biblique américaine et, en 1818, celle de la Société biblique britannique, les saintes Écritures étaient imprimées en cinquante langues; depuis, elles l'ont été en plus de huit cent langues et dialectes. (Voir Appendice a34)
Au cours des cinquante années qui précédèrent l'année 1792, on ne s'était guère occupé des missions étrangères. Aucune société nouvelle ne s'était formée et peu d'églises se préoccupaient d'évangéliser les païens. Mais vers la fin du dix-huitième siècle, un grand changement se produisit. On se lassa du rationalisme et l'on commença à éprouver le besoin d'une révélation divine et d'une religion expérimentale. À partir de cette époque, l'oeuvre des missions a pris un développement sans précédent. (Voir Appendice a35)
Les progrès dans l'art de l'imprimerie ont très sensiblement aidé à la propagation des saintes Écritures. Les facilités de communication d'un pays à l'autre, la disparition des barrières élevées par les préjugés et les exclusivismes nationaux, ainsi que la chute du pouvoir temporel ont frayé la voie à la diffusion de la Parole de Dieu. Depuis 1871, les saintes Écritures se vendent sans entrave dans les rues de Rome et elles se répandent actuellement dans toutes les régions habitées du globe.
L'incrédule Voltaire disait : Je suis las d'entendre répéter que douze hommes ont fondé la religion chrétienne. Je prouverai qu'il suffit d'un seul homme pour la renverser. » Il y a bientôt deux siècles que cet écrivain est mort. Des millions de sceptiques se sont joints à lui dans la guerre contre les oracles de Dieu. Or loin d'être extirpés, là où il y avait cent exemplaires aux jours de Voltaire, il y en a dix mille, que dis-je? il y en a cent mille aujourd'hui. Pour parler avec un réformateur, « les Écritures sont une enclume qui a déjà usé bien des marteaux ». Le Seigneur ajoute : « Toute arme forgée contre toi sera sans effet; et toute langue qui s'élèvera en justice contre toi, tu la condamneras. » ( Ésaïe 54.17 )
« La Parole de notre Dieu subsiste éternellement. » « Les oeuvres de ses mains sont fidélité et justice; toutes ses ordonnances sont véritables, affermies pour l'éternité, faites avec fidélité et droiture. » ( Ésaïe 40.18; Psaume 111.7, 8 ) Ce qui est édifié sur l'autorité humaine tombera; mais ce qui repose sur le rocher immuable de la Parole de Dieu subsistera éternellement.
Published by Olivier
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dans
La Tragédie des Siècles